La scène est à la fois insolite et tragique. L’on croirait visionner, ces derniers jours sur nos petits écrans, une production Hollywoodienne, sauf que c’est la macabre réalité que vivent les populations de Khartoum et celles des autres grandes villes soudanaises comme Méroé ou Omdourman.
Depuis cinq jours deux forces armées s’affrontent à coup de canons, de chars de combat, d’hélicoptères et d’avions de chasse. L’armée soudanaise loyale au Chef du régime militaire soudanais le général Abdel Fattah al-Burhan et les Forces de soutien rapide (FSR créées en 2013 et issues des milices janjawids) commandées par le général Mohamed Hamdan Dagalo, alias «Hemidti» par ailleurs 2ème homme fort du régime se livrent à une guerre fratricide dans les rues et quartiers de la capitale soudanaise et des autres villes du pays.
Les avions de chasse, les hélicoptères de combat, les chars et autres armes lourdes acquis grâce à l’argent du contribuable soudanais pour protéger le pays et les populations sont utilisés pour bombarder et détruire casernes militaires, aéroports, hôpitaux et autres infrastructures publiques. Ces affrontements ont déjà fait plus de 200 morts civils et d’énormes dégâts matériels dont les installations de l’aéroport de Khartoum et même des avions civils détruits au sol.
Les événements de Khartoum rappellent, la situation de l’autre pays jumeau, le Soudan du Sud où après sa sécession le 9 juillet 2011, les deux hommes forts à la tête de cette jeune République ont infligé un sort aussi dramatique aux populations. Les affrontements entre les camps du président Salva Kir et de son vice-président Riek Machar ont condamné des millions de Sud- soudanais à vivre dans des conditions infrahumaines pendant de longues années.
A l’allure où vont les choses, il est légitime de s’interroger jusqu’où sont prêts à aller les deux généraux de Khartoum ?
Jusqu’alors les appels incessants de l’Union Africaine et de la communauté internationale n’y ont rien fait. Sûrs de leurs forces, les deux protagonistes ne semblent pas prêts à faire des concessions l’un l’autre. Entre temps, les populations civiles sont prises au piège et ne savent plus à quel saint se vouer.
Trois ans après avoir renversé ‘’leur mentor’’ Omar Hassan El-Béchir, les deux généraux de Khartoum qui n’arrivent pas à redresser le pays, s’enlisent ainsi dans un conflit fratricide à l’issue incertaine. Les libertés publiques sont mises à rude épreuve, les conditions de vie des populations se dégradent de jour en jour. Et maintenant, c’est la sécurité des populations qui est sérieusement menacée.
Qu’importe qui des deux généraux aura gagné cette guerre, sa victoire sera une victoire à la Pyrrhus. Elle sera célébrée dans les ruines de Khartoum et sur les cadavres des Soudanais. Malheureusement, outre les intérêts géopolitiques internationaux qui tirent sur les ficelles de ce conflit fratricide, les deux généraux sont gonflés par leurs égos surdimensionnés et leur goût prononcé pour le pouvoir pour ne pas voir la souffrance du peuple.
Certains observateurs craignent une libanisation du Soudan, d’autres une partition du pays.
Une autre leçon des printemps arabes
La situation que vit le Soudan actuellement ne manque pas de rappeler un air de déjà vu à travers les fameux printemps arabes, ‘’apporteurs’’ de démocratie. Après la situation qu’ont connu des pays comme l’Egypte, la Tunisie, la Syrie et la Libye, il est légitime de s’interroger sur les mérites surestimés des printemps arabes tant prônés de l’autre côté de la Méditerranée. La situation actuelle du Soudan est la conséquence de ce à quoi on doit s’attendre lorsqu’on hypothèque des régimes stables pour une hypothétique démocratie importée pour ne pas dire imposée, loin des réalités sociologiques du pays.
Siradji Sanda(onep)