Tagazar est une zone propice à la production maraîchère en raison de la vallée du dallol qui couvre la quasi-totalité de cette commune rurale. Dans cette zone, les activités maraichères ont de beaux jours devant elles dans la mesure où l’eau qui constitue l’élément indispensable pour le développement de l’irrigation se trouve à la portée de tous. Il suffit juste de creuser un trou de 3 à 4 m de profondeur pour que le liquide (l’eau) jaillisse et inonde l’espace. La nappe phréatique n’est pas profonde dans cette commune. En effet, dans un contexte de changement climatique où la saison des pluies est sujette à plusieurs aléas préjudiciables à la production agricole, le développement de l’irrigation apparait incontestablement comme une alternative crédible pour l’atteinte de la sécurité alimentaire dans notre pays. Et la zone de Balleyara dispose d’un potentiel insoupçonné pour accroitre la production maraîchère. Et pour preuve, les populations de Tagazar sont mobilisées autour des activités maraichères. Certes il y a des hommes qui pratiquent le maraîchage, mais ce sont surtout les femmes qui dominent l’activité dans le département de Balleyara. Elles sont organisées en structure formelle comme par exemple les groupements féminins et exploitent minutieusement soit des lopins de terres héritées de leurs parents ou bien dans les espaces clôturés (jardins) avec l’appui d’un partenaire. C’est le cas du site de N’Izawitan situé à quelques encablures de la ville de Balleyara, précisément à 3 km sur la route de Filingué. D’une superficie de 2 ha, ce site est emblématique lorsqu’on évoque les activités maraichères de la femme du département de Balleyara à cause surtout de l’engagement et la détermination de celles qui y travaillent. Ce lundi 25 avril 2022, c’est le brigadier de la protection des végétaux en la personne, Salou Oudou Maiga, qui accepte volontiers de nous amener sur deux grands sites maraichers exploités exclusivement par des femmes. Il s’agit en l’occurrence du site de N’Izawitan et celui de Aïbachi Wanna Koira. Salou est un passionné de l’activité maraîchère. Si l’Agronome dispose d’un diplôme sanctionné par des années d’études supérieures, Salou Oudou Maïga applique de façon systématique sur le terrain ses connaissances empiriques qui sont le fruit d’une longue et riche expérience dans le domaine de l’agriculture en général et de la production maraîchère en particulier où il a d’ailleurs de quoi partager avec les autres productrices de la commune rurale de Tagazar. Le sourire aux lèvres, il n’hésite jamais à engager des discussions avec les femmes du site maraicher pour vérifier leur capacité d’assimilation des techniques et méthodes qu’il leur a apprises. L’école de cet « agronome » qui n’a pas étudié la discipline est sans doute le terrain, rien que le terrain.
Les exploitantes du site de N’Izawitan regroupées au sein du groupement féminin « Kandagomni » sont bien présentes à notre passage. En dépit de la canicule accablante coïncidant cette année avec le mois béni de Ramadan, l’on se croirait dans une période de saison pluvieuse parce que le site est verdoyant. Les spéculations produites sur ce site sont fonction de la période. Chaque saison de l’année correspond à des types de productions favorables, à telle enseigne que le site est exploité sans interruption, c’est-à-dire douze (12) mois sur 12. En cette période de canicule, deux productions dominantes sur ce site. Il s’agit du melon et du moringa. Toutefois, on observe aussi la présence du maïs tout autour des extrémités des planches de melon. La présence de cette spéculation n’est nullement fortuite. Elle procède d’une technique visant à apporter le microclimat au melon afin d’atténuer les effets des rayons solaires susceptibles de réduire considérablement le développement des produits maraîchers. Malgré les attaques récurrentes des ennemis des cultures sur le melon et le moringa, force est de constater que ces spéculations ont cette année bien donné sur le site de N’Izawitan. Il n’est pas rare de voir un peu partout sur ce site des pourritures de melon. ‘’ Il faut dégager sur le site ces pourritures pour ne pas infecter les autres espèces’’, conseille Salou Oudou Maïga, l’agent chargé d’encadrement de la protection des végétaux. Ainsi, elles sont au total 65 femmes sur le site de N’Izawitan. Ce site maraîcher a été mis en valeur il y a de cela cinq (5) ans. La clôture du site a été financée par le projet REGIS ER. Il est doté d’un dispositif solaire pour l’alimentation en eau des produits maraîchers. Et comme la nappe phréatique est peu profonde, le site compte jusqu’à cinq (5) forages et huit (8) bassins de remplissage d’eau pour faciliter l’irrigation de toutes les spéculations produites sur le site. Hadiza Souley est la présidente du groupement Kandagomni. Selon elle, le site maraîcher de N’Izawitan obéit à des principes et règlement rigoureux que quiconque ose transgresser se verra retirer du groupement. Ce qui explique d’ailleurs la baisse du nombre des femmes membres. ‘’ Nous étions à plus 70 membres jusqu’à un passé récent. Il y a des adhérentes qui ne respectaient pas le règlement du groupement. Or, sur ce plan, nous ne pouvons pas faire de concession. En période sèche, les spéculations produites sont entre autres : le moringa ; le chou ; le melon ; le poivron ; la pastèque ; le piment ; la tomate ; l’oignon ; la pomme de terre ; la salade et le gombo. Tandis qu’en saison des pluies, ce sont des produits comme l’arachide et le maïs ’’, a expliqué la présidente du site maraîcher de N’Izawitan. Une fois que les produits sont récoltés, ils sont transportés soit dans des charrettes bovines moyennant une somme d’argent ou bien sur la tête de ces vaillantes femmes productrices en direction du marché hebdomadaire de Balleyara. Lorsque le trajet est fait à pied, ces femmes sont doublement exténuées. La fatigue liée à la marche et la dépréciation des produits qui débouchent tantôt sur une mévente.
