Les différentes crises mondiales avec leurs impacts sur la sous-région ouest africaine, combinées à une campagne agricole 2021 très déficitaire au Niger, ont favorisé une inflation des prix des produits de première nécessité. Au Niger où la consommation des céréales occupe une grande place dans les habitudes alimentaires des populations, l’explosion des prix de ces denrées pénalise financièrement les foyers et bouleverse le fragile équilibre nutritionnel qui existe encore dans les quartiers périphériques des grandes villes et dans les zones rurales du pays. Déjà, le prix d’un sac de 100 kg oscille autour de 30.000 FCFA sur les différents marchés de Niamey.
Quant aux différents marchés dits de référence pour les céréales dans la capitale, la plupart des magasins laissent désormais leurs portes grandes ouvertes. A l’intérieur où s’accumulaient dans un passé encore récent des sacs de céréales, seules quelques graines trainent encore sur les dalles servant de sol. Très souvent sur ces places mythiques, on croise des camionnettes remplies de quelques sacs de céréales. Cette fois-ci, au lieu des camions gros porteurs qui quittaient les villages et certains pays limitrophes pour venir ravitailler l’ensemble du pays, ce sont ces camionnettes qui font le sens inverse pour aller distribuer dans les villages, les quelques sacs collectés sur les marchés de Niamey.
« Ce spectacle témoigne de la rareté des vivres dans les villages et du caractère critique de la situation », affrime un revendeur, la cinquantaine révolue, qui somnolait devant les magasins presque vides du président des vendeurs des céréales du Niger, dans l’enceinte du marchée Katako. Après avoir vendu un sac de mil a 30.000 FCFA à un client, il explique que le mil est devenu rare ces derniers temps et est progressivement remplacé par le sorgho sur le marché. Même si ce dernier, victime de son succès chez les classes moyennes à cause de sa faible teneur en sucre qui permet de réduire le risque de contracter le diabète, se vend pratiquement au même prix que le mil.
Dans le quartier Zongo de Niamey, nous avons trouvé le jeune Idrissa, un vendeur en demi-gros, prêter main forte à ses dockers pour charger sur une camionnette l’unique commande de la journée qu’il a eue. « Les céréales, dit-il d’un air désolant, sont chères car la saison pluvieuse passée a été très déficitaire et ce sont les conséquences de cette mauvaise pluviométrie qui sont visibles aujourd’hui à travers la forte inflation des prix sur les marchés du pays. Il est très difficile de trouver des stocks en brousse». Les prix de vente pratiqués par ce semi-grossiste sont de 300.000 FCFA la tonne de mil et 280.000 FCFA pour la tonne de maïs ou de sorgho.
Par contre, M. Sofiane Abdou, un commerçant détaillant dit ne pas comprendre la hausse soudaine des prix sur le marché. Le sac de 100 kg de céréales coûtait entre 23.000 F et 24.000 FCFA il y’a moins d’un an, explique-t-il, aujourd’hui il l’achète entre 29.000 et 30.000 FCFA. Il vend ainsi la tiya de mil, la mesure locale, à 800 FCFA au lieu du prix de 650 à 700 FCFA qu’il pratiquait récemment. Le maïs qui se vendait avant entre 600 et 650 FCFA, se vend actuellement chez lui entre 750 et 800 FCFA. Le sorgho est lui vendu sur ses étals de détaillant à 750 FCFA la tiya. Le niébé, poursuit-il, est à 1.500 FCFA la mesure locale mais, se justifie-t-il, elle devrait être vendue à 1.550 FCFA parce que le sac actuel est plus petit et pèse par conséquent moins qu’avant.
M. Sofiane Abdou affirme qu’à cause de la cherté, ses clients habituels n’achètent plus des céréales et se rabattent sur le riz importé beaucoup plus qu’avant. « Seules les vendeuses de nourriture qui, de part leur travail de transformatrices sont obligées, dit-il, d’achèter les céréales». La rareté de la clientèle qui en découle, le met dans une situation précaire. « Nous prions que les prix baissent. Car, c’est quand les prix baissent que les détaillants peuvent vendre plus et dégager des profits », soupire-t-il enfin. De son côté, M. Idrissa appelle a l’aide le gouvernement pour sauver le secteur de la vente de céréales. Il souligne que la situation est tellement critique que «c’est à Niamey que les contrées agricoles à travers le pays viennent se ravitailler en céréales».
Pour cause d’élection du président de la chambre de commerce, d’industrie et d’artisanat du Niger a Tahoua, nous n’avons pas pu rencontrer les principaux commerçants grossistes de céréales. Ces « patrons » vers lesquels leurs collègues restés à Niamey nous renvoient, sont tous dans la cité de l’Ader pour participer aux travaux de l’élection. Les leaders des commerçants vendeurs en gros de céréales au Niger ont rencontré récemment le ministre du commerce pour débattre de l’inflation des prix et travailler à la contrôler avant que ça ne soit hors de portée. Une peine perdue d’avance pour la plupart des défenseurs des droits des consommateurs qui pointent du doigt la libération complète du secteur par le gouvernement et l’insuffisance des stocks nationaux de sécurité.
Avec l’annonce du début du jeûne musulman qui commencera dans moins d’un mois, les consommateurs s’attendent à une nouvelle flambée des prix sur les différents marchés de références de la capitale. « Les promenades de santé du ministre dans les grands magasins de Niamey n’y changeront rien à cette situation qui est appelée à s’empirer à un moment où les citoyens sont obligés de puiser dans leurs économies pour accompagner le mois saint du Ramadan», se désole une consommatrice du 5ème arrondissement communal de Niamey, faisant ainsi allusion aux visites conduites chaque année par le ministère du commerce dans des grandes enseignes de la capitale pour s’assurer de la disponibilité des produits de grande consommation et de leur accessibilité.
Par Souleymane Yahaya(onep)