Monsieur le Commissaire, l’acheminement des pèlerins en Arabie Saoudite se poursuit, quel est à la date d’aujourd’hui, le nombre de pèlerins nigériens ayant foulé effectivement le sol saoudien ?
Avant de répondre à cette question, permettez-moi de préciser que l’organisation d’un bon Hadj obéit à un certain nombre d’éléments indispensables et dont la maitrise ne doit souffrir d’aucune ambiguïté. Il s’agit entre autres du transport des pèlerins ; l’hébergement ; l’encadrement et la restauration. En effet, l’organisation du Hadj dans notre pays est une question nationale au regard de la place qu’occupe le pèlerinage dans la vie de nos populations et surtout eu égard à l’importance qu’accordent les autorités nigériennes à cet événement. C’est d’ailleurs dans cette optique qu’un forum a été organisé en janvier 2023 pour que le maximum d’acteurs se prononce sur la question. Sinon, de tout temps, c’est le Commissariat à l’Organisation du Hadj et de la Oumra et les chefs d’agences qui se prononcent. Chacun donne sa version des faits au point que la population a des difficultés à comprendre qui a raison ou qui a tort. Fort heureusement, la tenue de ce forum a permis à l’ensemble des acteurs de se prononcer sur les quatre aspects fondamentaux dans l’organisation du Hadj. C’est ainsi qu’à l’unanimité, les acteurs ont convenu de diversifier les partenaires. C’est pourquoi, d’un partenaire habituel, cette année, le COHO a identifié et retenu trois en l’occurrence Max Air ; Saura Flynas et Ethiopian Airlines. En outre, à la lumière de ce qui se passe actuellement et relativement aux points sur lesquels le forum a débattu, on peut dire sans risque de se tromper qu’il y a eu une nette amélioration dans l’organisation du Hadj au Niger et surtout par rapport au transport des pèlerins. Je profite de cette occasion pour dire qu’à la date du 17 juin 2023, le Commissariat à l’organisation du Hadj a transporté 8.527 pèlerins. C’est une grande performance et nous pensons que dans les jours à venir, nous allons épuiser le stock qui reste.
Et qu’en est-il de leur hébergement en Arabie Saoudite ?
S’agissant du second aspect lié à l’organisation du Hadj, notamment l’hébergement, nous voulons que les populations nigériennes soient édifiées davantage. De par mon expérience, le Niger est l’un des pays qui hébergent ses pèlerins dans des plus mauvaises conditions. Ce sont seulement les Nigériens qui étaient hébergés dans des bâtiments délabrés, exigus et entassés à grand nombre avec une seule toilette. Pour effectivement résoudre ce problème crucial qui ternit l’image de notre pays, le COHO n’a eu de choix que d’appliquer à la lettre l’une des résolutions du forum. Dans cette optique, le comité de pilotage du COHO a dépêché une mission de deux semaines en Arabie Saoudite, en collaboration avec les chefs de groupes d’agences afin d’identifier des bâtiments où les pèlerins nigériens seront logés. Cette équipe était composée des responsables du COHO ; de la Primature et du Ministère du Commerce. Elle a fait son travail sur place conformément aux critères retenus par le COHO. Le critère lié au choix de bâtiments est celui des bâtiments décents, propres avec des chambres qui peuvent prendre quatre (4) personnes avec une toilette. La mission a obtenu effectivement les bâtiments exigés par le COHO. Cependant, il n’est pas étonnant d’entendre des ratés parce que le nombre de bâtiments réquisitionnés à l’époque était d’une capacité d’accueil de 9000 pèlerins. Après, cette mission, le nombre des pèlerins est allé à 15.000 personnes. C’est dire que les chefs de groupes d’agences ont pris des bâtiments à l’absence du COHO. Ces ratés sont en train d’être corrigés sur place avec le Secrétaire général du COHO et son équipe. Il y a eu des chefs de groupes d’agences qui ont logés des pèlerins nigériens dans des situations inacceptables. D’ores et déjà, nous avons donné des instructions fermes au Secrétaire général de l’institution pour qu’il déloge ces pèlerins du bâtiment inappropriés pour leurs chercher un autre bâtiment.
Outre l’hébergement, la question de l’encadrement des pèlerins est aussi un aspect très important dans l’organisation du Hadj, quelles sont les reformes mises en œuvre par le COHO pour assurer à nos pèlerins un encadrement de qualité en terre sainte de l’Islam ?
