Si le handicap est une occasion pour certains de quémander leur pitance quotidienne, Lawal Aliou, la vingtaine révolue, handicapé des membres inférieurs ne conçoit point la vie sous le registre de l’assistance, mais plutôt à travers le travail pour se prendre en charge dignement. Assis sur des roulettes, casquette sur la tête, Lawal porte en kangourou un plateau débordant d’articles divers (désodorisants et de mouchoirs), qu’il propose aux passants. C’est avec une agilité incroyable et extraordinaire, que le jeune homme se faufile entre les véhicules.
Originaire du département de Dioundiou, dans la région de Dosso, Lawal a été victime d’une maladie à l’âge de dix (10) ans. Cette maladie a duré sept (7) longs et difficiles mois au point et lui a couté l’usage de ses membres inférieurs. Lawal raconte cette partie de sa vie avec une grande tristesse, les larmes perlant sur son visage.
Quelques années après cette douloureuse épreuve et ayant accepté sa condition, le jeune homme s’est lancé dans le commerce plus précisément la vente de condiments à Dosso. Cependant, ne gagnant pas assez, il a préféré venir à Niamey continuer le commerce dans l’espoir d’y trouver cette fois-ci ‘’le bon chemin‘’. Aujourd’hui, Lawal vit au quartier Boukoki et est vendeur de parfums désodorisants de véhicule au rond-point sapeurs-pompiers de Lazaret. Cet espace est devenu emblématique pour ce jeune handicapé qui se donne une ligne de conduite, un repère pour gagner dignement sa vie, contrairement aux autres personnes dans sa situation qui, pensent que lorsqu’on est handicapé, il faut forcement prendre la main.
Lawal vend des articles dont les prix varient de 500 F à 2500 F pour les désodorisants, 1000 F pour les mouchoirs et 5000 F pour les boites à mouchoirs. Comme recette, il lui arrive de gagner 10.000 F, 15.000 F voire 20.000 F par jour. «Tout dépend du marché» a-t-il précisé dans un Haussa authentique et avec un regard volontariste. Cette activité lui permet bon an mal an de subvenir à ses besoins sans tendre la main au niveau des feux optiques comme le font beaucoup en situation d’handicap. Avec ses petites économies, Lawal nous confie avoir engagé le processus de son mariage. La dot étant déjà envoyée, il ne reste plus que les cérémonies religieuses dont la date sera probablement fixée à la fin des récoltes.
Comme dans tout métier au monde, les difficultés n’y manquent. Eh bien, la condition de Lawal ne lui fait pas déroger à la règle. Même s’il est animé d’une volonté farouche, Lawal croise sur le chemin de son activité les contraintes inhérentes à tout travail de la vie. Outre le risque encouru de se faire écraser entre deux véhicules, il est parfois victime d’invectives et d’injures de la part de certains passants qui lui reprochent de ‘’bloquer le passage’’. «Mais, je fais fi de cela car c’est mon destin et c’est ce qui me permet de gagner ma vie», dit-il avec sérénité.
De toute sa vie, le jeune Lawal affirme n’avoir bénéficié d’aucune aide de la part de l’Etat. Le vélo qu’il utilise, lui a été offert par une dame avec une enveloppe de 20.000F. Et récemment a-t-il ajouté, un député, lui a remis une somme de 20.000 FCFA afin ‘’d’élargir’’ son commerce.
Quoiqu’il en soit, Lawal n’est pas un partisan du gain facile, même s’il respecte la perception des autres sur la question de la mendicité en lien avec le handicap. «Dans la vie chacun à sa manière de voir les choses. Il y’en a des personnes qui ne voient aucun inconvénient à mendier, d’autres qui le font par contrainte et ceux qui malgré leur situation, préfèrent se battre que de mendier. J’ai choisi de façon délibérée la dernière option et je n’ai aucun complexe pour cela», martèle le jeune homme avec conviction. Depuis le bas âge où il a fréquenté l’école coranique, il n’a jamais mendié. «J’ai certes perdu l’usage de mes jambes, c’est mon destin, cela ne devrait pas être une excuse pour choisir le raccourcis, c’est-à-dire la voie du gain facile», dit-il sans ambages. Il est difficile d’avoir un boulot mais Lawal estime que dans la vie il faut se battre.
Bien souvent, les personnes handicapées sont perçues par la société pour leur différence plutôt que pour ce qu’elles peuvent apporter à la société. Même si les personnes en situation d’handicap rencontrent de nombreux obstacles pour trouver un emploi stable, le parcours de Lawal Aliou incarne une leçon d’espoir et d’optimisme. Ce parcours force l’admiration et montre la voie à plusieurs autres handicapés qu’il est possible de vivre avec un handicap et même d’en faire une force.
Lawal ambitionne d’avoir une affaire plus florissante qui le maintiendra à un endroit fixe. Et pour cela, il a lancé un appel à l’Etat à offrir des opportunités pour les personnes en situation d’handicap afin de mettre fin au phénomène de la mendicité.
Rahila Tagou(onep)