La Pandémie du coronavirus secoue la planète entière. Au regard de son ampleur, les institutions et organisations internationales spécialisées prédisent des conséquences sans précédent sur divers plans : économique, social, démographique, politique et géostratégiques. Au-delà de l’alerte sanitaire lancée par l’ONU, l’OMS, le mal du coronavirus a créé chez bien d’Etats, le réflexe de repli nationaliste : fermeture des frontières, rapatriement des nationaux, stigmatisation des étrangers. Le multilatéralisme est mis à rude épreuve. La pandémie du COVID-19 risque-t-elle de marquer un tournant dans les relations internationales ? Certains spécialistes prédisent un nouvel ordre mondial, tant la guerre est totale touchant tous les domaines stratégiques.
La Chine –Afrique mal préparée
Au moment où les Africains commencent à applaudir une Chine qui a su contenir la pandémie du Coronavirus sur son territoire, les ressortissants africains vivant en Chine lancent un appel au secours pour les traitements «inhumains» et «discriminatoires» infligés à eux dans la foulée des mesures chinoises contre le COVID-19. La gravité des agissements à l’encontre des Africains en Chine a obligé certains pays africains à réagir contre ce qu’ils appellent le «racisme» et la «xénophobie» des autorités chinoise à l’égard des Africains. Les relations Chine-Afrique qui commencent à prospérer sont-elles déjà mises à rude épreuve ?
L’appel de détresse des ressortissants africains en Chine a vite alerté le monde qui s’est à nouveau focalisé sur la Chine. Il a suscité une réunion d’urgence des Ambassadeurs africains en Chine pour protester contre «les tests forcés, la mise en quarantaine et les mauvais traitements en cours contre les ressortissants africains en Chine», notamment à Guangzhou (province du Guangdong).Les Ambassadeurs africains en Chine protestent auprès des autorités Chinoises contre le traitement discriminatoire infligé aux ressortissants africains et informent l’Union africaine.
Au-delà de cette réaction diplomatique, certains pays africains ont réagi énergiquement en convoquant l’Ambassadeur de Chine dans leurs pays ou en procédant purement à l’expulsion de Chinois. C’est le cas notamment du Nigéria et du Kenya.
Le Niger qui est un grand partenaire de la Chine a participé activement à la réaction du Groupe des Ambassadeurs africains à travers son ambassadeur Inoussa Moustapha. A travers lui, la voix de protestation du Niger s’est fait entendre. Au-delà de cette réaction diplomatique, l’Ambassadeur Inoussa Moustapha a transmis aux autorités compétentes du Niger les préoccupations des ressortissants Nigériens en Chine dans ce contexte de COVID-19 et de fermeture des frontières nationales. Le cas particulier des Nigériens bloqués dans la ville commerciale de Guangzhou a suscité une réaction du Ministère des affaires étrangères du Niger qui a annoncé que des mesures sont prises par l’Etat du Niger pour le rapatriement des Nigériens bloqués à l’étranger après la fermeture des frontières nationales. Les Nigériens sont bloqués en Chine, au Maroc, en Tunisie et au Mali. Pour le cas particulier de la Chine, les démarches entreprises par l’Ambassade du Niger en Chine auprès des autorités Chinoises ont permis d’aboutir à la suspension des tests systématique et le confinement «forcé» des Nigériens. Les familles nigériennes devant être mises en quarantaine dans des hôtels et à leur charge selon la règlementation chinoise, restent confinées dans leurs propres appartements sans avoir à payer des sommes importantes.
Cet épisode de la pandémie du COVID-19 marque assurément un réveil de la Chine qui révèle subitement à l’Afrique une nouvelle facette. A début des années 90, l’Afrique à la recherche de nouveaux partenariats, ouvre ses portes à des pays émergents comme la Chine. Les Africains, ont longtemps fermé les yeux sur les réalités chinoises relatives aux droits humains au profit d’un partenariat «gagnant-gagnant» qui a fortement contribué à propulser la Chine au rang de puissance mondiale. Le Groupe des Ambassadeurs Africains en Chine, n’a pas manqué de rappeler que les excellentes relations entre la Chine et les pays africains respectifs remontent à la lutte de libération de l’Afrique, le soutien de l’Afrique à la Chine, en particulier pour l’obtention du siège permanent au Conseil de Sécurité des Nations-unies.
