Le 14ème Chef de canton de Fachi, Commune rurale dans le département de Bilma, Kiari Sidi Elhadji Agrama Tchagam a été intronisé le 4 décembre 2021 au cours d’une cérémonie solennelle placée sous la présidence du représentant du gouverneur de la région d’Agadez, le Préfet du département Mamane Awali Bouro. C’était en présence des nombreux officiels dont le député national au titre de la circonscription, les maires de la zone, le Secrétaire général du conseil régional, des chefs traditionnels, des leaders communautaires et des représentants de la Libye et du Tchad.
Pour cet évènement inédit depuis près d’un demi-siècle, environ un millier de personnes ont convergé de toutes les contrées et de la sous-région pour être les témoins d’une succession qui est avant tout l’étalage de la richesse de la culture des communautés de cette partie du Niger et de l’expression de l’enracinement de l’institution
chefferie.
Pour l’occasion, la paisible cité maraboutique de Fachi, réputée pour la ‘’science’’ de ses oulema est sortie de sa torpeur habituelle surtout en cette période de fraicheur saharienne et de l’après récolte de dattes, une des principales activités des habitants des oasis avec la production du sel et … l’exode.
Des youyou des femmes, des roulements de tambours annonçaient que la localité se préparait à un évènement mémorable qui est l’intronisation de l’Agrama dont la dernière remontait aux années 1970. Depuis des jours, la place du palais était transformée en piste de danses ou des femmes plus jeunes au plus âgées se retrouvaient pour danser au rythme de Djougoudou, une sonorité distillée par des tambourins et des tambours battus par un groupe de jeunes. Processions d’élégance et de grâces accompagnées de mélange de couleurs, d’une profusion de parfum, des voix mélodieuses à la gloire du régent et ses ancêtres. Le Djoungoudou est alterné par le Kidi, un tambour toubou autour du cou porté par un troubadour, son mugissement prolongé par la voix de son maître arrachaient de spasmes aux plus stoïques … marabouts, dit-on. Autre spécialité kanouri, le salamarka est aussi joué, aux sons de tambours, les joueurs exécutant de pas virevoltants tout en croisant des gourdins dont les fracas amplifient le rythme.
Il y a aussi le Tchantcha et koule, sorte d’hymne de mariage, les tambours posés à terre sont battus par des lianes fraiches, les joueurs avançant comme de canards pendant que les femmes effectuant des parades de toute beauté dans un étage de parures traditionnels dont le fameux toungoussou, des minis perles rouges portés autour du cou ou des atours d’un autre âge du genre eljeli, sorte de pardessus féminin.
La fête était aussi intra muros avec Le Djontou, une sorte de calebasse longiligne, spécialité des femmes. L’instrument battu avec les bagues des joueuses et frotté contre la jambe produisait une sonorité bi ton amplifiées par la voix de la maestro et des choristes. Une assemblée des hommes à une bonne distance savourait les prestations, certains s’arrachant de la foule pour parfumer les chanteuses ou faire voler des billets de banque.
Des messages peints, des bâches ou de support de fortune étaient visibles dans certains endroits de la ville qui avait effectué ses toilettes pour davantage lustrer cette localité considérée comme plus écologique et propre du désert nigérien. Peut-être le fruit de son isolement.
Murée derrière des dunes, Fachi, appelé Agram, est située à 170 km de Bilma, Chef-lieu du département, 215 km au sud-ouest de Dirkou, 450 km à l’est d’Agadez (Chef-lieu de la région), 380 km au nord de Tesker et de N’Gourti et 150 km à l’est de Tchirozérine. Soit dit en passant, aucune piste n’y conduit….
