La problématique du changement ou dérèglement climatique se pose chaque jour à travers le monde avec beaucoup plus d’inquiétude, notamment les menaces multiples et diverses auxquelles l’environnement et les populations sont exposés. C’est pourquoi, la gestion rationnelle des ressources naturelles continue d’être une préoccupation majeure à travers le monde de manière générale, et en Afrique particulièrement. Dans les pays du Sahel, cette question se pose avec beaucoup plus d’acuité.
Au Niger, l’Etat fait de la protection et de la gestion rationnelle de l’Environnement et de la préservation des ressources naturelles une de ses priorités. En effet, du niveau central jusqu’au niveau déconcentré, toutes les ressources nécessaires ont été mobilisées pour veiller à la mise en œuvre des orientations du gouvernement sur toutes les questions liées à la gestion de l’environnement et des ressources naturelles. L’environnement nigérien regorge d’importantes ressources naturelles diverses et variées d’une localité à une autre.
D’une superficie d’environ 52 000 Km², le département d’Ingall regorge de potentialités énormes en ressources naturelles qui peuvent contribuer au développement socio-économique des populations. Au niveau de la Direction départementale de l’Environnement et de Lutte Contre la Désertification, le personnel se mobilise malgré d’autres défis, notamment humains et matériels, pour assurer l’une de leurs missions à savoir la protection de l’environnement. Selon le Directeur Départemental de l’Environnement et de la Lutte Contre la Désertification d’Ingall, Cdt Boubé Djibo, certains éléments du capital naturel, dont regorge le Département d’Ingall, subissent malheureusement une dégradation et des menaces de plus en plus avancées du fait de certains facteurs aussi bien anthropiques que climatiques, d’où le déséquilibre entre l’offre et la demande.
Selon les explications du Cdt Boubé Djibo, ce déséquilibre est consécutif à plusieurs facteurs dont : la dégradation accélérée et continue des différents écosystèmes ; les effets néfastes du changement climatique ; l’augmentation croissante des besoins du fait de l’accroissement démographique. « Ainsi, face à cette dégradation des ressources d’une part, et à l’augmentation continue des besoins d’autre part, la restauration de l’environnement et la promotion d’une gestion durable des ressources naturelles demeurent une nécessité constante au niveau des services de l’environnement et de la lutte contre la désertification », a souligné le Cdt Boubé Djibo qui a aussi reconnu les importants efforts constamment déployés par l’Etat et ses partenaires pour relever les défis environnementaux. Il a aussi relevé les efforts supplémentaires de la part de l’ensemble des acteurs, notamment les populations, l’Etat et ses partenaires (collectivités, projets, ONG et associations de développement) pour la réalisation des actions concrètes et concertées de lutte contre la désertification et de résilience des populations face au changement climatique.
Il faut noter que la Direction Départementale de l’Environnement et de la Lutte Contre la Désertification d’Ingall comprend outre la Direction Départementale le service communal de l’environnement de la Commune Rurale d’Ingall et un poste forestier. Cette direction a pour mission de coordonner, à l’échelle départementale, la mise en œuvre de la politique nationale en matière de gestion de l’environnement. Le Commandant Boubé Djibo a souligné également, que pour l’essentiel, les attributions assignées à cette direction sont, entre autres, la lutte contre la désertification à travers le reboisement ; la protection et la restauration des écosystèmes dégradés et la gestion durable des ressources naturelles ; le contrôle de l’exploitation des ressources forestières, fauniques et halieutiques ; l’aménagement des formations forestières, des pêcheries et des ressources fauniques ; la lutte contre les feux de brousse ; l’information, la sensibilisation et la formation des populations dans le domaine de l’environnement ; la collaboration avec les projets et ONG évoluant dans le département ; la gestion des ressources humaines, matérielles et financières mises à la disposition du Service ; la vulgarisation des techniques de défense et de restauration des écosystèmes dégradés ; la promotion et la valorisation des produits forestiers non-ligneux et les plantes à haute valeur nutritive et économique telles que le Moringa ; la promotion de la salubrité de l’environnement urbain et la gestion durable des déchets plastiques et déchets solides municipaux ; la gestion des rapports institutionnels avec les autres secteurs.
Les ressources fauniques
Ingall est une zone désertique à vocation pastorale. Plus de 75 % de la superficie du département sont occupés par des glacis nus et des formations dunaires vers Assamaka et le reste par des galeries forestières le long des bas-fonds. La végétation ligneuse autochtone est essentiellement composée d’épineux tels que l’Acacia raddiana, les balanites, les palmiers doum à forte concentration dans l’Irhazer. On note une abondance d’espèces herbacées cette année avec l’enregistrement d’une excellente pluviométrie dont du Panicum turgidum, du cymbopogon, du cassa tora, du brachiariaspp, du cynodon dactylon, etc. On note également une prolifération de Prosopis juliflora, surtout dans la vallée de l’Irhazer.
La faune, jadis riche et variée, est aujourd’hui presque inexistante. Selon le directeur départemental, elle comprenait des espèces diverses et variées à savoir les autruches, les girafes, les phacochères, l’Oryx dammah, etc. Ces espèces ont complètement disparu. Néanmoins, elle compte aujourd’hui quelques espèces comme : le corbeau à cou blanc, les tourterelles, les pintades sauvages (Numida meleagris). Il y a aussi les singes, le chacal, le Varan du sable, le hérisson et plusieurs autres espèces rares.
