A côté de l’exode rural des bras valides des villages vers les grands centres urbains, se trouve aussi depuis quelques années, une nouvelle forme de ‘’migration’’. Il s’agit de l’exode des femmes rurales qui affluent par milliers vers les villes. A Niamey notamment, ce phénomène a pris une très grande envergure où elles viennent, après les travaux agricoles, afin de travailler comme des travailleuses domestiques. Cette pratique concerne des tranches d’âge variables, la plupart de ces travailleuses est constituée de jeunes filles et de femmes mariées dont les époux sont partis en exode rural saisonnier.
Après les récoltes, les villages se vident de leurs bras valides. Les hommes notamment partent en exode à la recherche de l’argent pendant la période morte de saison sèche. Ces derniers quittent leurs villages pour les grandes villes du pays pour certains et d’autres dans les pays côtiers. Mais ces dernières années on constate de plus en plus un changement de paradigme dans la pratique de l’exode. Car, ce sont les femmes pour beaucoup d’elles mariées et les filles, parfois de très bas âge qui quittent leur foyer et leurs parents pour se rendre à Niamey. Elles viennent s’y installer pendant quelques mois dans l’espoir de trouver du travail comme des employées domestiques. Elles vivent dans des maisons de fortunes, mais certaines, plus chanceuses, sont hébergées par leurs employeurs. Ces jeunes filles et femmes font toute sorte de travaux ménagers dont la lessive, le ménage et même la cuisine.
Tôt le matin à 7 H, ces travailleuses communément appelées ‘’Hawrou police’’, se mettent en route pour se rendre chez leurs patronnes. Certaines tiennent des paniers et tasses en main et souvent des thermos sur la tête, d’autres portant des bébés au dos. Quant aux filles, parfois très petites, on les voit souvent avec des anciennes tenues scolaires. Ce qui laisse croire qu’elles ont abandonné l’école pour être envoyées en ville par les parents. Ces travailleuses passent toute la journée dans les maisons où elles travaillent, jusqu’au coucher du soleil. Halimatou, une fillette de 10 ans explique comment elle est venue à Niamey : « Ce sont mes parents qui m’ont autorisée à venir travailler à Niamey après avoir fini les travaux agricoles. Ils m’ont confiée à une grande sœur qui connaît bien Niamey », confie-t-elle.
Ces fillettes sont confiées à des femmes plus âgées qu’elles, expérimentées dans le métier qui, une fois à Niamey, les guident pour trouver de quoi faire. Ce qui leur permet de se prendre en charge et d’avoir un peu d’argent pour envoyer à la famille, au village. Étant inexpérimentées, ces petites filles sont dans un premier temps soumises à une période d’essai. Après cette période de test, elles sont acceptées ou refusées par la patronne. « Certaines patronnes, quand on ne fait pas bien le travail, nous chassent après quelques jours d’essai », regrette une petite fille. Mais les tâches à effectuer varient selon les catégories. Le plus souvent les petites filles font les travaux de ménage légers comme « la lessive, le nettoyage des carreaux, le balayage de la cour. Généralement elles ne préparent pas le repas pour l’employeur », dit une jeune fille de 12 ans du nom de Oumou, rencontrée au quartier Karadjé. Elles sont payées le plus souvent mensuellement à une somme dérisoire par rapport au service qu’elles rendent. « On nous paie entre 5.000 FCFA et 10.000 FCFA par mois, ça dépend des patrons hormis les frais de petit déjeuner qui varient de 100F à 200F chaque matin et le dîner qu’on nous assure », témoigne la petite Halima.
Dans le peu d’argent qu’elles gagnent, ces travailleuses arrivent à faire des économies pour s’offrir quelques vêtements, contribuer au paiement de la location. Mieux, certaines arrivent même à s’acheter un téléphone et souvent avant même qu’elles ne quittent Niamey elles envoient de l’argent à leurs parents qui sont au village. « Dieu merci ! avec le peu qu’on gagne comme paie, on arrive à subvenir à nos besoins et même envoyer de l’argent à nos parents », confie Chamsia Halidou, 11 ans à peine.
Il faut toutefois souligner que les travailleuses domestiques, en particulier les plus jeunes, courent le risque de travailler pendant des heures interminables ou d’être isolées de leurs amis et de leurs parents. « Parmi nous, il y a celles qui avaient l’habitude d’être maltraitées par leurs patronnes. Mais le plus souvent quand nous sommes menacées, nos aînées nous demandent d’abandonner la maison de l’employeur », confie la jeune Chamsia.
Le phénomène des travailleuses domestiques est préoccupant en ce sens qu’il attire de petites filles qui ont l’âge d’aller à l’école. Ces jeunes filles sont ainsi privées de toute chance d’aller à l’école, malheureusement avec l’autorisation de leurs parents, eux-mêmes assaillis par la pauvreté. Ces enfants sont ainsi utilisés et exploités malgré les différents instruments juridiques qui les protègent contre tout abus.
Moumouni Saley Daba (Stagiaire)