Je suis toujours éberlué de voir des gens en train de frimer en claquant des liasses de billets en coupures de 10.000 FCFA, de 5.000 FCFA, et autres billets craquants aux griots, lors des réjouissances sociales. C’est à croire qu’il en pleut des billets. Et cette pratique, qui est presque toujours au rendez-vous des réjouissances organisées, chez nous au Niger, lors des mariages, baptêmes, meetings politiques et autres soirées culturelles, est en fait profondément enracinée un peu partout en Afrique, en Afrique seulement !…
En Côte d’Ivoire, cette pratique qui est très répandue a des noms très évocateurs : ‘’festiboulance’’ et ‘’travaillemment’’ ! Elle consiste à ‘’faroter’’ en dansant tout en distribuant, à tours de bras, des billets de banque flambant neufs, en Francs CFA, en Euro ou en dollars US, pour faire ‘’son petit malin’’. Ce phénomène est plus apparent dans les vidéoclips de Coupé-décalé qui affichent toute l’exubérance des vedettes du ‘’Coupé-décalé’’. Ainsi, tout ‘’coupeur-décaleur’’ digne de ce nom doit se distinguer par ses grandes apparences et son sens du gaspillage : chaînes et bracelets scintillants, cigares et liasses de billets flambant neufs, voitures, motos et habits de luxe, sont ses principaux attributs. Tout ceci au grand bonheur de ceux qui savent bien les flatter à coups de ‘’atalakou’’. Car, nous apprend la fameuse fable de La Fontaine, ‘’tout flatteur vit au dépens de celui qui l’écoute’’.
Même chose au Congo, où ‘’Ambianceurs’’ et ‘’Rois de la sape’’ rivalisent d’extravagance, aussi bien en s’habillant en grande pompe et dans le style ‘’toujours plus coûteux’’ que dans leur propension à ‘’bazarder’’ l’argent en public.
A côté de nous, au Mali, le phénomène est encore plus criard. J’ai encore la berlue rien qu’en pensant aux images de cette vidéo nous venant des coins huppés de Bamako, largement distribuée via les réseaux sociaux. Sur cette vidéo, on voit une jeune dame majestueusement assise, avec devant elle une mallette entre-ouverte exhibant à ras-bord des briques d’argent d’un million de Francs CFA chacune. Galvanisée par les louanges d’une griotte, elle-même bardée de bijoux en or, notre distinguée dame attrape une brique (un million de Francs CFA !) qu’elle tend à la griotte, puis une autre, une autre encore, et ainsi de suite… Une bonne dizaine de millions claquées en quelques minutes, et sans le moindre signe de remord !
Mais, nous a-t-on rassuré, derrière tous ces extravagants gestes de générosité, se cache une complicité sur fond de mise en scène savamment montée. En effet, il semblerait que, dans la plus part des cas, tout se fait sur la base d’un jeu subtile d’arrangements préalables entre les griots et les généreux ‘’distributeurs de billets’’. Aussi, après coup, la rondelette somme dilapidée sous les yeux du public est discrètement retournée à son propriétaire par les griots, quitte à ces derniers de se contenter d’un million, voire 500.000 F, pour quelques millions dépensés. Heureusement !…
Assane Soumana(onep)