Le mois béni du Ramadan est un moment particulier d’adoration pour les fidèles musulmans qui observent le jeûne pendant cette période. Au Niger la population qui est largement musulmane se prépare pour accomplir ce devoir religieux impliquant des changements systématiques d’habitudes tant dans le comportement du jeûneur que sur son alimentation. Sur le marché, en ville comme en campagne, l’engouement des consommateurs penche désormais vers les produits vedettes de l’heure : sucre, mil, riz, dattes, entre autres. Certes, habituellement, en cette période la forte demande fait monter les prix des produits mais le contexte du Ramadan de cette année fait craindre la surenchère.
Les facilités accordées aux importateurs qui acheminent les produits par le corridor alternatif Lomé-Kaya-Dori-Téra-Niamey ne semblent pas profiter au consommateur lambda. À une semaine du début de Ramadan, la décision du ministère du commerce en date du 21 février 2024, fixant le prix du sac de riz de 25 kg entre 13.500 à 14.375 francs CFA selon les régions du Niger, n’est pas respectée chez beaucoup de grossistes à Niamey. Quid alors de l’intérieur du pays ?
Certains importateurs et gérants de supermarché de la capitale ne veulent pas évoquer devant le micro de presse le sujet sur la situation des prix des produits comme le riz ou le mil. Du Petit marché à Katako, en passant par certains grands carrefours, il faut se faire passer pour un client si on veut prendre le pool du marché. « Il n’y a pas assez de marchandises, revenez un peu plus tard, nous attendons des camions. Le prix, non ! Ça peut changer à tout moment », prévient, l’air embarrassé, un grossiste au petit marché. Comme si les prix des stocks disponibles dépendaient de la situation d’un prétendu arrivage et non simplement sur le coût de leur importation. « Voyez-vous, nous n’avons pas encore du sucre en carton », fait constater le propriétaire de l’« alimentation générale », désenchanté de notre visite. Il n’a pas voulu dire son nom, feignant d’être occupé à coordonner un chargement des sacs de farine dans une camionnette. « On parlera de la situation du marché quand les marchandises seront là », a-t-il lancé. Pourtant, dans la même semaine, un important convoi d’environ 2.000 camions est rentré à Niamey.
Mais notre importateur n’est pas le seul à attendre un arrivage « spécial Ramadan », apparemment. Sur l’autre façade du Petit marché, chez les Établissements Houdou Younoussa, le sucre en carton n’est pas non plus dans les rayons. Dans ce super marché de renom qui aurait deux jours plutôt reçu la visite de la brigade de contrôle des prix du ministère du commerce, le riz 5% brisure est vendu à 13.500 FCFA, en conformité avec l’arrêté du ministre. Ici, le sucre en poudre est vendu à 700 FCFA le kg. A noter que l’établissement est celui qui a pu garder, sous les premiers chocs des sanctions de la CEDEAO, les plus bas prix des denrées alimentaires. Un peu plus loin, aux abords de Gounti-yena, le carton de 25kg de sucre est disponible, aux rayons et en stocks, nous apprend un vendeur en blouse. « Le carton, est à 32.500 FCFA. Si vous voulez beaucoup, y en a dans le magasin, on vous amène voir le patron », invite le jeune-homme. Dans le super marché, des clients vraisemblablement un peu aisés, puisque véhiculés pour la plupart, se montrent plus soulagés d’en trouver, ne se préoccupant pas trop du prix. Devant nous, en quelques minutes, près d’une dizaine de personnes en ont emporté.
Dans les marchés de quartier, tel qu’à la rive droite, les détaillants pointent du doigt les grossistes, comme d’habitude. Daouda Dan Karami est vendeur de céréales en détail, par mesure de tasse, au marché Harobanda(rive droite). Il achète le sac du mil de 40 tasses (100kg) à 32.000 FCFA et revend la mesure à 800 FCFA voire 900 FCFA. « Il y a quelques jours, moins de 2 semaines, je prenais le sac à 28.000 FCFA. Le marché, c’est du jour au lendemain. Prochainement je pourrai l’avoir à 34.000 FCFA chez le grossiste. Nous nous posons de questions sur le changement du prix. C’est eux qui fixent. Et même si je change de fournisseur, je trouverai la même situation. Ils se concertent en réalité », explique le revendeur. Son fournisseur, non loin de lui, nous confirme le prix sans vouloir nous expliquer les raisons de la hausse ou parler de l’approvisionnement.
Au célèbre marché Katako, c’est le mil à la mention de Dogondoutchi qui saute à l’œil, des rues jusqu’aux magasins. « Effectivement, c’était récemment à 28.000 FCFA ou un peu moins même. Moi, je ne m’occupe que des ventes et distributions. Le prix n’est pas ma sphère de compétence », a laissé entendre un gérant de stocks, au cœur du quartier général des céréaliers.
Ismael Chekaré (ONEP)