Les Mutilations Génitales Féminines (MGF) restent et demeurent un problème de santé publique, de dignité humaine et de discrimination basée sur le genre, au vu de leur ampleur et de leurs conséquences. Le Niger n’est malheureusement pas à l’abri de cette pratique rétrograde. En effet, si l’on ne prend pas garde, 68 millions de filles et de femmes pourraient être exposées d’ici 2030 dans le monde selon une étude réalisée par l’UNICEF. La journée internationale de lutte contre les Mutilations génitales féminines «Tolérance Zéro» est commémorée chaque année le 6 février partout dans le monde à travers des plaidoyers et des actions concrètes, dont l’objectif est d’enrayer cette pratique moyenâgeuse qui porte atteinte à l’intégrité physique de la femme et qui viole par conséquent son droit le plus élémentaire.
Dans les zones du Niger, notamment la zone ouest 75,7% des femmes âgées de 15 ans à 49 ans ont subi une mutilation génitale féminine et la plupart de ces MGF ont été exercées avant l’âge de cinq ans voire huit ans, selon l’étude de l’UNICEF. Le type de MGF couramment pratiqué dans ces zones est ‘’l’entaille avec chair enlevée’’. Aussi, 80% des MGF sont pratiquées par des exciseuses traditionnelles. Pour freiner cette pratique, l’Etat et ses partenaires intensifient la sensibilisation. Cette synergie d’actions entre l’Etat, les partenaires, les associations féminines, les leaders communautaires a permis d’atteindre des résultats satisfaisants qui se traduisent par la baisse du taux de la prévalence de l’excision.
Kadidiatou Abdoulaye Idani, Présidente de l’Association des Jeunes Filles pour la Santé de la Reproduction (AJFSR) déplore la persistance d’une telle pratique. «Dans les zones surtout rurales, les MGF étaient un phénomène qui était à la mode. Je pense bien que les auteurs et les complices de cette pratique ne prennent pas conscience de la dangerosité de cette situation. Mais fort heureusement, les lignes sont en train de bouger. Des efforts sont en train d’être faits avec l’appui de tous, Etat comme partenaires. Les progrès sont tangibles même s’il reste encore du chemin à parcourir pour éliminer totalement cette pratique qui est une contre-valeur culturelle de notre société. C’est pourquoi, nous devons unir nos forces avec plus d’engagements et d’actions concrètes sur le terrain», a déclaré la présidente de l’AJFSR. Aussi, souligne–t-elle, le fait d’instituer une journée internationale de lutte contre ce fléau dont les femmes et les filles sont victimes est très significatif. Cela montre à quel point la communauté internationale s’intéresse à ces violences faites aux femmes/filles. Ce qui suscite un sentiment d’optimisme pour les femmes et filles des zones affectées par la pratique.
Pour Kadidiatou Abdoulaye Idani, le Niger n’est pas en reste concernant cette pratique qui est d’ailleurs une violation des droits humains. 2% des femmes/filles sont concernées et c’est trop énorme pour le Niger. «Nous sommes dans une société où à un moment cette pratique était érigée en règle, pour des considérations culturelles qui ne tiennent pas la route au regard du risque et du danger sanitaire auxquels elle expose les femmes et les filles», a-t-elle ajouté.
Mobilisation de tous pour des actions concrètes
A l’occasion des 16 jours d’activisme édition 2021, l’association des Jeunes Filles pour la Santé de la Reproduction (AJFSR) s’est résolument engagée sur le terrain. «Nous avons mené des activités notamment des émissions radio-télévision sur la mauvaise interprétation des textes religieux mais aussi coutumiers sur les Violences Basées sur le Genre (VBG) au Niger. L’objectif était justement de sensibiliser la population sur le fait que rien n’encourage, ni ne légitime une violence sous toutes ses formes exercée sur les femmes. Mais au contraire mettre en lumière les bonnes pratiques à encourager», confié Kadidiatou Abdoulaye Idani.
Elle est revenue sur l’Appel de Niamey au sortir du 3ème sommet des filles, tenu le 18 novembre 2021. Ce sommet a été selon toutes les participantes un cadre de plaidoyer des adolescentes africaines auprès des institutions internationales, des partenaires au développement, des leaders religieux et Chefs traditionnels, des organisations féminines et de la jeunesse, d’envisager des actions concrètes et soutenues afin d’accélérer l’élimination de la violence et la discrimination à l’égard des femmes et des filles notamment les mariages précoces et les mutilations génitales féminines (MGF). Les participantes ont appelé aussi les Etats membres de l’Union Africaine à mieux s’investir dans la promotion des filles africaines afin de renforcer leurs capacités, renforcer les compétences à travers leurs autonomisations économiques. L’instauration d’un environnement qui protège la coexistence et le respect mutuel afin d’éliminer les pratiques néfastes en employant des interventions ciblées et des mesures qui engagent de manière efficace les hommes et les garçons comme des agents du système.
L’Appel de Niamey a plaidé également pour que la mobilisation politique soit accompagnée par des ressources financières nécessaires à la mise en œuvre de toutes ses mesures. Il faut notamment qu’il ait l’augmentation conséquente des budgets alloués aux secteurs de l’éducation et de la santé. Dans cette optique, il a été recommandé la mise en place et l’opérationnalisation d’un cadre de responsabilisation pour éliminer les pratiques néfastes.
Lors de la célébration des seize jours d’activisme, 120 villages de Makalondi ont dit non aux violences basées sur le genre. Ils ont déclaré abandonner les mutilations génitales féminines et les mariages des enfants. «J’aimerai rendre hommage à l’ensemble des communautés ayant accueilli ces programmes communautaires pour leur courage et leur engagement à créer un environnement favorable à l’épanouissement des femmes et des Filles. Nous comptons sur vous pour démontrer que malgré les crises et la situation sécuritaire volatile, les droits des femmes et des enfants sont souvent respectés. Je vous invite à être des ambassadeurs modèles pour les autres villages’’ a dit Steffane Savi représentant de l’UNICEF à la cérémonie.
Le document cadre de la protection de l’enfant élaboré par le Ministère en 2011, souligne qu’en dépit de la sensibilisation, et la communication visant à faire connaitre et comprendre les conséquences de certains actes, ces actions doivent être conduites avec des stratégies qui répondent aux déterminants socio culturels (mariages précoces, MGF).
D’après la Présidente de l’Association, ce combat pour éliminer les MGF est noble. «Continuer le combat qui a toujours été notre force à travers des plaidoyers, des séances de sensibilisation de toute la population mais surtout les femmes/filles sur leurs droits. Il faut aussi les former sur ces thématiques afin de mieux les outiller pour pouvoir se défendre et se protéger contre tout abus et violences.
Aïssa Abdoulaye Alfary(onep)