Les différentes personnalités et autorités morales et spirituelles de la fête de Bianou se sont réunies, le dimanche 23 juin 2024, à la place habituelle, au quartier Obitara, chez Malam Ammi, pour le lancement des festivités entrant dans le cadre de la célébration de la fête du Bianou, édition 2024. Ce lancement a été précédé de plusieurs rencontres d’échanges au Sultanat de l’Aïr autour des différents responsables. Des rencontres qui ont abouti à la mise en place d’un comité d’organisation dudit événement. C’est aussi au cours de ces rencontres que la date de l’événement a été officiellement arrêtée et annoncée. Ainsi, l’édition 2024 du Bianou se tiendra du 14 au 17 juillet 2024.
Peu avant le coup d’envoi, des invocations ont été faites pour implorer la clémence d’Allah afin qu’il facilite le déroulement dudit événement. Conformément aux valeurs de cette fête, le lancement est toujours intervenu au septième jours après l’Aid-El-Kebir. Ainsi, avec ce coup d’envoi les activités vont se poursuivre durant 23 jours. Trois coups de tambour ont été donnés, conformément à la tradition. Ces coups de tambour sont l’œuvre de ‘‘Tambari’’ et les différents leaders qui sont également les représentants du Sultan de l’Aïr. Il s’agit de Agholla et le Tambari, tous nommés par le Sultan à ces postes de responsabilités importants dans l’organisation du Bianou. Par la suite l’ambiance prend son rythme avec le son des autres instruments de musique, réveillant ainsi les populations du quartier. Hommes, femmes, filles, garçons et les jeunes enfants sont sortis ; certains devant leur porte pour suivre l’ambiance et d’autres se précipitent pour venir participer à cette animation culturelle ponctuée de danse et de youyous.
A cette occasion, les organisateurs ont expliqué aux médias les prochaines étapes jusqu’au 17 juillet 2024. Ainsi, Tambari Sidi, l’un des notables du Sultanat de l’Air sur lesquels repose l’organisation de cette fête, a souligné que cette année l’événement aura un cachet particulier, d’où le choix du thème central des festivités « Valorisons nos cultures pour l’unité nationale ».
« Chaque année, à pareil moment, on se retrouve à cette même place pour la traditionnelle cérémonie de lancement. Comparativement aux trois (3) dernières années, cette fois la fête du Bianou sera organisée dans son authenticité. L’organisation est exclusivement revenue au Sultanat. C’est pourquoi, nous lançons un appel à toute la population de l’Aïr, particulièrement aux différents acteurs de cet événement, pour que chacun se mobilise afin de contribuer à la valorisation de cette fête dans toute sa dimension sociale, culturelle, historique, touristique. Nous invitons toute la population à faire preuve de discipline et de patriotisme », a expliqué Tambari Sidi.
Ainsi, la place est laissée aux animations artistiques, culturelles, musicales et à des visites guidées. Tous les après-midis et les soirées sont consacrés aux animations au rythme des mystiques instruments de musique, à savoir le Akazam et le Tambari. Ce qui provoque ainsi des transes chez certaines personnes, notamment les plus anciens qui ne se laissent pas conter l’événement à chaque occasion qui se présente. En effet, pendant 21 jours, les jeunes et les femmes particulièrement, sous la conduite des responsables de la gestion et la coordination de l’événement, vont marquer cette phase préparatoire.
Dans cette phase, les animations sont conduites par les deux groupes Est et Ouest où chacun sillonne ses quartiers en mobilisant les habitants toutes les soirées. Des rencontres sont également prévues entre ces deux grands groupes dans la vieille ville d’Agadez où ils se croisent au niveau de Toudoun Bianou, un lieu situé dans l’espace de la vieille ville. Cette rencontre est caractérisée par l’une des plus longue, grande et forte animation et mobilisation sous une forte note sonore des tambours et Akazam.
Caractéristiques du ‘‘Bianou’’
Le Bianou est un événement socio-culturel et historique unique à son genre au Niger, organisé chaque année sous l’égide du Sultan de l’Aïr à travers une organisation dynamique mise en place par le Sultan. Ainsi, sous la conduite et la coordination hiérarchique et éclairée de Son Altesse, le Sultan de l’Aïr, premier responsable et garant des mœurs et des traditions du Sultanat, les deux groupes en charge de l’organisation et de la conduite des festivités, à savoir le groupe Est (Yan Gabass) et le groupe Ouest (Yan Yamma) se mettent à l’épreuve. Pendant toute la période, ces deux groupes organisateurs des manifestations, dirigés chacun par son Tambari, s’évertueront pour la bonne réussite de l’événement. Les Tambari sont des leaders des jeunes élus par les jeunes avant de recevoir leur confirmation du Sultan de l’Aïr à travers l’acte du port du turban.
