Monsieur Hamidou Dourfaye Adamou, vous êtes le fondateur de l’Institut International de management du tourisme et de l’hôtellerie (IIMATH), une filière jusque-là rare dans les écoles privées au Niger. Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser à ce domaine et à y investir ?
Après l’obtention de mon bac en 2001, je devais aller au Maroc pour la suite de mes études. Et, pour la petite histoire, à l’époque il s’est trouvé que j’avais le choix pour la bourse disponible entre deux filières : la gestion hôtelière et la littérature française. Le directeur de l’enseignement privé au ministère de l’enseignement supérieur m’avait conseillé de choisir la gestion hôtelière. Une fois sur place, à Marrakech au Maroc, j’ai découvert ce monde merveilleux qu’est l’hôtellerie, le tourisme. À mon retour au Niger j’ai décidé de créer une école dans le domaine de la gestion hôtelière et du tourisme, cela, même s’il fallait commencer par une ou deux classes, parce qu’à l’époque il n’y avait que très peu de grands hôtels dans le pays et les gens qui y travaillaient se formaient au Bénin, en Côte d’Ivoire. Alors, j’ai estimé qu’il nous faut aussi un Institut dans ce domaine. Mais ce n’est qu’en 2010 que j’ai créé l’Institut International de management du tourisme et de l’hôtellerie.
Déjà une douzaine d’années que cette école existe ; y a-t-il un engouement pour la filière hôtellerie et tourisme du côté des étudiants et de leurs parents ?
Le début de toute chose est difficile ; j’avais hypothéqué ma maison familiale pour prendre un prêt au niveau de la BRS afin d’ouvrir l’école. Par la suite, très tôt j’ai été confronté à des problèmes. Je n’avais eu que 15 étudiants inscrits et tenez-vous bien, avant la fin de l’année il ne restait que juste 3 ou 4. Tous les autres ont été découragés soit par la famille, d’autres, les filles après le mariage leurs époux n’ont pas accepté qu’elles poursuivent. J’ai été vraiment confronté à de sérieuses difficultés du fait de l’incompréhension de la société. La deuxième année on a eu encore une vingtaine d’inscrits. Mais à la fin de l’année je me suis retrouvé avec seulement 7 ou 8 étudiants. Pendant ce temps il y avait les échéances pour la banque qu’il fallait honorer. Un moment j’ai voulu même vendre l’école et tout laisser tomber parce que j’étais découragé. Heureusement qu’au moment de conclure la vente l’acheteur a préféré finalement m’encourager à continuer.
Qu’est ce qui selon vous explique tous ces obstacles, toutes ces difficultés ?
Certains parents pensent que si leur fille est inscrite dans la filière tourisme, hôtellerie, elle va aller faire la débauche, être en contact avec la clientèle… Et pour les garçons, ils se disent qu’ils ne peuvent avoir leur bac et aller préparer à manger, être serveur… Mais Dieu merci, il y a environ trois ans tout a changé avec surtout l’ouverture de plusieurs nouveaux hôtels de hauts standings à Niamey. Nous assistons à presque un miracle, au niveau de la jeunesse, car de plus en plus de jeunes veulent travailler dans les hôtels, au niveau de la gestion, la cuisine, le restaurant, la réception, le service commercial. De 10 à 15 aujourd’hui nous avons 150 étudiants, sans compter les formations thématiques qu’on dispense pendant les week-ends pour les femmes, les travailleurs qui n’ont pas le temps dans la semaine. Avec cette catégorie nous avons au total environ 200 inscrits. Il y a même des maris qui amènent leurs épouses pour les faire former, parce qu’ils ont compris qu’elles peuvent être formées en cuisine, pâtisserie, sans être obligées de travailler dans un hôtel. On peut utiliser ses compétences pour soi-même à la maison pour préparer ses plats, gâteaux, nem, et vendre cela. Il y a un grand progrès qui s’est opéré dans le domaine et là où c’est encore encourageant l’État a créé des diplômes d’État en hôtellerie et tourisme avec le CAP d’État, le BEP d’État, le Bac pro en gestion hôtelière, dont les examens se passent à Agadez où il y a un lycée public, qui accueille le jury. Actuellement nous avons une trentaine d’étudiants en Bac pro et la plupart sont des filles.
