
Au cours du mois d’avril, la fraude des hydrocarbures a été véritablement maîtrisée par les services compétents créant ainsi la disparition du carburant fraudé sur le marché noir. Cette situation a créé une ruée vers les stations-services avec une demande très forte. Même les abonnés inconditionnels du carburant fraudé sont obligés de se ravitailler au niveau des stations. Cette forte demande a occasionné des files d’attente au niveau des stations-services. Suite à cela, certaines personnes mal intentionnées ont voulu faire croire sur les réseaux sociaux qu’il y a une pénurie d’essence à Tahoua. Beaucoup de vidéos ont fait cas de crise des hydrocarbures dans la région Tahoua. Face à cette situation et pour mettre fin à toutes les rumeurs, la Direction Générale de la SONIDEP a dépêché une mission à Tahoua du 9 au 14 mai 2024 afin de s’imprégner des questions liées aux hydrocarbures dans la région. Le but de cette mission est de s’enquérir du contour des différentes activités du dépôt de Tahoua et les efforts consentis par les acteurs pour satisfaire le besoin de la population.
Située au nord-est du Niger, la ville de Tahoua compte une quinzaine de stations-services, toutes alimentées par la SONIDEP. En 2016, la région de Tahoua a bénéficié d’un gigantesque dépôt des produits pétroliers implantés sur la nationale N3, l’axe Tahoua Konni. Ce dépôt ultramoderne a une capacité totale de stockage de 4540 M3. Avec le Système de Management Intégré de la Direction Générale, le dépôt de Tahoua assure l’approvisionnement des produits de la SONIDEP en quantité et en qualité suffisante sur l’ensemble du territoire de la région.
Avec des agents rompus à la tâche, le dépôt régional de la SONIDEP Tahoua mène ses activités dans les règles de l’art. Pour M. Mamane Abdoul Aziz, chef section exploitation du dépôt régional de SONIDEP Tahoua, la société entretient de très bons rapports avec ses clients composés essentiellement de sociétés, propriétaires de stations-services. Chaque jour, ces clients passent des commandes au niveau de la SONIDEP pour pouvoir se ravitailler afin de satisfaire la clientèle.
La SONIDEP résiste face à la persistance de la fraude des hydrocarbures !
Malgré les aléas liés à la persistance de la fraude qui constitue une situation complexe, la SONIDEP résiste et arrive toujours à atteindre les objectifs qui lui sont assignés. « Nous avons toujours des résultats satisfaisants. Les objectifs de l’année 2023 ont été atteints avec fierté dans les ventes grâce aux différents acteurs qui contribuent à l’évolution de la SONIDEP », affirme le chef section exploitation du dépôt régional de SONIDEP Tahoua, M. Mamane Abdoul Aziz.
Les données des sorties de carburant au niveau du dépôt régional de la SONIDEP Tahoua sont assez illustratifs. Pour les mois de février et mars 2024, le dépôt régional de la SONIDEP Tahoua a effectué une sortie de 1.585.188 litres d’essence. En avril 2024, où plusieurs facteurs ont anéanti la fraude, le dépôt régional de la SONIDEP Tahoua a effectué une sortie de 2.646.780 litres en super essence. Selon les spécialistes, le besoin de la région de Tahoua est estimé à près de 6 millions de litres d’essence. « La région de Tahoua a un grand besoin en termes de consommation. Quand on se réfère à la consommation de certains mois on remarque vraiment qu’il y a une perte pour la SONIDEP et pour l’État. Ceux qui achètent les produits de mauvaise qualité au niveau des vendeurs ambulants ne prennent pas conscience de la terrible erreur qu’ils font car non seulement cela détruit leurs moteurs et cela peut aussi créer un incendie. Il est fondamental de faire très attention. Nous conseillons la population d’acheter nos produits de la SONIDEP », préconise M. Mamane Abdoul Aziz.
