Les tristes souvenirs d’inondations dévastatrices de 2019 n’auront pas suffi pour bannir, de bon, la vie dans des zones à risque. Aussitôt que les eaux se soient retirer, les maisons effondrées sont reconstruites par ceux qu’hier seulement affichaient une mine de tristesse et de désolation, et cela en dépit des dispositions prises par l’Etat et ses partenaires pour qu’à l’avenir de tels sinistres ne se répètent pas dans la capitale. Parmi les dispositions préventives, figure le recasement des habitants désormais sur des sites loin du lit du fleuve.
C’est dire que ni l’épisode de 2012, encore moins celui de 2019, n’ont suffi à ces sinistrés pour tirer les leçons du passé, en s’inscrivant dans la logique du gouvernement qui consiste à reloger définitivement ces habitants sur des sites non inondables.
Devant les comportements observables sur le terrain, il n’est pas exagéré de dire que l’être humain est insaisissable. Certaines habitudes ont la vie dure. En effet, à quelques jours seulement de la période des fortes pluies au Niger (le mois d’août), ils sont nombreux, les habitants à rester dans les zones inondables pour diverses raisons qui ne tiennent pas. Abdoulaye Ghali habite, depuis une vingtaine d’années dans la vallée de Kirkissoy, en face de la digue qui longe le quartier Gnalga-Saguia, sur la route Say.
Selon ses propres dires, il n’a pas bénéficié de parcelle sur le plateau “Enseignant-chercheur”, site de recasement des sinistrés des dernières inondations. « J’ai hérité de cette maison, je n’ai nulle part autre qu’ici. J’ai pu reconstruire mes toits après le drame de 2019. Tout s’était effondré. Je n’étais pas sur les lieux lors du recensement des sinistrés. Je n’ai pas eu de parcelle. Chez moi, c’est ici », confie Abdoulaye Ghali.
Il préfère rester chez lui, à ses risques et périls, à la périphérie de la ville pour la prospérité de son activité de bucheron que de s’installer en brousse. Le jeune père de deux enfants, trentenaire, ne semble guère regretter son choix car selon lui la digue réhabilitée les protégera en cas d’éventuelle montée des eaux. Il affirme que beaucoup ont eu des parcelles à la cité “Enseignant-chercheur” et certains parmi eux y sont restés, d’autres sont revenus. « Si l’eau arrive, je vais me réfugier au champ où d’ailleurs je pourrai tranquillement développer mon activité de bucheron. Après je reviens me réinstaller », explique Abdoulaye d’un air serein.
Selon d’autres habitants de la vallée, après le passage dévastateur des eaux, les autorités leur ont demandé d’amener des actes des maisons, de s’enregistrer afin de pouvoir bénéficier de l’opération de recasement. Mais certains déplorent une iniquité dans les faits. « Nous ne pouvons pas vivre sur une parcelle de 200m2 avec une grande famille de 10 ménages. Je n’ai pas accepté », affirme Boukary Souna, un octogénaire forgeron qui vit dans le bas fond de Kirkissoye depuis plus de 50 ans. Tapis à l’ombre au milieu d’une cour sans clôture avec des maisons en banco, il dit avoir également tout reconstruit. Certaines constructions ne sont même pas achevées. « Nous sommes toujours là, Seul Dieu nous protège », dixit Boukary. « L’année dernière, nous avions cru que le drame de cette inondation allait se reproduire, mais, Dieu nous en a épargné », relate-t-il avec un air loquace.
Cependant, le risque est aussi préoccupant cette année au regard des situations déjà enregistrées dans certaines localités du pays. En effet, faut-il le rappeler, il a été enregistré de nombreuses pertes en vie humaine, ainsi que des blessés dans des inondations à travers le pays, depuis le début du mois de juillet dernier. Cette vague d’inondations a fait des milliers de sinistrés et des centaines de maisons effondrées.
Ismaël Chékaré(onep)