Par rapport à l’encadrement des pèlerins, nous avons appliqué les résolutions du forum qui fort opportunément correspondent exactement au système saoudien qui est de 45 à 50 pèlerins pour un encadreur. C’est ainsi que pour la première fois, nous avons fait subir des tests aux encadreurs. Sinon par le passé, c’était des chefs de groupes d’agences qui choisissent leurs parents, amis et connaissances qui, pour la plupart ne répondent pas souvent aux critères. Nous avons décidé d’arrêter cette pratique en soumettant tous les encadreurs à un test devant un jury constitués à cet effet. Le jury a sélectionné à l’issue de ce test les bons encadreurs. L’encadreur a pour rôle principal d’être avec les pèlerins pour leur montrer les différents sites religieux. C’est l’exemple de la «Ziyara» à Médine où les pèlerins ont besoin d’un encadreur à la hauteur de la tâche. A la Mecque, il faut que le pèlerin soit encadré pour faire le «Tawâf» ; «Safâ et Marwâ», à Mina et à Arafat. Cette année, nous allons veiller à ce que ces encadreurs soient avec les pèlerins et que les rites se passent normalement.
En ce qui concerne la restauration, le problème ne se pose pas. Les restaurateurs qui ont pris en charge les Nigériens l’année passée ont été reconduits au regard des témoignages faits par les chefs d’agences. Mais la particularité de cette année qui mérite d’être soulignée, c’est que le COHO a amené à la Mecque, un cuisinier professionnel qui connait très bien la cuisson des mets nigériens. La mission de celui-ci est d’encadrer les restaurateurs saoudiens afin qu’ils puissent produire des repas aux goûts de nos pèlerins. C’est une première innovation qui est extrêmement importante à relever. Bref, nous pensons avoir répondu à toutes ces exigences, et résolutions du forum qui sont par ailleurs les éléments qu’il faut réunir dans l’organisation du Hadj. Ce qui reste à faire, c’est la mise en œuvre.
Dans un communiqué émanant du COHO, en date du 12 juin 2023, votre structure a informé les chefs de groupes d’agences que la date butoir d’émission des visas a été fixée le 13 juin 2023 par les autorités saoudiennes. Est-ce que tous les candidats au Hadj ont effectivement eu leur visa ? Sinon comment vous comptez résoudre ce problème ?
Effectivement, nous avons tenu le 13 juin 2023, un point de presse pour informer l’opinion nationale que la date butoir d’émission des visas était fixée à cette date-là et que tout celui qui n’arrive pas à le produire à la date prévue allait se confronter à des problèmes. Ici, il me plait de relever qu’entre le COHO et les chefs d’agences, nous savons ce que nous faisons et nous avons le calendrier de toutes les échéances liées à l’organisation du Hadj. Ce calendrier, nous l’avons depuis février. Mais nous avons constaté que les chefs de groupes d’agences font semblant d’ignorer ce calendrier. La date butoir initiale était le 7 juin 2023. Les chefs de groupes d’agences le savent. A la veille de cette date, nous avions écrit aux autorités saoudiennes pour qu’elles puissent nous permettre une petite rallonge parce que les responsables d’agences n’étaient pas prêts. Voilà comment nous avons eu le report de 6 jours pour le Niger. A la date du 12 juin 2023, les Chefs d’agences n’ont pas accompli les formalités d’émission des visas. C’est la raison pour laquelle, nous avions organisé le point de presse pour alerter l’opinion pour qu’elle-même nous aide à faire la pression sur les chefs d’agences afin qu’ils puissent mettre les sous nécessaires pour l’obtention des visas. C’est ainsi qu’à la date du 13 juin 2023, quelques 1.399 pèlerins n’avaient pas eu de visa. Aussitôt le point de presse, nous avions rencontré la tutelle pour exposer le problème. Le Premier ministre, soucieux du danger lié à cette question avait personnellement appelé tous les Chefs d’agences. Fort heureusement, avec le bruit qu’on a fait et l’intervention du Chef du gouvernement, des résultats fort appréciables ont été enregistrés. A la date du 17 juin 2023, le nombre de visas non émis est de 514. Nous espérons que d’ici le 19 juin 2023, les chefs d’agences vont produire les éléments nécessaires liés à l’établissement des visas restants. Tant que ces visas ne sont pas émis, il n’existe aucun moyen d’effectuer le déplacement pour le Hadj. C’est le lieu pour moi de rappeler à l’opinion nationale que le rôle du COHO se limite à superviser et accompagner les agences du Hadj et de la Oumra. A priori, nous ne posons aucun acte dans l’organisation du Hadj. La seule chose que le COHO s’est arrogé comme acte principal, c’est le transfert des fonds des pèlerins. Ainsi, pour sécuriser les pèlerins, le COHO a ouvert trois types de comptes à la Banque Sahélo-Saharienne pour l’Investissement et Commerce (BSIC). Il s’agit notamment du compte lié aux prestations saoudiennes ; le compte transport et celui de l’hébergement. En ce qui concerne le compte transport, le COHO a pris pas moins de 18 milliards de FCFA des pèlerins pour régler les avionneurs. Pour l’instant, nous avons donné les 50% du montant prévu pour la phase aller et 50% à la phase retour conformément au contrat signé. Pour ce qui est des charges saoudiennes, c’est plus de 17 milliards 695 millions 813 mille 515 FCFA que le COHO a envoyé en Arabie Saoudite pour alimenter les comptes des Chefs de groupes d’agences. Le COHO ne gère pas l’argent. Chaque chef de groupe d’agences a son compte. Celui-ci est seul à faire les contrats de logement ; des bus ; de la restauration et des tentes. Cependant, sur les 9 milliards attendus par rapport au compte d’hébergement, les Chefs de groupes d’agences n’ont versé au COHO qu’un (1) milliard. C’est justement ce fonds qui cause énormément de problème au COHO.
