Dans les ménages nigériens des villes comme des campagnes, la sauce à base des feuilles de corchorus communément appelée sauce de ‘’Fakou’’ est très prisée tant beaucoup de personnes aiment en manger au repas de midi comme au diner. Autant dire que la sauce de Fakou est ancrée dans les habitudes alimentaires de l’écrasante majorité des Nigériens. De son nom scientifique, corchorus ou encore «corète potagère», cette plante pousse généralement dans les zones arides. En effet, bien qu’elle pousse à l’état sauvage, un peu partout dans les régions du Niger, la corète potagère d’Agadez est une variété tout à fait singulière au point où elle est même cultivée sur des hectares comme culture de rente. La production de la corchorus dans cette partie aride du Niger est en passe de devenir un véritable business qui rapporte beaucoup aux producteurs.
La Corchorus est une herbe étonnante, incroyablement riche sur le plan minéral, à la base d’une tradition culinaire dans de nombreux pays d’Afrique et même d’Asie. Elle est appelée également «Malohia» en tamasheq et en haoussa, et «Fakou» en Zarma. Elle sert à préparer une sauce très consommée en milieu urbain comme rural aussi au déjeuner, au diner et au petit déjeuner sous la forme refauchée.
La trentenaire révolue, Adam Idrissa est un producteur et vendeur de «Fakou» de la région d’Agadez. Comme à leur habitude, les producteurs de cette région descendent jusqu’à Niamey chaque saison pour écouler leur production composée généralement de la pomme de terre, des fruits et légumes ainsi que les condiments et ingrédients de cuisine parmi lesquels figurent les feuilles de corchorus. Assis devant son étal aux alentours de la grande mosquée de Niamey, Adam nous explique à cœur ouvert la culture et la commercialisation des feuilles de la corète potagère. «Il faut d’abord aménager la terre, l’entretenir, l’arroser, et cela se fait entre une et deux semaines, avant la production de la graine de corète», a-t-il expliqué.
La plante qui donne les feuilles servant à la préparation de la fameuse sauce fortement consommée par les Nigériens est cultivée dans les jardins de l’Aïr, plus précisément dans la région d’Agadez. Selon Adam Idrissa, la période propice à la culture du corchorus est la saison chaude allant des mois de mars à juin. «A pareil moment on ne trouve plus le produit sur les sites. Tout est récolté et stocké dans les magasins avant de les revendre lors des foires ou à l’occasion du mois de Ramadan», a précisé ce producteur. Il ajoute que c’est une seule variété de semence que tous les producteurs de la région utilisent. Faute de connaitre son nom, Adam se contente de décrire ses caractéristiques. La variété de corchorus d’Agadez a des grandes feuilles. Le cycle de production des feuilles du corchorus ne dépasse guère deux mois. «Nous produisons beaucoup de fakou, car maintenant les gens ont compris l’importance de la variété de notre produit. Comme d’habitude, c’est lors des foires que nous amenons notre fameux fakou. Les habitants de la capitale apprécient le goût des feuilles de la corète potagère d’Agadez qui diffère de celui de la corète issue des autres régions du Niger. En ce jour, 10 janvier 2023, les clients continuent de défiler sous notre hangar pour demander les feuilles du corchorus. Malheureusement, c’est la disponibilité qui fait défaut actuellement. Toutefois, nous avons rassuré nos clients que d’ici cinq jours, nos produits seront disponibles, notamment les feuilles de corchorus ; la pomme de terre, les fruits et légumes, etc.», dit-il avec fierté.
Adam Idrissa devait par ailleurs souligner que, le Fakou d’Agadez est de bonne qualité avec son goût aromatisé et riche en vitamine. «La sauce des feuilles de corchorus donne beaucoup d’appétit, et elle guérit également les hémorroïdes», a expliqué le producteur Adam Idrissa. Et il faut dire que les producteurs de ces feuilles s’en sortent bien au regard de la forte demande notamment dans les gros centres urbains dont Niamey. A cet effet, Adam précise qu’il leur arrive d’amener et d’écouler sans problème cent à deux-cent sacs de Malohia. «Et par la grâce d’Allah, nous arrivons à écouler nos produits» ajoute-t-il. Le prix du sac de 50 kg de fakou varie selon la période. «Actuellement, le sac de 50 kg est vendu à 15.000F CFA, et la tasse est à 1000 F CFA», dit-il.
Le business du Fakou rapporte énormément d’argent aux producteurs et aux commerçants évoluant dans la filière. «Le gain que nous tirons de la vente des feuilles du corchorus nous a davantage galvanisé à en produire plus. Chaque année, je ne fais qu’augmenter le nombre d’hectares pour que la production soit énorme et par voie de conséquence que le chiffre d’affaires annuel se décuple», a indiqué M. Adam Idrissa.
Il peut se réjouir que son activité a un bel avenir. En effet, de nos jours, les amateurs de la sauce à base des feuilles de corchorus ne font qu’augmenter. Mieux encore, selon les tradi-praticiens, toute plante a des vertus et les feuilles de corchorus ne dérogent pas à la règle. Un discours qui conforte les consommateurs dans leur choix gastronomique. Un consommateur de la sauce Fakou qui a préféré garder l’anonymat abonde dans le même sens. «Lorsque je consomme la sauce de Fakou le soir, je n’ai pas de problème de digestion. En plus, en consommant cette sauce, on contribue à préserver le patrimoine culinaire traditionnel dans notre pays où l’influence des plats modernes tels que les ‘’Fast Food’’ issus d’autres cultures, est en train de faire son chemin» a-t-il soutenu.
Farida Ibrahim Assoumane