Située dans la région de Dosso à environ 300km à l’Est de Niamey, la ville de Dogondoutchi est un grand carrefour marchand par lequel passent des milliers de voyageurs. Toute chose propice au développement de certaines activités génératrices comme la vente des dérivés d’arachide. Au fil du temps, des ans, une véritable filière Arachide ou, osons le dire, une industrie arachidière s’est développée dans cette ville-carrefour. Et pour cause, elles sont nombreuses les femmes qui ont décidé d’embrasser la carrière de transformation d’arachide à Doutchi, offrant aux voyageurs et aux résidents une panoplie de produits dérivés, issus de cette légumineuse appelée scientifiquement Arachis hypogaea. De l’arachide sucrée ou salée, de pâte d’arachide, du tourteau d’arachide ou encore de l’huile d’arachide, rien n’échappe à ces courageuses dames de Doutchi pour donner satisfaction aux voyageurs et en tirer de quoi subvenir à leurs besoins et ceux de leurs familles, pour acquérir leur autonomie financière. Malgré la morosité économique et la cherté de la matière première et certains intrants qui agissent sur la rentabilité de cette activité, ces courageuses productrices maintiennent la cadence. Notre reporter est allé à la rencontre des femmes transformatrices d’arachide de Dogondoutchi.
Extraction d’huile à base d’arachide : les mains dans l’huile par la sueur « J’achète le sac d’arachide entre 20.000f et 22.000f. Je l’amène sur le lieu du décorticage qui se fait à 250f le sac. Après le décorticage, je procède au vannage afin de séparer les graines d’arachide des coques mais aussi d’enlever certaines impuretés. Ensuite, je procède à la grillade qui se fait dans une grande marmite avec du sable. Après 10 à 15 minutes laissée au repos, j’enlève la peau de l’arachide pour l’amener chez le meunier et obtenir la pâte d’arachide. Pour moudre un sac, je paie la somme de 1100f. Je laisse alors la pâte se reposer avant de commencer l’opération d’extraction d’huile. Je mets dans un grand mortier et remue avec un pilon. C’est une tâche difficile qui peut durer environ 1h30 minutes pour pouvoir extraire toute l’huile contenue dans l’arachide». C’est ainsi que Mme Hassana Gagara, une productrice d’huile d’arachide de Dogon Doutchi, nous fait le résumé de la préparation d’huile d’arachide.
La production d’huile d’arachide, c’est en effet l’activité génératrice de revenu que pratique Mme Hassana depuis près de quarante (40) ans. Une activité dans laquelle elle est née et elle y a grandi puisqu’elle l’a apprise dès son très jeune âge aux côtés de sa mère, elle-même productrice de cette denrée alimentaire, bien prisée des nigériens.
Pour un sac d’arachide de bonne qualité, elle peut extraire jusqu’à 10 litres d’huile, sinon c’est 6 à 7 litres /sac. Un litre étant vendu entre 1300 et 1500 f CFA. Mais avec amertume qu’elle dénonce la concurrence de l’huile importée qui inonde les marchés « Nous sommes juste entrain de souffrir, il n’y a vraiment pas assez de revenus. L’huile importée fait chuter la vente de l’huile à base d’arachide. Le grand problème est qu’on n’a vraiment pas une autre activité alternative. Et ce travail que nous faisons actuellement ne rapporte plus assez comme avant». Contrairement aux vendeurs d’arachides, celles qui produisent l’huile ne l’exposent pas devant les gares des compagnies de transport. Ce qui constitue un handicap, en plus du fait que la demande locale est inférieure à l’offre. Pour elle, le salut viendrait de la demande extérieure des commandes pour pouvoir aider les femmes de Dogondoutchi.
Zeinabou Oumarou, une autre productrice et vendeuse d’huile âgée de 58 ans a fait de l’extraction de l’huile d’arachide son gagne-pain depuis 40 ans. Et c’est la seule activité, explique-elle. Elle a appris ce travail à l’âge adulte, étant déjà mariée. Pour un sac d’arachides, elle arrive à extraire 10 litres d’huile et jusqu’à 14 litres lorsqu’elle est de très bonne qualité qu’elle vend à 1250f.