Crispation des relations internationales et montée de l’aura des «petits pays»
La Pandémie du COVID-19 n’épargne pas les relations entre l’Europe et les USA d’une part et entre les USA et la Chine d’autre part. Au début de la crise en Europe, en février-mars 2020, les Etats Unis ont critiqué la gestion de la pandémie par les européens, qui en ce moment étaient en train de payer un lourd tribut avec des centaines de morts par jour en Italie ou en France et surtout avec une réaction tardive de l’Union européenne à venir en aide à une Italie «à genoux». L’Union européenne qui venait de renouveler ses instances a failli être prise au piège du formalisme administratif et d’une politique peut être trop orientée vers l’extérieur. Le COVID-19 intervient également au moment où l’UE n’a pas encore fini de digérer le brexit ou le retrait en fin 2019 d’un de ses membres : la Grande Bretagne.La pandémie est également intervenue au moment où selon une étude de l’INSEE, la croissance de l’économie française a été quasi nulle (-0,3%), l’Allemagne et le Royaume Uni enregistrent de mauvais résultats (-0,6% en Allemagne ou -0,3% pour le Royaume Uni), le Portugal et l’Italie luttent pour se remettre d’une terrible récession, respectivement (-3,2% et -2,2%). La zone euro n’est pas au mieux de sa forme (une moyenne de -0,6%).
La gestion primaire de la pandémie par l’UE a vite fait l’objet de récupération politique par des pays comme la Russie. Seuls les fondements solides de l’Union, des principes partagés et une politique extérieure suffisamment rodée ont permis à l’UE de sauvegarder son bloc.
Avant la pandémie du COVID-19, les relations commerciales entre les USA et certains pays européens comme la France, n’étaient pas au beau fixe. L’épisode de taxation des entreprises françaises installées aux USA et vice versa, marquait déjà une guerre de positionnement. Il y a également l’épisode «Huawei» entre les USA et la Chine ainsi que la guerre économique que les deux puissances se livrent, une guerre à travers laquelle sont nés les germes d’une dévaluation de la monnaie chinoise.
Quand, à leur tour, les Etats-Unis sont frappés de plein fouet par la pandémie en avril 2020 avec des milliers de morts enregistrés par jour, le discours des USA se dirige vers les institutions internationales. Ils critiquent la gestion de la crise par l’OMS et menacent de suspendre leur participation financière à cette organisation qui bénéficie à hauteur de 15% de son budget, du financement américain.
La montée en aura de pays comme le Cuba de Fidèle Castro dont la médecine vole au secours de l’Italie et de certains pays africains est révélatrice du rebond que les relations internationales sont en train de vivre.
L’«instinct de survie» des Etats et blocs d’Etats, réveillé par la pandémie nous rappelle une réalité des relations internationales selon laquelle les Etats sont animés d’une volonté de puissance ou de conquête qui les incitent à rivaliser constamment entre eux. Marcel MERLE dans son ouvrage intitulé Sociologie des Relations Internationales, affirme: «le monde est divisé entre Etats et constitué par la juxtaposition de ces Etats. Par conséquent, aussi longtemps que l’Etat subsistera et son existence matérialisée sur le terrain par la frontière, les Relations Internationales ne pourront se définir que par rapport à lui.»
La course au laboratoire
L’une des particularités de la pandémie du Coronavirus est qu’à ce stade, il n’existe pas de remède. La course au laboratoire est donc ouverte. Le pays ou le bloc de pays qui aura le premier découvert le remède contre la pandémie marquera le monde et fera planer son ombre sur les relations internationales. Le futur remède au Coronavirus sera une denrée qui permettrait des prises de position tranchées dans les relations internationales. Mais l’Afrique sera –t-elle au centre de cette nouvelle donne mondiale ? Les politiques de vaccin test qui se bousculent aux portes du continent laissent croire que le continent noir va participer autrement à l’avènement de ce nouvel ordre mondial.
La pandémie semble ouvrir une piste de solution à la course à l’affaiblissement des monnaies à laquelle les pays puissant se livrent depuis un certain temps afin de conjurer la faiblesse de la croissance économique. Cette politique d’affaiblissement de la monnaie a l’avantage de permettre d’exporter davantage. La Chine qui semble s’être vite remise de la pandémie se lance déjà en mi-avril dans une exportation tous azimuts de matériels médicaux en Europe et en Afrique. Mais l’Europe ne se laisse pas évincer sur le terrain de l’avenir.
Par Cissé. O. Sanda