On a coutume de dire, ’’il n’y a pas de sot métier’’ ou ‘’débrouiller n’est pas voler‘’. Dans le but de se frayer un chemin dans la vie et d’avoir un gagne-pain, de nombreux jeunes qui circulent dans la ville de Niamey munis de leurs outils à la recherche des clients pour une manucure-pédicure traditionnelle destinée aux personnes très occupées et qui manquent de temps pour se faire les ongles. On les appelle les ‘’clins-clins’’ car, ils sont très vite reconnus par le son de leurs ciseaux qu’ils secouent pour produire un son. Ces débrouillards sont appelés pour leurs services rapides, efficaces, et moins chers. Si certains pensent que se faire enlever les ongles est un moyen très économique, d’autres par contre indiquent qu’à travers cette pratique, des maladies sont facilement contractées.
Depuis 2021, Lawan un jeune natif de la région de Maradi plus précisément de ‘’Dan Goulbi ‘ vient à Niamey, où il exerce le métier de coupeur ambulant d’ongles. Il déclare qu’avec ce travail il arrive à satisfaire ses besoins. En effet, il lui arrive parfois de gagner 1500f à 2000f par jour. «Je viens à Niamey pendant la saison sèche pour chercher de quoi subvenir à mes besoins et je retourne avant la saison des pluies pour labourer mon champ. Les gens nous appellent beaucoup pour ce travail, contrairement à ce que pensent certains. Je n’ai jamais vu quelqu’un se plaindre car dès que je finis je mets de l’alcool. Franchement mes outils de travail composés de plusieurs ciseaux n’ont jamais été stérilisés. Mais une fois, une dame m’a appelé pour ce travail et elle m’a obligé à les faire bouillir dans de l’eau chaude avant de commencer le travail» a- t-il confié.
Les outils de travail de Lawan sont ses 6 ciseaux, une éponge, un flacon contenant du savon liquide, et un autre flacon d’alcool. Malgré la difficulté de son travail, il arrive à satisfaire ses besoins. «Personne ne m’a appris ce travail, je me suis auto-formé et même à mes débuts je n’ai jamais blessé quelqu’un. Il arrive lors du travail qu’un peu de sang sorte mais personne ne s’est jamais plaint à ce sujet. La coupure des ongles de chaque membre est à 25 F et l’ensemble des 4 membres à 100F» a-t-il ajouté.
M. Yaou Adamou quant à lui pratique ce métier depuis quelques années. Il en a fait un métier, car il y gagne sa vie à travers. Il l’avait exercé au Ghana bien avant de rentrer au Niger cette année où il s’essaie à Niamey. «Avant de sortir je fais bouillir chaque jour mon matériel dans de l’eau chaude. Personnellement je n’ai jamais entendu quelqu’un se plaindre d’avoir attrapé une maladie en se faisant coupé les ongles. Certaines personnes ne nous laissent même pas les touchés, s’il n’y a pas d’alcool pour désinfecter. Chaque membre est facturé à 25F», a- t-il dit.
Mme Hassi Harouna déclare qu’elle ne s’est jamais fait les ongles par les coupeurs d’ongles ambulants par crainte de contracter une maladie. Elle dit avoir entendu maintes fois des rumeurs sur la transmission du SIDA par cette voie. «Je n’ai jamais fait de manucure-pédicure traditionnelle et je ne le ferais jamais. Je me les enlève moi-même. Si je vois une personne qui veut le faire, je l’en dissuaderais en lui disant que c’est le Sida qu’on attrape en le faisant», a- t-elle déclaré.
Sur cette question Docteur Abdou Ibrahim Aminatou DESCOT à l’Hôpital Général de Référence de Niamey, précise que les risques de maladies que ces personnes encourent à travers cette pratique sont nombreux : ceux causés par les virus, les bactéries, les champignons, et les micros organismes comme par exemple le VIH (sida), l’hépatite B ou C, la syphilis, la brucellose. Elle ajoute aussi le risque de contracter le tétanos si la lame est rouillée ou si elle porte un agent causal. Sans oublier la gonococcie cutanée, la blastomycose, la mycobactériose et l’herpès. «Toutes ces maladies sont transmises par un objet contaminé ou par un liquide infecté. Parmi les maladies des ongles, il y a aussi la Xanthonychie distale (aspect jaunâtre de la partie distale de l’ongle) et l’aspect blanchâtre. Les ulcérations periungueales, les eczémas periungueales, les effritements et les chutes d’ongles qui sont spécifiques pour les dermatoses les plus grave», a t- elle dit.
Docteur Abdou Ibrahim Aminatou donne quelques conseils pratiques pour éviter cette dangereuse pratique, qui peut nuire à la santé d’une personne. «J’invite d’abord les gens à vaincre la paresse, pour un travail de moins de 5 minutes évitons de mettre en péril notre santé ou notre vie. Donc, il faut se munir de ses propres matériaux stérilisés (à usage unique et jetable) ou stérilisés (objet à usage multiples à tremper et laver dans de l’eau de javel et qu’on doit chauffer). Ensuite si on est trop fainéant malgré les risques, il faut exiger aux opérateurs de porter des gants car même si les matériaux sont stérilisés à 100%, il existe un haut risque de se faire couper lors de la pratique» a-t- elle conclu.
Assad Hamadou (ONEP)