En visite de travail en France, le Président de la République Mohamed Bazoum a co-animé, dans l’après-midi du vendredi dernier, une conférence de presse avec son homologue français Emanuel Macron, à l’issue d’un entretien sur la coopération bilatérale franco-nigérienne. Cette sortie médiatique inédite, intervient aussi peu après la tenue d’un 5ème Sommet extraordinaire (par vision conférence) du G5-Sahel, suivi d’une partie ouverte au Président de la République française, pour échanger sur les modalités de la reconfiguration de la présence militaire de la France au Sahel.
Le Président de la République Mohamed Bazoum s’est exprimé essentiellement sur sa politique sécuritaire et la place de la coopération militaire. Il a d’abord indiqué que la situation s’améliore au Niger, sur les trois fronts où est engagée l’armée nigérienne, à savoir dans la zone du lac Tchad, à la frontière avec le Burkina Faso, et sur la frontière malienne. «Nous avons mené une opération conjointe transfrontalière avec le Burkina Faso. Cette opération militaire a débouché sur des résultats comme nous n’en avons jamais pu avoir. C’est la preuve que si nous pouvions nous organiser et coordonner notre action, mener des patrouilles communes, même avec nos moyens propres, nous serions en mesure d’avoir des résultats bien supérieurs que nous ne pourrions avoir si nous restions isolés, comme cela a toujours été le cas, malgré tout ce que nous disions sur la nécessité de la coordination dont les principes sont définis par ailleurs dans le cadre du G5-Sahel mais, qui ne n’ont jamais été opérationnalisés», a souligné le Président Mohamed Bazoum.
Il a ensuite ajouté que du côté de la frontière avec le Mali, dans la région de Ménaka, plus précisément, les forces armées nigériennes ont mené une opération conjointe avec Barkhane qui a, également débouché sur des résultats conséquents, avec notamment l’arrestation des cadres importants de l’EIGS et la mort de plusieurs autres cadres de cette organisation terroriste.
Dans la zone du Lac Tchad, le président Bazoum a rappelé qu’il s’est personnellement rendu à Baroua (région de Diffa), dans une zone qui était dangereuse au point d’être désertée, où il a donné le coup d’envoi et engagé le retour des populations déplacées de leurs villages depuis l’année 2015. «Sur l’ensemble de la région de Diffa, nous avons entre 110.000 et 130.000 déplacés en plus d’une centaine de milliers de personnes réfugiées de l’Etat de Borno (Nigéria)», a-t-il souligné. C’est dans ce même cadre d’ailleurs que, la population d’Anzourou a été ramenée dans son terroir.
«Dans les prochaines semaines, nous avons l’intention de ramener presque 30.000 personnes dans 19 villages. Et cette opération, nous la continuerons pour qu’à l’horizon novembre-décembre de cette année nous ramenions toutes les populations déplacées, en créant les conditions nécessaires. Une assistance d’urgence humanitaire à leur profit, mais aussi la reconstruction de tous les services sociaux de base, pour le retour à la vie commode de ces populations dans leurs villages, tout en leur assurant la sécurité, afin qu’elles ne se retrouvent pas dans des situations à devoir quitter», a annoncé le Chef de l’Etat. A cet effet, le Président Mohamed Bazoum a réitéré son appel à la communauté internationale pour qu’elle vienne en soutien à cette opération importante qui donne tout son sens au combat contre le terrorisme qui ne devrait pas se limiter à l’action militaire. «C’est la seule façon pour nous d’affirmer notre autorité, de faire en sorte que nous réoccupions nos espaces et que nous normalisions la situation de nos populations», a-t-il poursuivi.
«Nous avons besoin de la France dans ce qu’elle peut nous donner que nous n’avons pas. Nous n’avons pas besoin de la France dans ce que nous possédons déjà»
Le Président Bazoum s’est aussi prononcé sur la reconfiguration du dispositif militaire français au Sahel, telle qu’elle a été exposée aux présidents des pays du G5, par le Chef d’état-major des armées de la France lors du sommet. «Nous ne pouvons que souscrire, évidemment, parce que d’une certaine façon, dans l’expérience que nous avons eue de Barkhane, si nous avons vu des défauts, ce serait dans ce qui est sa voilure. Et nous concevons, en effet, que cette voilure soit réduite. Il s’agit de comprendre simplement si nous avons besoin de tous les moyens qui sont caractéristiques de la force Barkhane pour faire face à nos ennemis. Et nous avons besoin de la France dans ce qu’elle peut nous donner que nous n’avons pas. Nous n’avons pas besoin de la France dans ce que nous possédons déjà», a souligné SE Mohamed Bazoum. «La France a des capacités de renseignement électroniques et des moyens aériens que nous n’avons pas et qui peuvent compléter notre action. La nouvelle configuration ne nous prive pas de cette possibilité», a-t-il a indiqué précisant qu’il est important que cette dimension soit maintenue.
«Nous considérons que ce sont des aspects de la coopération militaire française dont nous avons le plus besoin qui sont maintenus. Le reste doit procéder de notre effort, de nous-mêmes. Et l’armée du Niger est organisée de façon à faire face à cette nouvelle situation», précise le Chef de l’Etat. Le Président de la République a ainsi adhéré aux perspectives de coopération militaire française, dans sa nouvelle configuration. «Ce n’est pas la vocation de l’armée de la France ou de quelque autre pays de venir faire la guerre à notre place», a martelé sans détour, le Président Bazoum répondant aux questions de la presse sur le bilan du dispositif militaire français au Sahel. «Nous avons à faire en sorte que nos forces soient efficaces, qu’elles soient bien entrainées, bien équipées. C’est leur tâche à elles, elles l’accomplissent avec beaucoup de courage, et elles sont en train d’améliorer leur niveau. Vous verrez, elles seront aguerries et leur réponse sera à la hauteur du défi que nous pose le terrorisme», a-t-il expliqué. Avec son franc-parler, le Président Bazoum a indiqué que dans la sollicitation des partenaires extérieurs il leur est demandé de soutenir davantage en moyens techniques et financiers qui font défauts à nos pays.
Pour sa part, le Président Macron a annoncé que la France concentrera son appui à travers deux dimensions. D’abord, en faveur de la montée en puissance des forces des Etats du Sahel, une dimension coopération, pour former, entrainer et équiper-conseiller les armées partenaires. Le second volet sera le soutien militaire dans la neutralisation des terroristes, avec notamment une force aérienne significative basée à Niamey. «Les conclusions du Conseil européen du 24 juin ont renouvelé l’engagement des Etats membres à contribuer à l’opération Takouba. Des nouveaux Etats se sont même joints à Takouba. C’est le cas de la Roumanie. Dans le même temps, le Conseil de Sécurité des Nations Unies vient de renouveler à l’unanimité le mandat de la Force MINUSMA au sein de laquelle plusieurs partenaires européens sont également engagés. C’était le 29 juin dernier», rappelle le Président français, démontrant la continuité de l’engagement international de la France au Sahel.
Parallèlement à ces perspectives, la France reste résolument engagée dans la région. «Nous restons engagés au Sahel, parce que cela nous est demandé par les Etats de la région», a déclaré S.E Emanuel Macron, tout en précisant que la France n’a pas vocation, encore moins la volonté d’y rester éternellement.
Par Ismaël Chékaré(onep)