Monsieur le fondateur qu’en est-il du volet tourisme dans la formation qu’offre l’Institut ?
On a également une filière tourisme, pour laquelle il y a le diplôme d’État CAP, BEP, Bac pro. Nous avons des étudiants qui s’intéressent au tourisme. Vous savez l’hôtellerie et le tourisme sont liés. Avant, dans le cadre de la formation, on voyageait à l’extérieur, au Bénin, Togo avec les étudiants pour faire le tourisme. Mais maintenant nous disons mieux vaut bien connaître notre pays d’abord ; nous nous intéressons donc au tourisme intérieur. Récemment nous étions à Dosso, ça sera ensuite Maradi, Zinder, Agadez, etc. Je pense que cela va renforcer l’amour de notre culture, autre patrimoine.
Puisque vous êtes dans un domaine qui est encore nouveau au Niger, est ce que l’Institut dispose de ressources humaines, pédagogiques pour assurer une formation de qualité ?
Personnellement je suis formateur, j’ai été formé au Maroc et avec les hôtels qui existent au Niger il y a une importante main d’œuvre qualifiée qui vient des Seychelles, du Rwanda, des États-Unis, de la France, de la Tunisie, Maroc. Il y en a aussi qui sont des pays ouest africains et des nigériens. Il s’agit du personnel des hôtels. Nous approchons ces personnes pour des prestations de vacataires, on met donc à profit ces compétences pour former nos étudiants, nos jeunes sur des modules spécifiques. Aujourd’hui nous pouvons faire au Niger tout ce qui ne se faisait qu’à l’extérieur avant. Et je vous assure, les diplômes d’État que nous avons, les pays qui sont à coté ne les ont pas, car ici c’est l’État qui organise les examens et nous en sommes très contents. Car ça donne de la valeur et nous encourage en tant que formateur.
Monsieur le fondateur il y a des diplômés qui sortent de l’école ; mais est ce que les perspectives sont encourageantes au Niger pour l’emploi dans le secteur du tourisme et de l’hôtellerie ?
Les perspectives pour l’emploi sont des plus encourageantes, je peux dire que nous avons plus de débouchés que dans les autres filières. Regardez dans la ville de Niamey ; les pâtisseries, les boulangeries, les fast-foods ouvrent partout, il y en a beaucoup. Nous recevons des appels des hôtels pour des demandes de main d’œuvre qualifiée, qui n’est pas suffisante, car certains diplômés préfèrent travailler pour leur propre compte. Les femmes veulent toutes créer leurs propres entreprises. Certains de nos diplômés travaillent dans les hôtels de Niamey ; d’autres créent des services traiteurs.
Avez-vous des rapports de collaboration avec les institutions publiques, structures privées nationales ou internationales œuvrant dans le secteur du tourisme et de l’hôtellerie mais aussi celui des arts et de la culture dont les activités sont inter-liées ?
Nous sommes en contact avec le ministère du tourisme, celui de la jeunesse et de la culture. Nous sommes sous la tutelle du ministère de la formation professionnelle qui a formalisé le secteur. Je suis le premier à avoir une école hôtelière au Niger, et le ministère a fait en sorte que cette filière soit formelle, qu’elle ait ses diplômes. L’ANPE m’a beaucoup aidé soutenu, le FAFPA aussi via la banque mondiale, Swissaid, Swisscontact Niger, ICRISAT, etc. Ces structures essaient d’aider les jeunes qui n’ont pas les moyens pour payer les frais de leur formation.
Aussi, actuellement un marocain, notre ancien professeur qui est fondateur d’un centre en gestion hôtelière m’a contacté et m’a proposé d’être son représentant au Niger. C’est un honneur pour moi de représenter cette académie afin d’apporter une expertise aux hôtels en place.
Interview réalisée par Souley Moutari (ONEP)