Les dessous de la prétendue pénurie d’essence à Tahoua
Depuis le mois de février 2024, les acteurs du marché noir des hydrocarbures sont tombés dans des difficultés. Le carburant ne venait plus sur ce marché. C’est ainsi que certains esprits malins, conscients de l’impact que cela pourrait avoir sur le marché de l’hydrocarbure, se sont mis à faire des réserves pour créer une rupture des produits au niveau des stations-services. Des revendeurs sont allés dans les stations pour remplir des centaines de bidons, achetant le produit à 540 francs le litre. Ils ont voulu créer une pénurie de super, donnant l’impression d’une pénurie d’essence à Tahoua or la SONIDEP en dispose. Cette stratégie consiste à créer une pénurie et faire des spéculations, une situation favorable au marché noir. « Il est essentiel que ces jeunes renoncent à cette habitude afin d’éviter une pénurie potentielle de ce produit de la SONIDEP. Cette mauvaise habitude a engendré la spéculation et une prétendue pénurie d’essence récemment. Les jeunes ont afflué vers les stations-services, entraînant un désordre total dans la ville de Tahoua, où il fallait faire une longue queue pendant longtemps pour se procurer de l’essence » a-t-il dit.
M. Mohamed Aliou, gestionnaire d’une station-service à Tahoua a noté une forte augmentation des clients. Les chiffres d’affaires journaliers durant la période où le marché noir n’est plus alimenté est l’équivalent de ceux enregistrés durant des mois lors de la concurrence déloyale du marché noir. « Pendant cette récente crise, j’ai vendu environ 10 000 litres d’essence, alors que sans crise, mes ventes journalières ne dépassent pas 1 000 litres. Il y a eu une pénurie de carburant de la fraude du Nigeria, empêchant l’approvisionnement en carburant à Tahoua, ce qui a poussé toute la population de la ville à se précipiter vers les stations-services » révèle M. Mohamed Aliou.
Ce gérant de station-service précise que la quantité du carburant mise à leur disposition par le dépôt de la SONIDEP Tahoua est suffisante pour couvrir le besoin de la région. Cependant, il constate avec amertume que la population préfère utiliser le carburant de contrebande malgré les risques. « Le gouvernement doit impérativement intensifier la lutte contre la fraude afin que les citoyens du Niger puissent profiter du carburant de qualité fourni par la SONIDEP. Contrairement à ce que certains pensent, nous n’avons jamais connu de pénurie de carburant, car la SONIDEP nous a toujours fourni en temps voulu et en quantité suffisante, tout en assurant la qualité », a-t-il confié.

Selon les spécialistes les fraudeurs ont plusieurs stratégies pour faire de la spéculation. M. Moussa Harouna Sani, est un électromécanicien travaillant à la SONIDEP depuis 13 ans. Du haut de son expérience, il a souligné que ce sont des individus mal intentionnés qui ont inventé des histoires qu’ils diffusent sur les réseaux sociaux pour semer la discorde et faire que la ville de Tahoua soit en manque d’essence. «La commercialisation illégale des hydrocarbures est une réalité incontestable, et nous sommes confrontés à de nombreuses menaces du côté du Nigeria et de l’Algérie en ce qui concerne la fraude. L’opération se réalise systématiquement par voie terrestre. Certains utilisent des camions, des petits véhicules, voire des motos pour transporter des bidons de 25 litres destinés à alimenter le marché noir. Du côté de l’Algérie, ce sont des camions qui sont modifiés et équipés de réservoirs pouvant contenir 5 000 litres qui partent d’Algérie pour se rendre à Tahoua afin de ravitailler le marché noir. C’est un problème que nous nous efforçons d’éliminer, et nous comptons fortement sur la hiérarchie pour y parvenir. Il incombe aux services compétents de prendre des mesures appropriées pour aider la SONIDEP à mettre fin à cette situation », a-t-il dit.
Il n’y a jamais eu de pénurie de carburant à Tahoua
En vérité, ce sont les fraudeurs qui n’en disposent pas. Ils n’arrivent plus à mettre le carburant de la fraude sur le marché. Et mieux encore, le prix de l’essence qui est de 540 FCFA n’a jamais changé. « Il n’y a jamais eu de pénurie d’essence à Tahoua, le produit est disponible en quantité dans l’entrepôt de Tahoua ainsi que dans les stations-services. Ce produit est non seulement moins coûteux mais aussi, il a une grande assurance en termes de qualité. Nos produits sont analysés d’abord au niveau de la SORAZ mais aussi au niveau du dépôt avant et après le stockage », rapporte M. Mamane Abdoul Aziz.