Le jour J, la localité est animée par les va et vient des 4×4, la foule des personnes convergeant au lieu de la cérémonie et les sonorités de toutes sortes. Le point de mire est la place nommée ‘’Tchitchidi’’ ou le nouveau chef entouré des princes et de ses marabouts s’y installe aux premières heures de la journée. Assis en tailleur sur une terrasse aménagée couverte de tapis typiquement traditionnel, le nouveau L’Agramma est reconnaissable par son turban et son grand boubou blanc aux bordures dorées surmontés d’un bermous beige orné de dorures. Il est abrité des rayons du soleil levant sous un parasol bleu.
Le cérémonial qui se déroule suivant des rituels et codes séculaires et immuables est précédé de la partie officielle. Elle est marquée par l’intervention du Préfet de Bilma, représentant du gouverneur de la région d’Agadez. Mamane Awali Bouro a tenu à exprimer toutes les félicitations des autorités de la 7ème République, au Chef de canton « pour avoir su mériter le respect et la confiance de ses concitoyens ». Il a aussi demandé à l’ensemble des populations du canton et aux princes en particulier, « d’apporter leur soutien et leur concours à leur frère afin de l’aider à bien
accomplir sa mission ».
Le préfet de Bilma n’a pas manqué d’exhorter le nouveau Chef de canton de Fachi, de faire en sorte qu’il suscite les audiences des autres par son comportement et ses aptitudes. « Veuillez à la protection des droits et libertés individuelles et collectives de vos concitoyens ; soutenir les initiatives de développement, de cohésion des populations ; forcer le respect des autres et susciter leurs audiences, et enfin tout mettre en œuvre pour éveiller, susciter, encourager, guider et soutenir l’initiative des populations et des pouvoirs publics ».
Le représentant du gouverneur a enfin demandé de ‘’contribuer activement à la restauration de la paix au Niger par des prières collectives et la dénonciation tout qui constitue une menace à la cohésion sociale. Tour à tour, le Député au titre de la circonscription de Bilma, le Maire de la Commune de Fachi et le Représentant du président du Conseil régional d’Agadez ont félicité le 14e Chef de canton de Fachi pour son élection. Ils ont ensuite souhaité plein succès et du courage dans la conduite de sa tâche combien importante, pour le bien-être de la population de la commune rurale de Fachi. Toutes ces autorités ont également prodigué des sages conseils à l’endroit du responsable coutumier de Fachi.
Après le volet protocolaire, les insignes du pouvoir, c’est-à-dire le sabre et la cravache, ont été remis au nouveau Chef de canton suivant un processus immuable qui sera suivi du dégainage du sabre qui marque son entrée en fonction dans la plénitude de ses prérogatives.
Le Chef de canton, sur ordre du muezzin ou Ladan qui est à ses côtés , aux rythmes des tam-tams et de tambour « toumbal » essaie de dégainer le sabre se trouvant dans sa pochette puis, après lui avoir tenté de l’empêcher d’enlever à moitié, deux fois, le laisse dégainer définitivement à la 3e tentative.
Sous le houra du public et les youyous stridents des femmes, le chef brandit la lame effilée du sabre, électrisant la foule tenue à distance derrière des barrières en corde et l’assemblée des officiels ayant pris place sous un hangar en face de la tribune d’intronisation.
Le sabre symbolise le commandement sans complaisance et de respect strict des lois et coutumes de la communauté. Peu après, une princesse d’âge mur s’avance au pied du piédestal et ordonne le déplacement à ’Dalkamadji , ouest de la ville, à la lisière des palmeraies où deux tentes sont dressées pour la circonstance.
Aux cadences des tambours, le chef, les notables suivis de la foule se rendent sur le site pour s’installer sous les abris l’un réservé au chef du canton et aux notables et le second pour les descendants des princesses, de l’eau au miel y sont servies, réservées à cette catégorie de personnalités. En ces lieux, l’Agrama s’adresse à ses sujets à travers un message pertinent, enfin l’Agramma et son cortège regagnent le palais. La fête peut continuer de plus belle.
Par Chégou Abdourahaman et Sani Maman Lawan, Envoyés spéciaux (ANP)