C’est effectivement ceux-là qui sont chargés de l’organisation du Bianou et de l’exécution de toutes les tâches y afférentes. Cette année, ces notables sont soutenus par un comité d’organisation mis en place par le Sultan afin de mieux organiser l’événement. Conformément à leurs missions dans le déroulement du Bianou, les Tambaris sont principalement chargés des activités préparatoires qui consistent à la réfection des tambours, l’habillement et les accoutrements des danseurs, du grand repas, etc. Pour mener à bien leurs missions, les deux Tambaris sont assistés chacun par un Agholla et un Jirima dont le rôle est d’une part, d’assurer l’organisation effective de toutes les manifestations du Bianou et d’autre part, d’organiser et encadrer les joueurs de tambours et les danseurs. Ces derniers leaders mettent en place tout un programme riche et varié qui suscite l’arrivée, comme d’habitude, des touristes et le retour des ressortissants d’Agadez à la terre natale, dont certains viennent de l’intérieur du pays et d’autres en provenance de plusieurs pays à travers le monde. Les Agadéziens, où qu’ils soient, ne souhaitent rater cet événement sauf cas de force majeur.
Origines de la célébration de l’événement
Le Bianou est une tradition spécifique à la ville d’Agadez dont l’origine reste encore assez mystérieuse et sujette à plusieurs hypothèses. Selon certains récits et sources au Sultanat de l’Aïr, l’origine du Bianou est, d’une part, attribuée à l’arrivée des arabes de Ghadamous et de Misrata à Agadez et d’autres part, à la date de la fin du grand déluge du temps du Prophète Nouhou (Noé) ; quand le pigeon ramier partit à la recherche de terre sèche revint avec une feuille verte de palmier pour prouver qu’il y’a quelque part une terre pour amarrer. C’est ce qui explique, selon cette thèse, l’usage des branches vertes de dattiers que les danseurs ramènent d’Alarcès. Les réjouissances organisées symbolisent la manifestation de joie après l’arrêt du déluge.
D’autres sources renseignent que le Bianou symbolise l’accueil que les habitants de Médine ont réservé au Prophète Muhamed (PSL), le 18 juin 622, lors de son séjour de l’Hégire. La fête de Bianou marque aussi le début du Nouvel An du calendrier musulman. La fin de cette fête correspondant à l’Achoura (10) jour de l’an musulman qui est une journée particulièrement considérée par les musulmans. Certains disent que le Bianou correspond en réalité à la préparation et à la célébration de l’Achoura. Ainsi, comme on le constate, l’origine de cette fête reste encore mystérieuse.
Déroulé de la fête
C’est au Sultanat que l’annonce du début de la fête du Bianou est faite dans le respect de toutes les valeurs et traditions qui la caractérisent. Conformément à la tradition on commence par la Fatiha, trois coups de tambour par chacun des représentants du Sultan de l’Aïr, à savoir le Agholla et les deux Tambari du Bianou. Cela se fait généralement, dès l’aube du 17ème jour du mois lunaire de Zoulhadj (mois de Tabaski). C’est le retentissement de ces tambours qui annonce le démarrage des manifestations tant attendues du Bianou. Le choix de celui qui donne le coup d’envoi n’est pas fortuit. Le soir du même jour, les jeunes se regroupent, jouent et dansent au rythme envoûtant des tambours et tambourins devant la maison de Tambari de l’Ouest, et ceci pendant deux jours.
Selon le récit, au troisième jour le groupe de l’Ouest fait sa montée sur le Toudoun Bianou, une place surélevée permettant aux spectateurs de mieux voir les danseurs et aux tambours de se faire entendre le plus loin possible. Après les démonstrations de danses rythmées par le concert des tambours, tambourins et chants sur le Toudoun Bianou, le groupe de l’Ouest commence le circuit nocturne (Biyaggari). Dans l’après-midi de ce troisième jour, le groupe de l’Est commence aussi les manifestations. Il parait que ce groupe a été autorisé à faire ses manifestations à part, bien après le groupe de l’Ouest, c’est pourquoi il observe chaque année 3 jours de retard par rapport au premier.
Chaque après-midi, les deux groupes, chacun dans son secteur, anime la ville en respectant des itinéraires et points d’arrêts bien définis. Il faut noter que les points d’arrêt sont les domiciles des grandes figures du Bianou du passé et du présent : responsables, danseurs, batteurs de tambours ou chanteurs.
Il faut noter que de plus en plus avec toutes les évolutions que connait le monde, la fête du Bianou nécessite assez d’investissements en ressources humaines, financières et matérielles. C’est dans ce sens et eu égard à cette immense charge, que l’organisation bénéficie des soutiens pour contribuer au renouvellement des instruments, à l’achat et à la couture des habits des danseurs, pour l’accueil des invités, le grand repas, et pour la médiatisation de l’événement afin de faire intéresser d’autres Nigériens mais aussi le monde entier à cette fête unique au monde.
Un outil de promotion des valeurs de paix et du vivre ensemble
Le Bianou est perçu comme un véritable outil de la promotion de la paix, de la cohésion sociale, et du vivre ensemble tout simplement. C’est un cadre par excellence qui fait de la sensibilisation des participants un point d’orgue pour que règne un esprit de discipline, de solidarité et de fraternité durant toutes les manifestations. Depuis quelques années, dans le souci de préserver et de rendre pérenne cette fête, les responsables coutumiers ont initié des formations en vue de transmettre les connaissances à la jeune génération. C’est ainsi que des formations des jeunes danseurs et batteurs de tambours sont organisées pour assurer une relève dans cette fonction, mais aussi pour améliorer la qualité du spectacle qu’offre le Bianou. Il faut enfin dire qu’aujourd’hui, le Bianou fait face aux défis sociaux de développement et de l’accroissement de la population et des nouvelles technologies.
Ali Maman et Hadi Oumarou (Stagiaire)
ONEP-Agadez