Située à 102 km de Niamey, dans le Zarmaganda, cette Commune Urbaine de Ouallam serait presque un hâvre de paix de 15.726 âmes, n’eût été l’afflux quotidien de réfugiés maliens et de déplacés internes qui fuient les violences armées liées principalement au terrorisme dans la zone. Dans cette localité distante de 200 km de la frontière malienne, les réfugiés maliens et les déplacés internes ont presque atteint le nombre d’autochtones, selon les statistiques. La « ville modèle » de tolérance et d’intégration a fini par avoir la reconnaissance des Nations Unies dont le Secrétaire Général, M. Antonio Guterres, a effectué une visite sur place le 3 mai dernier. A cette occasion, M. Abdoul Karim Moussa, maire de la commune urbaine de Ouallam, nous a accordé un entretien dans lequel, il revient sur les efforts de la ville pour faciliter l’intégration des refugiés et déplacés internes, et aussi ses attentes suite à la visite du chef de la mission onusienne.
Monsieur le maire, comment se présente la situation humanitaire dans votre commune à l’heure actuelle ?
Merci beaucoup de l’occasion que vous m’offrez pour m’adresser à l’opinion nationale et internationale sur un sujet qui nous préoccupe beaucoup. La situation humanitaire reste toujours précaire malgré les soutiens des partenaires depuis juillet 2019, la commune urbaine de Ouallam faisait face à l’arrivée massive des réfugiés maliens et des déplacés internes venus des communes rurales de Banibangou et de Tondikiwindi. A la date d’aujourd’hui, nous avons plus de 6.000 réfugiés et 7.321 déplacés qui viennent s’ajouter à 15.726 populations autochtones, rien que dans la ville de Ouallam, chef lieu de la commune. Cette situation se fait sentir sur toute la vie socio-économique de la ville de Ouallam et de ses environs. La population a galopé, les besoins multiformes de cette population se sont accrus. La pression humaine, pour la satisfaction des besoins fondamentaux des populations, s’est intensifiée sur les ressources naturelles qui s’amenuisent.
Le doublement de cette population n’est pas sans conséquences sur la vie socio-économique dont entre autres : le problème d’eau dans la ville. En effet, la ville de Quallam dispose d’un seul château d’eau (exploitation SEEN) qui date de 1975, alors que Ouallam n’était qu’un village; d’où la nécessité d’avoir un second château d’eau.
Il y a aussi la surcharge des structures de santé (CSI et HD) d’où la nécessite non seulement de continuer l’appui de ces structures en intrants et en personnel pour les amener à répondre efficacement aux différentes sollicitations des populations ; et la création d’un CSI type Il est très nécessaire.
Comment se passe la cohabitation entre les autochtones et les populations nouvellement installées ?
La cohabitation entre ces trois (3) communautés ne souffre d’aucun problème. Nous avons une population qui a une culture d’accueil des étrangers. Nous les avons sensibilisées depuis que nous avions été informés de l’arrivée de nos frères maliens et nigériens. Nous leur avions fait place à travers des espaces mis à leur disposition par la commune et par la population autochtone en acceptant de prêter leurs propres parcelles pour leur installation. Nous partageons avec nos étrangers toutes les structures sociales de base et dans toutes les activités menées dans la ville, chaque communauté a un taux qu’on lui donne. Nous nous fréquentions dans la symbiose, nous sommes régis par les mêmes dispositions des lois ; il y’a le brassage à travers des mariages et la cohésion sociale. Et personne n’est étiqueté par sa communauté. Nous avions créé des écoles spécialement pour eux avec l’appui des partenaires, des sites maraichers, des espaces de cohésion sociale, etc.
De quelle manière vous affecte la pression sécuritaire autour de la commune rurale de Ouallam ? Peut-on parler d’une amélioration de la situation ces derniers temps ?
J’ose dire que dans la commune urbaine de Ouallam, il n’y a pas tellement un problème sécuritaire, mais nous avons malheureusement deux communes voisines qui sont impactées. Ce qui fait que nous la sentions avec la raréfaction des transactions intercommunales. Alhamdoulillah, ces derniers temps, il n’y a plus d’inquiétude même dans les Communes voisines, nous continuions à prier.
Quelle est votre relation avec les organisations humanitaires qui interviennent auprès des réfugiés maliens et des déplacés internes ?
Notre relation avec les partenaires humanitaires intervenant dans la commune, quand j’avais pris service, il y’avait des petits soucis dus à un problème de communication. Mais maintenant, tout cela est laissé derrière nous car ils associent la commune dans toutes leurs activités qu’ils jugent nécessaires. Sinon, nous avions créé un cadre de rencontre bimensuel avec tous les humanitaires.
Cette situation est-elle tenable à moyen et long termes ?
Même maintenant, nous sommes étouffés, mais solidarité internationale oblige, nous continuons à les assister et à les soutenir. Notre plus grand souhait est qu’un jour qu’il y ait la Paix et que chacun puisse retourner chez soi. Nous sommes pour la politique de SE Bazoum Mohamed à savoir la création des conditions pour qu’il n’y ait pas un seul déplacé au Niger, que chaque nigérien puisse vivre chez lui. Que le bon Dieu l’aide à atteindre son objectif, amine soumma Amine.
Qu’espérez-vous de l’ONU après la visite de son secrétaire général dans votre commune ?
Ce que j’espère après la visite du SG de l’ONU dans la commune, est qu’il plaide pour la cause de Ouallam à l’endroit des bailleurs de fonds pour que des solutions soient trouvées au chapelet de problèmes que nous vivons, imposé par le contexte sécuritaire.
Il s’agit de créer les conditions pour notre commune de faire face à l’afflux des réfugiés et des déplacés qui continuent à venir. Un soutien consistant à notre jeune et pauvre commune pour répondre aux grands défis qui l’assaillent.
Peut-on dire que la venue des réfugiés maliens et des déplacés internes a enrichi l’activité culturelle de votre commune ?
Oui, car tout être humain qui vient s’ajouter à une Communauté est un atout. D’abord, il y’a la langue parlée, la culture, l’apport intellectuel. Leur arrivée a permis à la population d’assister à des activités culturelles des réfugiés sur le site.
Quelle est, selon vous, la solution pérenne à adopter pour résoudre le problème des déplacés à Ouallam, surtout les déplacés internes ?
La solution pérenne aux problèmes des déplacés internes, c’est de prendre les dispositions pour résoudre le problème sécuritaire. Créer les conditions pour qu’ils puissent regagner leurs villages d’origine et les mesures d’accompagnement pour leur autonomisation.
Par Souleymane Yahaya(onep) (Envoyé Spécial)