Je pense que si nous voulons organiser un Hadj sans stress, il faut que l’Etat du Niger se donne les moyens de sécuriser l’ensemble des frais du Hadj (les charges saoudiennes ; le transport et l’hébergement). A l’endroit des pèlerins qui n’ont pas eu jusque-là leur visa, nous leur demandons de prier pour que d’ici demain, les responsables puisse produire assez de visas. Sinon tant que les chefs d’agences n’ont pas payé, je ne pense pas qu’ils puissent faire de la magie pour amener un pèlerin à la Mecque.
Par le passé, la pléthore d’agences du Hadj et de la Oumra avait rendu difficile la tâche au COHO. Avec les réformes engagées par l’Etat, est-ce que votre structure arrive à mener à bien son travail ?
Dans un passé relativement récent, le COHO enregistrait pas moins de 400 agences du Hadj et de la Oumra. Après les inscriptions, on se retrouvait avec 40 groupes d’agences. Cette pléthore d’agences ne facilite pas la tâche au COHO de vérifier les conditions d’hébergement et d’évaluer l’organisation du Hadj. C’est pour cette raison que cette année, un décret a été pris pour limiter le nombre de groupes d’agences. Ainsi pour être groupe d’agences, il faut avoir minimum 1000 pèlerins et justifier de 200 millions de caution. C’est ainsi que cette année, nous avons retenu 9 groupes d’agences qui ont convoyé les pèlerins et chacun s’est acquitté de sa caution. En effet, sur les 3.258.733 F fixés comme prix de hadj, le pèlerin paye 1.189.000 FCFA le billet d’avion ; les charges saoudiennes sont évaluées autour de 1.110.000 FCFA. En plus, sur chaque pèlerin, le chef d’agences a une marge bénéficiaire de 250.000 FCFA ; plus 90.000 FCFA pour l’encadrement ; ce qui porte le montant à 340.000 FCFA. Il y a aussi 619.000 FCFA pour l’hébergement. Ces montants cumulés qui font les 3.258.733 FCFA. Les frais de transport et les charges saoudiennes sont versés au COHO qui les sécurise pour les pèlerins. Ce sont les frais d’hébergement que les chefs d’agences gardent avec eux qui constituent le goulot d’étranglement pour le COHO dans la mesure où ils ne respectent pas les conditions d’hébergement édictées par notre structure une fois à la Mecque. Ils ne dépensaient pas 300.000 FCFA par le passé pour héberger les pèlerins nigériens pendant tout le séjour.
Dans les années antérieures, beaucoup d’agences du Hadj et de la Oumra avaient eu des problèmes liés à l’inscription des pèlerins, est-ce à dire que cette situation a été définitivement résolue ?
Le système d’inscription des pèlerins au Niger est l’un des meilleurs dans la sous-région ouest africaine. Au Niger, ces inscriptions se font en ligne et en toute transparence. Dès qu’on donne l’autorisation d’inscription, les chefs d’agences inscrivent à partir de leur bureau tous les pèlerins se trouvant sur leur liste. Le Commissaire à l’organisation du Hadj et de la Oumra ne peut rien. Il ne peut encore moins bloquer quelqu’un dans le cadre de l’inscription. Le système est tellement transparent que tout le monde peut suivre en même temps ces inscriptions. Un des chargés d’Affaires de l’Arabie Saoudite basé dans un pays africain a témoigné en disant que, le Niger a le meilleur système d’inscription des pèlerins.
Réalisée par Hassane Daouda (ONEP)