La mendicité féminine est un phénomène social qui conduit les femmes des zones rurales à se rendre dans des espaces publics ou privés pour solliciter, ouvertement, de l’aide sous forme de charité, que ce soit de l’argent, de la nourriture ou d’autres biens matériels. Malheureusement, en raison des fréquentes crises alimentaires au Niger, certaines femmes et jeunes filles des zones rurales se voient contraintes de quitter leurs villages pour se rendre dans les centres urbains afin de trouver de la nourriture.
En arrivant dans les zones urbaines, ces femmes rencontrent de nombreuses difficultés et deviennent vulnérables et sans abri. Elles occupent les marchés et certains espaces publics où elles se livrent à la mendicité, qu’elles considèrent comme la seule option. Ce phénomène découle du manque d’opportunités d’emploi, de la pauvreté et du chômage. Cette réalité évolue rapidement avec l’afflux massif des femmes et des jeunes filles dans la capitale. Cherchant un moyen facile de gagner de l’argent, elles en font une source de revenus, sans se rendre compte des nombreux risques sociaux auxquels elles s’exposent, notamment le viol et la délinquance, ainsi que plusieurs autres dangers.
En effet, il n’est pas rare de voir des femmes comme des filles dans les grandes artères de la capitale autour des marchés, à la devanture des banques, des pharmacies et des mosquées. Parfois ces filles servent de guides à une catégorie de personnes en situation de handicap, comme les non-voyants, qui vont les rémunérer en fin de journée. C’est le cas de la petite Fatoumata. « Ça fait trois ans que j’ai abandonné l’école et mes parents m’ont confiée à cette femme non-voyante pour la guider à raison de 1000F à 1500F par jour, qu’elle verse à mes parents », a-t-elle dit.
Ces guides de mendiants constituent de véritables sources de revenus pour leurs parents. Au lieu d’être à l’école, de nombreuses jeunes filles se retrouvent dans la rue. « Si j’envoie ma fille à l’école, qui va prendre soin de moi alors que je suis vieille, fatiguée, et pauvre ? Qui va s’occuper de moi ? », s’interroge une mendiante.
Une fille qui n’a pas eu la chance d’évoluer dans le cadre familial, dans le milieu scolaire ou dans un cadre d’apprentissage quelconque et qui a passé son enfance dans la rue est synonyme de capital humain perdu. Cette fille va embrasser malheureusement beaucoup de mauvaises habitudes comme la prostitution, le vagabondage, le vol, etc. En effet, la mendicité expose ces enfants à de nombreux dangers tels que l’exploitation par des réseaux de trafics divers, par des pédophiles ou par des groupes terroristes sans oublier les accidents routiers.
En dépit de ces dangers évidents, la mendicité des jeunes filles prend malheureusement une envergure inquiétante.
Certaines fillettes n’hésitent pas à se faufiler entre les véhicules sans mesurer les risques de se faire écraser par un automobiliste. Même constat au niveau du grand marché où on voit des petites filles qui, parfois, suivent de façon aveugle les passants partout en leur demandant de leur donner de l’argent. Parfois, ces fillettes attrapent la main ou le voile d’un passant ou une passante en le suppliant de leur donner de l’argent. Beaucoup de ces filles sont encouragées et accompagnées par leurs parents. Le soir, certaines d’entre elles passent la nuit derrière le grand marché et d’autres dans une parcelle vide, pendant que d’autres prennent carrément des maisons en location. Elles arrivent à récolter 6.000 voire 10.000FCFA par jour. En réalité, elles ont fait de la mendicité une profession.
Cependant, la nuit, certaines mendiantes reçoivent des hommes. C’est dire que dernière le prétexte de la mendicité se cache la prostitution. « On voit beaucoup de femmes, parfois des fillettes, circulant la nuit pour demander de l’argent aux hommes. Il y a beaucoup qui profitent de ces jeunes mendiantes », disait Sani, un commerçant du grand marché. Selon lui, elles vendent leur dignité et leur honneur.
Des stratégies pour convaincre
On observe également des femmes veuves qui ne sont plus prises en charge par le réseau familial du défunt mari, comme la tradition le prévoit, s’adonner à la mendicité. Il y aussi la mendicité des femmes répudiées ou abandonnées par leurs maris en exode. C’est ainsi qu’il est fréquent de croiser des femmes parfois avec des bébés au dos en train de mendier. Cette mendicité féminine est de plus en plus visible avec la présence des mères de jumeaux dans la rue, des femmes avec leurs enfants faire la manche au niveau des carrefours de Niamey. Elles utilisent toutes les techniques possibles pour convaincre. « Mon mari est parti en Côte d’ivoire et il m’a laissée avec 6 enfants dont 2 jumeaux. Pour les nourrir, je suis obligée de venir mendier. Je n’ai pas le choix car ma famille aussi est pauvre et mon mari peut faire des mois sans nous envoyer quelque chose. Je fais cette activité pour mes enfants », confirme Aichatou, une mendiante. « Depuis la mort de mon mari qui m’a laissée avec 8 enfants, j’ai décidé de suivre une amie qui faisait cette activité depuis plus de 3 ans », disait une autre mendiante.
Un phénomène désolant qui prend de l’ampleur dans notre société. « Certaines femmes, surtout les femmes mariées, s’adonnent à la mendicité parce que celles-ci manquent du soutien de leurs maris ou bien elles sont tentées par le gain facile », a expliqué Mme Chamssiya Ayouba, une sociologue. Une pièce de monnaie jetée par un usager devient un objet de dispute. Ces femmes mendiantes sont l’objet de dénigrement de toute sorte de la part des usagers de la route. Mais, malgré toutes les difficultés auxquelles ces femmes sont confrontées, elles demeurent toujours fidèles à leur lieu de mendicité.
Cependant, il faut savoir que la loi nigérienne interdit la mendicité. En effet, l’article 181 du code pénal du Niger (loi n°63-3 du 1er février 1963), stipule que les parents de mineurs de moins de 18 ans se livrant habituellement à la mendicité, tous ceux qui les auront invités à mendier ou qui en tirent sciemment profit, seront punis d’un emprisonnement de six mois à un an.
Ce n’est pas la loi seulement qui interdit et condamne la mendicité, la religion musulmane aussi est contre cette pratique. « Le prophète Mohamed (Paix et Salut sur Lui) a dit jamais une personne ne peut manger une chose meilleure que ce qu’elle a acquis grâce à son dur labeur », nous confirme Malam Sani du quartier Tondigamey, avant d’ajouter que les autres confessions interdisent aussi la mendicité.
Iro Adamou Hadiza (stagiaire)