Les travaux du réaménagement du site de la COMINAK, prévus dans le planning global pour une durée de 12 ans sont à 16 mois de mise en œuvre soit environs 10% de la durée prévisionnelle qui va jusqu’en 2032. Les activités sont suivies par une gouvernance multipartite mise en place entre les représentants de l’Etat, COMINAK et de la société civile pour garantir le bon déroulement du projet dont actuellement trois instances de suivi de l’exécution du projet existent. Dans l’interview qui suit, le Directeur Général de la COMINAK, nous fait l’état des lieux de l’avancement des travaux et nous parle du projet de reconversion économique qui est dans sa phase de structuration.
Monsieur le Directeur Général, l’exploitation de la mine souterraine d’Akouta est terminée depuis le 31 mars 2021. Après 16 mois d’intenses travaux de réaménagement du site, où en êtes-vous sur ce volet technique du projet ?
D’abord, merci pour cette opportunité que vous nous donnez d’apporter un éclairage pour cette nouvelle phase importante de la vie de COMINAK qu’est le Réaménagement du Site, communément appelé RdS, et structuré en 3 grands volets : technique & environnemental, social et sociétal. Le cycle minier est constitué des quatre grandes phases suivantes : la phase d’exploration/faisabilité, la phase de développement/ construction, la phase de production et celle de réaménagement/surveillance/reconversion du site. Le RdS de COMINAK s’inscrit donc dans la continuité de son cycle de vie. En même temps, c’est la 1ère fois qu’un site minier de cette importance est réaménagé au Niger et dans la sous-région.Rappelons que COMINAK fut la plus grande mine souterraine d’Uranium dans le monde, en Afrique.
Le RdS de COMINAK constitue donc un cas d’école unique y compris à l’international.
Sur le volet technique et environnemental, relativement au réaménagement des termes sources que sont les travaux miniers souterrains, l’usine et les autres installations de surface, la verse à résidus et les bassins d’eau chaude et effluents, des jalons importants ont été franchis.
Au niveau de la mine les travaux de bouchage des deux descenderies d’accès sont terminés et ceux du bouchage des gros trous (puits d’aération) le sont quasiment avec un taux de réalisation de l’ordre de 93%.
Les travaux de démantèlement de l’usine scindés en 3 lots avancent conformément au planning : le 1er lot constitué des ateliers Broyage/Attaque & Filtration minerai est entièrement terminé, le lot 2 est achevé à hauteur de 70%, le lot 3a (génie civil) est terminé et le lot 3b (génie civil) sera lancé en ce début août. Nous avons malheureusement déploré en début d’année un accident sur le lot 1 qui a coûté la vie à deux de nos sous-traitants et dont je m’incline devant leur mémoire.
En prélude à la démolition de certains bâtiments en zone industrielle, nous avons entamé leur désamiantage. Cette opération de désamiantage techniquement complexe et délicate, est menée par un groupement constitué d’une entreprise nigérienne et d’une entreprise française. Les agents de l’entreprise nigérienne ont bénéficié d’une formation qualifiante et de l’accompagnement de l’entreprise française. L’opération se déroule bien, dans le respect des meilleurs standards en la matière et avec un transfert de compétences réussi.
Les essais d’optimisation du recouvrement de la verse avec l’ultime planche d’essai se poursuivent et les essais concluants de comblement des bassins effluents font partie des avancées importantes.
Monsieur le Directeur Général, un comité multipartite a été mis en place entre la société, les représentants de l’Etat et de la société civile pour garantir le bon déroulement du projet. A cette date, est-ce que le contrôle du réaménagement n’a pas suscité d’inquiétudes de non-respect des engagements notamment le respect des normes environnementales ?
Effectivement, une gouvernance multipartite robuste et inclusive a été mise en place entre les représentants de l’Etat, COMINAK et de la société civile pour garantir le bon déroulement du projet. Actuellement, trois instances de suivi de l’exécution du projet existent : il y’a en central le comité national de suivi qui effectue 2 missions par an, au niveau local il y’a le comité local de suivi (présidé par le Préfet du département d’Arlit) qui effectue des missions chaque mois sur le site et la Direction Départementale des Mines d’Arlit qui effectue des visites d’inspection toutes les deux semaines.
Notre objectif en termes d’impact radiologique est de respecter la limite règlementaire pour les populations riveraines de maximum +1mSv par an de dose ajoutée par rapport au niveau d’exposition naturelle. Pour ce faire, nous surveillons l’air, l’eau, la chaine alimentaire et les sols via des prélèvements réguliers et des analyses indépendantes dont les résultats sont partagés. Ces résultats restent conformes avec même une amélioration.