Parlant de l’apport de cette activité dans l’amélioration de leur quotidien, Mme Zeinabou reste optimiste malgré les difficultés. « Avant, ce métier nous rapportait assez d’argent pour satisfaire nos besoins. Mais maintenant, on le fait juste pour ne pas rester à ne rien faire car, il n’est plus aussi rentable. Après l’extraction je vais dans les villages environnants pour vendre mon huile comme à ‘’Dan-Kassari, Bawada et Houba’’. Je la vends aussi à crédit à certains revendeurs en détail. Depuis que le prix du sac a augmenté, nous sommes confrontés à une sorte de mévente car, la production est nettement supérieure à la vente. Tout est devenu cher aujourd’hui. Nous espérons que le cadre des appuis à l’autonomisation de la femme, le gouvernement nous viendra en aide pour trouver des débouchés. Il est de leur devoir de méditer sur le sujet ».
L’arachide sucrée et salée : Un amuse-gueule bien prisé par les voyageurs !
Mariama Issoufou est une dame âgée de 43 ans vivant dans la ville de Dogon Doutchi. La production d’arachide sucrée et salée est sa spécialité, son métier depuis plus de sept(7) ans. C’est un travail relativement rentable qui lui permet de subvenir aux besoins essentiels de sa famille. Quelques années après avoir embrassé cette activité qu’il n’a pas héritée de ses parents, comme c’est le cas pour beaucoup de gens dans cette localité, Mariama parle de sa vie quotidienne dans son activité de transformation de l’arachide en un amuse-gueule sucré ou salé très prisé par les voyageurs.
Doutchi est une zone de production d’arachide par excellence et surtout une ville de transit de la RN1 très empruntée. Les populations qui sont déjà productrices ont alors compris l’intérêt qu’il y a à saisir cette opportunité pour faire des affaires en valorisant leur produit local. Elle explique qu’elle achète la matière première qu’est l’arachide sur les marchés de Doutchi ou de ses environs « Nous nous rendons aux marchés pour acheter l’arachide en raison de 22.000f le sac et décortiquons ensuite avant de procéder au nettoyage et à la cuisson. C’est un procédé très rigoureux pour être sûr toutes les saletés et le sable sont enlevés. Nous mettions l’arachide dans la marmite sur le feu avant d’ajouter du sucre et 4 litre d’eau pour recuire. De temps en temps nous essayons tout simplement de bien remuer le contenu de la marmite pour bien agiter et mélanger afin que le sucre colle bien à l’arachide jusqu’à l’apparition de la mousse. Après avoir constaté cette mousse, nous éteignons le feu, enlevons le produit de la marmite pour procéder au séchage. C’est après quoi nous procédons à l’ensachage. Les sachets sont vendus moyennant 500f »
Pour ce qui est de l’arachide salée Mme Mariama explique qu’elle fait d’abord bouillir l’arachide décortiquée et bien traitée dans une grande marmite en y augmentant du sel puis à l’aide d’une grande passoire elle enlève l’arachide de l’eau, puis elle l’étale au soleil pour la faire sécher. Le produit est aspergé d’une poudre blanche faite à base d’argile appelé ‘’Kolkoli’’ en langue haoussa. Une fois séchée l’arachide salée est emballée dans les sachets vendus à 500f l’unité comme l’arachide sucrée.
Mariama Issoufou expose ses produits à la devanture d’une compagnie de transport de la place… Son activité lui procure un revenu substantiel qui lui permet de vivre dignement. Elle confie qu’elle gagne entre 10.000f et 30.000 f par jour. Sa clientèle est constituée essentiellement des voyageurs qui l’achètent en guise de présents pour la famille et les amis lors des déplacements.
Mariama Issoufou souhaite voir cette denrée aller au-delà des frontières nationales pour leur permettre de tirer le maximum de profit. Son autre souhait est d’avoir des grossistes pour pouvoir préparer beaucoup et gagner mieux. Aux autorités qui font de l’autonomisation de la femme une de leurs priorités, Mme Mariama souhaite un appui à mieux rentabiliser leur activité en agissant sur le prix du sac d’arachide qui ne cesse de grimper. « Je remercie Dieu pour cette activité noble grâce à laquelle j’arrive tant bien que mal à nous mettre à l’abri des besoins élémentaires » a-t-elle soutenu
Agée de 45 ans, Ouma Akané est une spécialiste en matière de transformation d’arachide en pate d’arachide ‘’Tigadigué’’. Cette dame exerce ce métier depuis 15 ans, la transformation c’est son activité génératrice de revenus. Dans ses propos elle nous explique que dans le temps, elle avait des vendeurs ambulants qui vendaient son produit. Mais depuis que le prix du sac d’arachide a augmenté la vente a baissé. Aujourd’hui elle prend elle-même ses produits et les vend dans la ville de Dogondoutchi.
