L’acte posé par les forces de défense et de sécurité (FDS) dans la nuit mémorable du 26 Juillet 2023, parait aux yeux de nombreux observateurs, comme l’évènement le plus marquant de la vie politique nationale après la déclaration d’indépendance du 3 Août 1960.
En effet, plus qu’une simple intervention devenue ordinaire, de destitution d’un prince en exercice par des prétoriens, la nouvelle entrée en scène de l’armée et des autres composantes de l’architecture sécuritaire nationale constitue le fil d’ariane par lequel les Nigériens dans leur ensemble, vont s’atteler à l’écriture d’une nouvelle page de l’histoire nationale.
Mais la chose ne paraît pas aisée car les forces au service de la réaction tant à l’intérieur comme à l’extérieur du pays sont légion.
Le travail de sape entamé de manière ferme et résolue par certains éléments anti-nationaux soutenus par des puissances étrangères, s’est matérialisé par la prise de sanctions iniques, inédites, inopportunes, et scélérates par une organisation communautaire la CEDEAO ; fondée pourtant sur des valeurs qui mettent en avant la culture de la paix, le développement, la concorde et la démocratie. Le clou de ce chapelet macabre de rejet et de stigmatisation de la junte a été l’annonce sans vergogne d’une intervention militaire, si au-delà d’un certain délai le régime déchu n’était pas remis dans ses prérogatives constitutionnelles.
Cette démarche unique dans l’histoire des mécanismes de gestion des crises dans les jeunes démocraties africaines dénote une certaine fébrilité et nous amène à nous interroger sur les fondements réels d’une telle prise de position, tant l’acharnement contre l’acte héroïque du 26 juillet, contre le Niger, ses fils et ses intérêts vitaux, paraît d’une extrême gravité qui ne semble pas émouvoir les dirigeants de l’institution communautaire.
La guerre, le réceptacle de violences, de désordre, de chaos et d’anéantissement, qui est par essence la négation du développement et l’expression la plus achevée du recul et de la stagnation, la guerre est donc le choix qui vient d’être fait, pour contraindre le Niger et son peuple à renoncer à son choix utile et exiger que l’acte du 26 Juillet soit déclaré caduc, nul et de nul effet.
Aux exigences du retour de Bazoum dans ses prérogatives constitutionnelles nous opposons les prérogatives existentielles du peuple nigérien souverain parce que c’est lui, qui en dernier ressort, est le détenteur exclusif du pouvoir d’Etat.
A la vérité, l’explication de la CEDEAO, à la lumière des enjeux politiques, économiques et géostratégiques nous apparait dans toute sa clarté effarante, malgré la subtilité dont on veut l’entourer pour coller à l’image bienveillante de gardiens du temple de la démocratie.
En effet, la centralité de notre pays dans les enjeux sécuritaires globaux, régionaux, et sous- régionaux amène un certain nombre d’acteurs à faire de notre territoire un vieux principe pré-positionnement de forces qui veulent se projeter en cas de conflit non pas au Sahel mais surtout en méditerranée septentrionale, au mépris de nos intérêts nationaux vitaux, de nos relations bilatérales et multilatérales, bref de notre ancrage socio-historique au sein de notre sous-région et de notre aspiration à la paix, au développement et à la sécurité dans l’espace commun.
Au-delà des enjeux sécuritaires, l’avenir radieux qui se profile à l’horizon suscite des convoitises tant notre sous-sol regorge de métaux rares qui rentrent dans le processus de fabrication de composants électroniques ; et l’on peut constater la guerre de positionnement que se livrent à fleurs mouchetées, les multinationales de plusieurs continents.
Le Niger n’acceptera pas et n’acceptera jamais d’en être le dindon de la farce parce que dans ce capharnaüm nauséabond des centaines de nos compatriotes ont été massacrés ou éloignés de leurs terres ancestrales les transformant en sans domicile fixe dans leur propre espace. Fort heureusement, dans ce combat salutaire, le Niger loin d’être seul, bénéficie et continue de bénéficier du soutien sans faille de ses frères maliens, burkinabés et guinéens en engrangeant les dividendes de son intrépidité révolutionnaire. C’est le lieu de rendre un hommage appuyé à ces dignes fils de l’Afrique qui ont fait corps avec le peuple nigérien pour le soutenir dans son combat et porter sur les fonts baptismaux la nouvelle révolution africaine.
Sur un plan purement endogène, nous pouvons nous féliciter du comportement de notre jeunesse jadis réputée oisive, placide, nonchalante et douée d’initiatives et de projets porteurs de lendemains qui chantent, qui se réveille soudain à la manière d’un fauve blessé et qui se décide enfin à ne plus se croiser les bras devant le magma qui sort du cratère ardent. Désormais debout, fière et responsable, elle est débout dans les stades, débout aux carrefours stratégiques, ferme et résolue, déterminée à l’avant-garde du combat pour défier les forces d’agression si la guerre devrait avoir lieu.
Il revient alors à nous, à notre génération de nous inscrire dans le sens de l’Histoire en mettant à profit cet élan patriotique pour bâtir un citoyen nouveau conscient de ses responsabilités historiques et de ses devoirs envers la patrie. Écrivains, intellectuel, dans cette phase critique de notre histoire, nous ne devons ni anesthésier la pensée, ni occulter la complexité mais fournir l’effort impérieux afin de réaliser cette ascèse nécessaire qui nous permette de parvenir à la parfaite coïncidence de nous-mêmes avec notre peuple. Restons donc mobilisés et engagés autour des idéaux de la refondation dont les grands conteurs seront définis lors de la tenue de la conférence annoncée par les autorités de la transition.
Face aux va-t’en guerre, potentats hideux, aux discours haineux, gonflés d’imposture, nous disons tout simplement avec Emmanuel Kant, que ‘’seule l’humanité en tant qu’idéal universel de la Raison constitue une fin en soi’’.
Dan Barno Mahamane Machel
Écrivain-Éditeur-Traducteur
Président de l’association des Écrivains et chercheurs de la langue Hausa.
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