Ces espèces, explique le Commandant Boubé Djibo, font face à plusieurs défis. « Le phénomène de transhumance à grande échelle, couplé aux actions anthropiques et aux effets du changement climatique, entraine une importante dégradation des ressources naturelles déjà malmenées par la désertification. Pour atténuer les effets néfastes de la désertification et la surexploitation des ressources naturelles, un effort substantiel et soutenu doit être consenti à travers des actions de restauration des terres dégradées et la gestion durable des ressources naturelles afin de maintenir cet équilibre fragile du département. Sinon, il faudrait s’attendre à l’anéantissement du peu de ressources existantes », a-t-il déclaré.
La flore et ses caractéristiques physico-naturelles
Le département d’Ingall présente des caractéristiques physiques variées. Il est composé de 4 zones écologiques qui sont le Tadress, l’Azawak, l’Irhazer, le Tamesna qui se distinguent par 4 types de pâturages. Le Cdt Boubé Djibo a souligné que chacune de ces zones a ses propres caractéristiques. Ainsi, l’Azawak est une zone qui dispose de sols sablonneux, souvent en forme de dunes fixes. Au Sud, a-t-il fait remarquer, il y a des pâturages à perte de vue dominés par Cenchrusbiflorus et Aristidalongifera parsemés de dépressions sablo-limoneuses avec une forte abondance de végétation ligneuse des acacias (nilotica, raddiana) et des balanites aegyptiaca. Dans cette zone, la pluviométrie est de type nord-sahélien. Elle est entre 200 à 300mm en moyenne. Une grande partie de l’Azawak présente pourtant un faciès radicalement différent, à tel point qu’on serait tenté de lui définir un autre ensemble écologique. « La partie Nord-Est, notamment, est composée d’une alternance de dépressions et d’affleurements rocheux, et dominée par une savane steppique à Panicum turgidum et des graminées variées selon les années, avec une couverture arbustive variée, dense dans les dépressions ou clairsemée sur les terres plus élevées dominées par acacia raddiana, calotropis procera, maerua crassifolia. En outre, des collines rocheuses nombreuses ponctuent cette vaste plaine plate », explique le Cdt.
Le Tadress est une zone de plateau limoneux avec des affleurements rocheux et des micro-dunes supportant une végétation discontinue dominée par Panicum turgidum et Cenchrusbiflorus, et d’autres espèces (Acacias raddiana, Maeruacrassifolia, Acacia Ehrenbergiana), parsemé dans des micro-dépressions. La pleine est drainée par plusieurs vallées avec une forêt galerie composée des Acacias (nilotica, ehrenbergiana, raddiana) et Zizyphus mauritiana, Commiphora africanus (Adarass en tamasheq) qui donne le nom à cette zone est en diminution localement. La pluviométrie dans cette zone est comprise entre 200 et 300 mm en moyenne.
Pour ce qui est de l’Irhazer, le directeur départemental de l’Environnement a expliqué qu’il s’agit d’une zone avec de grandes plaines argileuses avec des sols hydromorphes et salins, en plus des sols bruts peu évolués mais souvent profonds. Cette zone est traversée par « Irhazerwan Agadez », important Oued qui draine les eaux du sud et sud-ouest de l’Aïr et de la plaine depuis les falaises de Tiguidit, jusque dans le Nord, à hauteur de Tegguidan Tagueyt et un peu au Nord d’Ingall. Soit sur une vaste largeur, pour aller vers l’Ouest en passant par Tegguidan tessoumt, puis continuer vers l’Ouest sous forme de vaste plaine d’inondation diffuse, pour rejoindre un autre bassin descendant au sud de la vallée de l’Azawak. Cette zone se caractérise aussi par sa végétation, notamment herbacée, très variée, des plantes vivaces riches en eau dont la période végétative se prolonge jusqu’à la fin de la saison froide. La pluviométrie varie de 100 à 200 mm en moyenne. L’Irhazer présente également, sur ses rives et entre ses bras multiples, des zones de collines rocheuses remarquables et de nombreux affleurements rocheux.
Le Tamesna, c’est l’extrême nord. Il porte sur un substrat limoneux avec quelques dunes, une végétation herbacée annuelle et très peu de ligneux et des plantes herbacées vivaces, telles que Shouwia thebaïca. La pluviométrie est de type saharien de moins de 100 mm en moyenne et très erratique sur l’espace et le temps.
Exploitation minière dans le département
Outre les autres aléas qui menacent l’écosystème et ses ressources, l’activité minière, bien qu’elle soit peu développée, dégrade de façon accentuée l’environnement. D’où la nécessité de prendre des mesures conservatoires dans le sens. En effet, le département d’Ingall regorge de beaucoup de ressources minières. A ce jour, seulement l’uranium, le sel et le natron sont exploités. Il faut ainsi noter avec satisfaction que seule l’exploitation de l’Uranium, à Azélik, par les chinois, bien qu’elle soit aux arrêts depuis 2014, dispose d’un certificat de conformité environnementale. Par contre, l’exploitation du sel, à Tguidan Tessoum, depuis la nuit des temps, reste artisanale et ne fait l’objet d’aucun contrôle environnemental à ce jour.
Ali Maman, ONEP-Agadez