La Tabaski est venue, puis elle est passée laissant derrière elle une traînée d’effluve de viande sautée, mais aussi de lassitude pour les pères de famille qui ont dû vider le fonds de leur ‘’gibecière’’ pour faire face aux dépenses liées à la fête. En effet, pour en arriver là, ces derniers ont dû se soumettre à un tout un lot de sacrifices pour s’offrir un bon…sacrifice d’Abraham ! Il leur a d’abord fallu débourser les fonds nécessaires aux préparatifs de la fête, en termes de frais d’achat d’habits de fête et autres ingrédients entrant dans le cadre de l’assaisonnement du repas de fête et de la grillade du méchoui. Mais, en vérité, comparée à la dépense essentielle qui est l’achat du mouton de tabaski, tous ces frais ne relèvent que de simples détails.
Il se trouve que, cette année, la fête du mouton s’est présentée aux fidèles, en l’occurrence les salariés, à une date quelque peu alambiquée. En effet, à la date du 20 juillet, nous sommes très loin des salaires de fin juin, et à quelques encablures de l’échéance des salaires du mois en cours. Il a fallu donc pour beaucoup adopter le système D (D, comme débrouillardise !..) pour faire face à tout le cortège de dépenses incompressibles liées à la fête. Mais les vendeurs de moutons, eux, n’en ont que cure ! Ils ont persisté et signé en maintenant la pression de la surenchère, tant ils étaient sûrs que, bon an mal an, les pères de famille allaient ‘’sortir l’argent’’. Même s’il leur faudra plonger la main dans un trou abritant un… cobra royal en furie !
Il en fut ainsi et, en fin de compte, chacun a pu se doter du précieux animal au prix de ses moyens. Avant tout, parlant du sacrifice d’Abraham, il est clairement écrit que ‘’les œuvres ne valent que par l’intention qui les motive’’. Aussi, les gens ont désormais compris que la Tabaski n’a rien d’une compétition où il faut faire étalage de sa fortune en exhibant aux yeux des voisins tout un troupeau de gros et beaux béliers, encore moins une occasion pour constituer une réserve de viande sautée en vue de jouer au goinfre, des semaines ou le mois durant.
Et finalement la fête fut belle. Car, force est de constater que le jour de la fête, les rues de Niamey étaient gaies, avec en toile de fond des foyers de grillade de moutons bien dodus en broches dans toutes les rues et ruelles, avec les effluves des méchouis se répandant dans tous les quartiers. Mais enfin, quelle aubaine pour les enfants qui, eux, ont trouvé là une bonne occasion de se régaler ! Tout au long de la journée de la fête, on les a vus se démenant dans tous les sens autour du bûcher, brochette de viande dans une main, bouteille de jus de fruit dans l’autre. Les morceaux de viande de premier choix aussitôt grillés, aussitôt engloutis, on passe au méchoui. Et le lendemain matin, place à la distribution de la viande aux parents, amis, voisins, aux mendiants faisant le porte-à-porte, le gros sac en bandoulière à la quête de la viande grillée. En un mot, la fête de tabaski, c’est festin pour tous !…
Assane Soumana(onep)