Utilisé traditionnellement lors des mariages, de grandes fêtes, pour la décoration, les toiles qu’on appelle « sakala » ou « kounta tera » sont des produits du tissage traditionnel, une activité qui relève du patrimoine culturel immatériel. Ces œuvres imprégnées de symboles traditionnels, de motifs géométriques et de couleurs chatoyantes racontent des histoires et des traditions profondément enracinées. Ces toiles nous rappellent que derrière chaque fil se cache une histoire, une culture et un savoir-faire qui méritent d’être préservés et célébrés.
Le tisserand crée des étoffes par entrecroisement de fils de chaîne et de trame sur un dispositif actionné à la main, appelé métier à tisser. Véritables artistes du fil, les tisserands utilisent des techniques transmises de génération en génération pour créer des étoffes d’une beauté saisissante. La légende raconte que ce serait deux hommes, qui partis à la chasse, seraient tombés sur une araignée qui tissait sa toile. En voyant le travail de l’araignée, ils ont été émerveillés. Ainsi, l’homme a décidé d’imiter l’arachnide et depuis, il crée ses propres toiles avec de jolis motifs.
Au Niger, on retrouve les tisserands dans toutes les régions. Ils exercent leur métier de façon artisanale. Ces artisans travaillent avec passion et minutie pour créer des pièces uniques, alliant technique et créativité. Ils utilisent des métiers à tisser traditionnels, souvent fabriqués à partir de matériaux locaux, tels que le bois et le bambou. Les créations des tisserands du Niger se distinguent par leurs couleurs éclatantes et leurs motifs symboliques. Chaque pièce est le reflet d’une histoire, d’une tradition ou d’une croyance. Elles sont très appréciées tant par la population nigérienne que les expatriés.
En effet, lors de la plupart des mariages, le « Sakala » est utilisé. C’est la fameuse étoffe avec laquelle on recouvre les jeunes mariés. A la présidence de la République, dans les bâtiments administratifs publics, dans les hôtels, on retrouve ces chefs d’œuvres symbole de la richesse culturelle du pays. Au-delà de son aspect culturel, le tissage est également un vecteur de développement économique et social au Niger. Beaucoup de personnes ont fait de cette activité leur gagne-pain. Ils exposent leurs œuvres dans les rues, au musée national, dans des galeries et boutiques d’art ou à l’occasion d’événements culturels ou d’exposition universelle.
De nombreuses coopératives de tisserands se sont formées, permettant ainsi aux artisans de travailler collectivement et de bénéficier de formations techniques et de soutien financier.
A l’occasion de la 5e édition du festival des civilisations du fleuve Niger « Alzanaye » couplée à la 31ème fête nationale de l’artisanat qui s’est ténue le samedi 24 Février 2024, dans la célèbre bourgade de Boubon, plusieurs activités ont été menées dont une exposition des produits artisanaux. Parmi les exposants, il y a un tisserand, M. Alassane Ayouba, président du Groupement Saye. Sous son stand, avec son métier à tisser, des étoffes sont fièrement exposées. On y voit un mélange de couleurs et de formes, ce qui rend la toile attrayante à regarder. « Nous sommes venus exposer nos toiles à l’occasion de cet événement dans l’espoir de vendre et ainsi pouvoir bénéficier des fruits de nos œuvres. J’ai hérité ce métier de mon père et je l’exerce depuis plus de 35 ans », a-t-il expliqué.
Des visiteurs venus à l’occasion du festival font la queue devant son stand. Ils ont l’air émerveillés. « En tant que touristes, nous avons le privilège d’admirer des pièces uniques, témoignant de la créativité et du savoir-faire des tisserands nigériens », a affirmé l’un d’eux. Mme Rakia Ali, est aussi dans la file. « Je suis là pour le festival et je profite pour faire des achats. Je vais payer ces étoffes pour la décoration de ma maison et pour le prochain mariage de ma fille », a-t-elle confié.
Une aubaine pour le tisserand Alassane Ayouba. « Ce genres d’événements sont pratiquement les seules occasions pour vendre nos toiles. Les toiles se vendent de 5.000 francs CFA à 100.000 francs CFA. Ça dépend de la taille et du motif. Seulement les clients se font rares et nous sommes pratiquement les derniers tisserands de la région », a-t-il indiqué.
Pour faire face à une concurrence féroce due à l’industrialisation et à la modernisation et pour ne pas se disperser et ainsi perdre la tradition les tisserands se sont regroupés en coopérative. « Notre coopérative offre aux tisserands un espace de travail commun, où ils peuvent partager leurs connaissances, se soutenir mutuellement et échanger des idées. Elle permet également de commercialiser leurs créations sur les marchés nationaux et internationaux, offrant ainsi une source de revenus », a expliqué Alassane Ayouba.
Pour M Yacouba, maire de la commune de Karma les tisserands nigériens sont bien plus que de simples artisans. « Ils sont les gardiens d’un patrimoine culturel précieux, les porteurs d’une tradition ancestrale et les acteurs d’un développement économique et social durable. Leur passion, leur créativité et leur résilience sont une source d’inspiration pour le Niger et pour le monde entier. Il est essentiel de soutenir et de valoriser leur travail afin de préserver cette richesse unique et de permettre à ces tisserands de vivre dignement de leur sueur », souligne cet élu.
Ousmane Nazir (Stagiaire)