Nous avons réalisé, dans le cadre du « Comité Plan Compteur » (regroupant de manière inclusive la Direction Départementale des Mines d’Arlit, la Mairie d’Arlit, la Société Civile et COMINAK), un contrôle radiologique de l’ensemble des habitations, rues et lieux publics de la ville d’Akokan. Les marquages identifiés sont pris en charge et en cours traitement pour un coût réel à date d’environ 80 millions de F CFA.
Cette surveillance environnementale sera poursuivie à la fin des travaux de réaménagement, pendant une période d’au moins 5 ans renouvelable, à l’issue de laquelle un bilan de ces résultats sera effectué et une décision prise par l’administration de fermeture définitive du site et de quitus.
Pour rappel, en 2019, le plan cadre de réaménagement du site qu’est l’APD (Avant-Projet Détaillé) a été audité, à la demande des actionnaires de COMINAK, par un expert indépendant, avant sa finalisation.
Pour confirmer le respect des normes de l’ICMM (International Council on Mining and Metals), une analyse des écarts entre le guide de réaménagement de l’ICMM réunissant les meilleures pratiques du secteur et le projet de réaménagement de COMINAK a été menée et a permis de définir des axes d’améliorations dans la mise en œuvre et le suivi du projet de réaménagement.
Nous savons bien que les travaux sont prévus pour durer 10 à 12 ans, soit entre 120 et 150 mois calendaires et comprennent le réaménagement de la mine. Pensez-vous qu’à l’allure des travaux, le délai sera respecté comme prévu ?
En effet, le 31 mars 2021, conformément à la décision prise en octobre 2019 par le Conseil d’Administration de COMINAK, le site a arrêté ses activités de production et donc entamé les activités de réaménagement du site pour une durée prévisionnelle de 10 à 12 ans avant l’étape de surveillance environnementale d’une durée de 5 ans renouvelables. L’Arrêté de fermeture de l’exploitation de la mine de COMINAK a été signé par le Ministre des Mines du Niger le 15 Octobre 2020. Conformément à nos engagements, les travaux de réaménagement ont démarré dès l’arrêt des activités de production. Aujourd’hui, nous sommes à 16 mois de mise en œuvre des activités de réaménagement soit environs 10% de la durée prévisionnelle du planning global qui va jusqu’en 2032.
En 2022, notre objectif, en termes de travaux techniques à réaliser, est de réaménager entièrement la mine souterraine, démanteler l’ensemble de l’Usine et une grande partie des autres installations de surface, poursuivre les tests de recouvrement des bassins effluents et finaliser tous les essais d’optimisation des travaux de réaménagement de la verse à résidus. Le planning évolue constamment, selon les contraintes opérationnelles ou financières et les choix stratégiques, mais notre chemin critique n’a à ce jour pas été impacté.
Je demeure confiant sur l’atteinte de cet objectif d’ici la fin d’année 2022.
Normalement vous devriez entamer le reprofilage de la verse à résidus ainsi que son recouvrement en juin 2022. Alors que ce lot verse reste le plus important en volume de travaux et du budget. Quant est-il de son avancement surtout que la surface est de 120 hectares et qu’elle doit être recouverte par des matériaux?
Les travaux de réaménagement de la verse à résidus ont le double objectif de garantir la sécurité/stabilité et la protection radiologique de la verse à résidus sur le long terme. Ils consistent en des travaux de reprofilage et de couverture multicouche constituée d’argilite et de grès. Le budget final à terminaison est estimé à environs 21 milliards F CFA soit plus de 40% du budget technique du projet.
En 2022, il s’agissait en fait de démarrer des travaux pilotes à petite échelle et en situation réelle avant les gros travaux a proprement parlé à partir de 2023 pour une durée prévisionnelle de 4 à 5 ans. Ces derniers travaux pilotes, sous forme de 6 planches d’essai et qui se dérouleront sur une surface d’environ 3% de la surface totale de la verse, démarreront en ce début août et doivent nous permettre, d’ici la fin d’année, d’avoir un retour d’expérience suffisant afin d’optimiser l’organisation ainsi que le budget final de la verse.
En fonction des résultats obtenus sur la réalisation des dernières planches d’essai, du type d’organisation à mettre en œuvre pour une meilleure maitrise sécurité et radioprotection, du processus décisionnel et des délais de mobilisation des prestataires, la meilleure fenêtre de lancement effectif des travaux de reprofilage/couverture de la verse à résidus sera définie,soit entre le 4ème trimestre 2022 au plutôt et le 1er semestre 2023 au plus tard.
Au moment de la fermeture de la COMINAK, l’effectif des agents était de 614 agents statutaires et environs 800 sous-traitants. Pouvez-vous nous faire le point des mesures d’accompagnement des travailleurs promises à la fermeture du site ?