Ouma Akané nous explique comment se fait la transformation de l’arachide en pâte d’arachide. L’arachide est travaillée d’abord en enlevant la coque. Ensuite l’arachide est mise dans une gamelle en fer pour la griller et elle précise que sa manière de cuisson est différente car, il faudra laisser un peu frire l’arachide destinée à faire de la pâte. Ensuite, il faudra enlever la peau de l’arachide puis amener au moulin pour le broyage et en fin laissé au repos quelques minutes la pâte d’arachide avant de la mettre dans des boites en verre destiné à la vente.
Parlant des problèmes liés à cette activité, elle souligne le fait que la majorité des femmes pratiquent cette activité. C’est pourquoi elle l’exerce de manière minimaliste de crainte de faire de mévente pouvant l’empêcher d’honorer ses engagements vis-à-vis de ses créanciers auprès de qui elle se ravitaille en arachide à crédit.
Abdoul Kader Ousseini est un jeune vendeur de pâte d’arachide depuis 10 ans. Il estime que c’est sont les voyageurs qui achètent beaucoup la pâte d’arachide. Ce pour cette raison qu’il s’est positionné à côté de cette société de transport. « J’ai une patronne pour qui je vends la pâte d’arachide. J’assiste à la production, mais je m’occupe juste de la vente. La boîte coûte un peu plus cher qu’avant. Elle est vendue à 1250f depuis que le sac d’arachide a augmenté, alors qu’avant la boite était à 1000f. Nos grands clients sont les voyageurs. Par jour je vends 20.000 à 30.000f» a-t-il indiqué.
Tourteau d’arachide, un autre amuse-gueule et ingrédient prisé
Le tourteau est un aliment dérivé de l’arachide bien connu des nigériens qui l’utilisent comme condiment dans la préparation de certaines variétés d’aliments ou que certains consomment sous forme d’amuse-gueule. La ville de Dogon Doutchi est une des localités de grande production du tourteau d’arachide. Il est en effet loisible pour les voyageurs de voir ce produit exposé à la vente le long de la route qui traverse la ville. C’est une activité pratiquée essentiellement par les femmes à l‘instar de Mme Mamou Mamane. Agée de 41 ans, elle est productrice et vendeuse de tourteau depuis une quinzaine d’années. C’est en effet la principale activité qu’elle a apprise depuis son jeune âge. La production de cet ingrédient est un peu plus difficile que les autres activités de transformations d’arachide. Mme Mamou explique qu’après le décorticage, l’arachide est moulue pour en obtenir la pâte qui est travaillée dans un mortier pour extraire l’huile à travers un procédé bien maitrisé. Cette étape de séparation de l’huile et de la pâte d’arachide est faite avec un pilon long de 1m30 et peut aller jusqu’à 1h30 mn de temps. Après l’extraction de l’huile, la pâte tourteaux d’arachide sous forme de petites boules. Mais qu’importe, les femmes choisissent de donner la forme qu’elles veulent. Le processus se fait à la main et peut prendre plusieurs heures en fonction de la quantité de pâte d’arachide à transformer en tourteaux. Une fois l’étape terminée, les tourteaux sont fris dans de l’huile pour être vidées de l’eau qu’ils contiennent et prendre la direction du marché. Mamou souligne qu’avec un sac d’arachide elle arrive à faire jusqu’à 120×100 unités de tourteaux. Chez Mamou Mamane, elles sont quatre à exercer ce métier. La plupart clients de cette dame sont des revendeurs dans les différentes localités de Dogondoutchi. Le jour du marché, elle amène son tourteau au marché pour la vente. Mais la dame a des soucis de mévente. Ce qui l’empêche d’honorer certains de ses engagements auprès de ses créanciers. Avec une ferme volonté d’apporter un plus à son pays, elle a demandé aux autorités compétente d’apporter une aide financière et un soutien consistant aux femmes qui exercent ce métier car, c’est un métier qui doit être soutenu. Elle a d’une part exposé sa requête d’apprendre d’autres métiers aux femmes de Dogondoutchi car presque la totalité des femmes de la ville n’exercent que la même activité.
Par Assad Hamadou (ONEP)