Un circuit de commercialisation inefficace
Si la vente du moringa frais a du vent en poupe dans le marché hebdomadaire de Balleyara, il n’en est pas le cas pour les autres spéculations telles que le melon ; la pastèque ; la tomate ; le chou etc. La singularité de ces produits, c’est qu’ils pourrissent après un certain temps. C’est pourquoi, ces productrices maraîchères sont contraintes de brader le fruit de leur dur labeur. Le véritable problème auquel ces femmes sont confrontées dans l’activité maraichère réside dans le fait qu’elles achètent chers les intrants en l’occurrence les semis et les engrais. Et finalement, elles éprouvent des difficultés à écouler les produits. C’est ici que le paradoxe se pose parce que les autorités nigériennes encouragent dans la politique agricole la production maraîchère pour combler le déficit alimentaire lié aux mauvaises campagnes agricoles. Il se trouve que dans la zone de Tagazar, les femmes sont actives dans les cultures maraîchères et la transformation agro-alimentaire pour que sécheresse ne rime pas avec famine. Elles produisent beaucoup, mais elles ont énormément des difficultés à tirer leur épingle du jeu parce que les circuits de commercialisation traditionnels (les marchés hebdomadaires) ne les attirent point. Les produits qui sont pour l’essentiel périssables sont vendus à vil prix pour ne pas perdre tout. Il y a donc urgence de rectifier ce paradoxe si nous voulons valoriser les activités maraîchères au Niger dans la perspective d’atteindre l’autosuffisance alimentaire et de parvenir à exporter ce que ces vaillantes femmes de Tagazar produisent toute l’année. Mieux, l’Etat et ses partenaires doivent songer à la création des usines pour la transformation des produits issus du maraichage. ‘’ Ce qui nous fait perdre dans cette activité, c’est qu’il n’existe pas un système moderne de conservation des produits maraichers afin de valoriser le travail que nous réalisons au quotidien’’, déplore la présidente du groupement Kandagomni. En plus, elle plaide l’avènement d’une structure formelle qui puisse directement acheter leurs produits sur le site à un prix raisonnable.
Il est 12h 00mn lorsque nous mettons le cap sur le site de Aibachi Wanna Koira. La température commence à être insupportable pour les jeûneurs. Quelques femmes sont quand même sur le site. Parmi elles, la présidente du groupement qui porte le même qualificatif que celui du site de N’Izawitan. Ce groupement compte 49 membres. Sur ce site moins verdoyant que le précédent, les spéculations produites sont le melon ; la tomate ; le moringa dont les feuilles ont été littéralement laminées par les chenilles ; le poivron ; le piment etc.
L’encadrement de proximité pour booster la production maraîchère
Pour booster la production maraîchère, l’encadrement technique de proximité est plus que nécessaire surtout pour ces femmes qui se battent du jour au lendemain. Le brigadier de la protection des végétaux M. Salou Oudou Maïga sensibilise les femmes travaillant sur les sites maraîchers. Il ne cesse d’attirer l’attention des femmes par rapport à l’utilisation des engrais chimiques qui sont aujourd’hui sources de certaines maladies bizarres que les populations contractent. ‘’C’est pourquoi, nous encourageons les femmes productrices à faire usage de l’engrais bio. Je dispense des séries de formations à l’attention des femmes dans ce sens. Les pesticides qui inondent nos marchés sont chers. Ils tuent les ennemis de cultures et les productrices et producteurs à travers une mauvaise manipulation de ces derniers ; alors que les pesticides bio sont à la portée de tous. On peut les fabriquer avec les feuilles et les gousses de neem ; les feuilles du tabac ; du piment et de l’ail. Ces éléments sont des produits naturels à moindre coût pour les producteurs. Ces pesticides bio sont efficaces et ne dénaturent pas le goût des produits maraîchers’’, relate M. Salou Oudou Maïga dans une envolée lyrique. En plus de l’expertise technique du brigadier de la protection des végétaux, les femmes du site maraîcher de N’Izawitan bénéficient de l’appui conseil et d’encadrement de l’ONG Libo à travers son agent technique déployé sur le terrain. En effet, sur les cinq sites que l’ONG Libo encadre, celui de N’Izawitan fait partie de sa sphère d’intervention. M. Yacouba Hassane est le technicien chargé d’encadrer les femmes du groupement Kandagomni du village de N’Izawitan et trois autres sites, soit environ 120 femmes sur les quatre sites. Il aide ce groupement à réaliser son planning cultural. Mais avant la planification culturale, il est enseigné aux femmes un outil qui s’appelle IGES-plan qui permet de faire l’étude du marché pour voir en fonction du moment quelles sont les spéculations chères sur le marché. C’est sur cette base que le groupement élabore sa planification du semis jusqu’à la récolte. La majorité des spéculations ne sont pas chères sur le marché jusqu’au mois de juillet. Par ailleurs, l’ONG Libo apprend à ces femmes deux techniques à savoir : le paillage (qui permet aux planches de conserver l’humidité en cette période de forte chaleur) et le microclimat avec les plants de maïs qui vise à amortir la chaleur afin que les jeunes plants puissent se développer convenablement.
Par Hassane Daouda(onep), Envoyé Spécial