Dans le cadre du volet social du RdS, notre objectif est de soutenir nos salariés et les sous-traitants dans le plan de reconversion à travers les engagements ci-après : conseiller chaque salarié dans une reconversion professionnelle, mettre en place les mesures d’accompagnement adaptées pour chaque salarié, accompagner les salariés et les sous-traitants dans des projets d’entreprenariat éligibles et viables puis assurer aux anciens salariés exposés aux rayonnements ionisants, un suivi médical post-professionnel gratuit dans le cadre de l’OSRA – Observatoire de la Santé de la Région d’Agadez.
Grâce au « Bureau de Reconversion » mis en place, le taux d’agents ayant bénéficié d’une solution de reclassement est à la date actuelle de 80% avec plus d’une centaine de nos collègues reclassés soit au sein des filiales d’Orano (Niger, France et Namibie) soit au sein d’autres entreprises au Niger et à l’international. Les formations en reconversion professionnelle ont permis à plus d’une centaine de nos collègues d’accéder à l’auto-entreprenariat. Dans le cadre des accords sociaux, l’assurance santé-CAREN sur 5 ans avec prise en charge médicale de l’agent et de ses ayant-droits est effective pour nos anciens collègues y ayant opté. Le suivi médical post-professionnel via l’OSRA se poursuit aussi. Concernant nos sous-traitants, plusieurs font partie des équipes de réaménagement et plus de 90% des heures travaillées le sont par les locaux.
Quel sera le sort des autres infrastructures de la COMINAK qui ne sont pas concernées par l’opération de démantèlement ? Comme l’hôpital, la cité etc.
Dans le cadre de la transition sociétale notre objectif est de : « agir pour une transition sociétale pérenne, durable et utile pour les populations ». Des engagements ont été pris par COMINAK s’agissant du transfert de certaines infrastructures. Il s’agit notammentdu transfert des réseaux électrique et eau potable de la cité minière à la NIGELEC et la SPEN/SEEN, le transfert des logements et lieux communs de la cité minière à l’Etat via le Ministère en charge de l’Urbanisme et du Logement.
Le transfert de l’hôpital de COMINAK à l’Etat via le Ministère de la Santé Publique sur une période de 3 à 5 ans est en cours, et un accompagnement est assuré pour une durée de 5 ans supplémentaires.
Toujours dans le cadre de la transition sociétale nous avons pris l’engagement d’accompagner le maintien et, si possible, le développement des activités de maraîchage sur la ville d’Akokan.
Nous avons mis à la disposition des maraichers, 5 de nos puits que nous avons équipés de champs solaires et construit, 5 bassins de rétention d’eau. Les travaux de raccordement sont en finalisation.
Tous ces transferts ont fait l’objet de conventions au cours de l’année 2021 et toutes ces conventions sont en phase de miseen œuvre.
Toujours dans le cadre des actions sociétales, il est question d’un projet de reconversion économique de près de 4 milliards F CFA du territoire d’Arlit-Iferouāne. Pouvez-vous nous en dire plus et où en êtes-vous de ce projet ?
A l’issue de l’étude d’impact sur la fermeture de COMINAK menée par le Comité d’Orientation, 5 filières économiques ont été identifiées : les travaux publics, le transport & la logistique, l’agro-alimentaire, la valorisation des ressources minérales, et l’artisanat/les commerces/autres activités.
Effectivement, dans le cadre de la transition sociétale suite à l’arrêt de ses activités de production, COMINAK a prévu un budget de 4 milliards de F CFA destiné à venir en appui de l’accompagnement dans la reconversion économique du territoire d’Arlit-Iferouāne. L’objectif est de financer des projets d’envergure et pérennes, permettant de créer des activités génératrices de revenus et un nombre significatif d’emplois dans les secteurs porteurs définis par les autorités et en lien avec les 5 filières identifiées.
Le projet de reconversion économique est dans sa phase de structuration. Un comité intercommunal autour du préfet d’Arlit, celui d’Iferouāne et des Maires des 5 communes qui constituent les deux départements y travaille avec l’appui d’un expert mis à disposition par COMINAK. Les sous-projets ont été identifiés et portent majoritairement sur le développement du potentiel agro-pastoral et industriel du territoire d’Arlit-Iferouāne. L’objectif est d’aboutir à leur lancement avant la fin de cette année 2022 pour une période de 4 à 5 ans maximum. Ce projet de reconversion économique s’inscrit dans la droite ligne de la création de pôles agro-industriels lancée par l’Etat.
Bonne fête du 3 août à toutes et à tous.
Réalisée par Seini Seydou Zakaria(onep)