Malgré l’ampleur de la fraude, il y a des nigériens qui ne s’intéressent pas aux produits qui en découlent. M. Ahamed Alwali Moussa est un fidèle client, connu pour son attachement aux produits de la SONIDEP. Pour la sécurité de son engin, il s’est engagé à n’acheter son essence que dans les stations-services, considérant que c’est un excellent moyen d’aider l’État. M. Ahamed Alwali Moussa a exprimé son fort soutien à la SONIDEP et a affirmé sa satisfaction. Il a souligné que la qualité du carburant de la station, prévient de nombreux problèmes de moteur et garantit la sécurité.
Ce jeune consommateur a également souhaité faire une recommandation à l’État afin qu’il réexamine les tarifs du carburant. « Selon moi, le prix de l’essence devrait être inférieur à 540 FCFA. Nous ne demandons pas une grande réduction, mais juste une baisse de 40 FCFA sur les 540f afin que le litre soit vendu à 500 FCFA, ce qui serait avantageux pour la population et encouragerait les gens à venir acheter de l’essence à la station. Ainsi, personne ne serait incité à acheter de l’essence auprès des vendeurs ambulants qui vendent le litre à 600 FCFA. J’appelle les citoyens à suivre mon exemple et à acheter de l’essence dans les stations pour soutenir l’économie du pays, car cela aide l’État», a-t-il souhaité.

M. Seydou Yacouba réside à Tahoua depuis une décennie et possède un véhicule. À son arrivée à Tahoua, il déclare qu’il achetait du carburant dans la rue, ce qui provoquait des pannes fréquentes sur son véhicule en raison des multiples conséquences des hydrocarbures provenant de la rue. Ces conséquences incluent des pannes de moteur liées à la mauvaise qualité de l’essence, l’absence de contrôle des contenants et même des mélanges d’eau, de gasoil et d’huile avec le carburant. C’est ainsi qu’il a décidé de ne plus utiliser le carburant de la rue. Depuis qu’il fréquente les stations-services, il n’a plus rencontré ce type de problèmes. « Aujourd’hui l’essence est vendue à 600 FCFA chez les revendeurs et à 540 FCFA dans les stations. Malgré cela, certains préfèrent en consommer dans la rue par habitude. Ces derniers temps, avec l’inflation au Nigeria, ceux qui l’achètent sur le marché noir ne trouvent plus leur compte.
En effet, M. Seydou Yacouba encourage les consommateurs à s’approvisionner en carburant auprès des stations-services. Il a souligné que ce carburant fait l’objet d’un processus complet de raffinage et de nombreux tests avant d’être commercialisé, offrant ainsi une garantie aux consommateurs. La SONIDEP crée les conditions nécessaires pour approvisionner les stations-service en essence, en quantité et en qualité. Pendant la crise, les clients attendaient une heure avant d’être servis. La situation a été difficile car tous les vendeurs d’essence des villes et des zones rurales venaient s’approvisionner avec de nombreux bidons de 25 litres, ce qui créait des petites ruptures dans les stations-services. Certains commerçants peu scrupuleux ont intentionnellement créé cette situation pour en tirer profit lors de la revente en augmentant le prix. La SONIDEP s’efforce de satisfaire sa clientèle. Il suggère également à la SONIDEP de mettre en place un système d’alerte pour éviter une pénurie de ce produit sur le marché.
La fraude un fléau économique et sécuritaire
L’ampleur de la fraude des hydrocarbures dans la région de Tahoua est une préoccupation majeure. L’impact de l’essor du secteur informel sur le secteur formel est préoccupant. La SONIDEP est une entreprise nationale, et il est essentiel que les Nigériens comprennent que cette entreprise relève de la responsabilité de toute la population. Sa survie est cruciale car elle contribue à l’économie nationale. Il incombe à chaque Nigérien de faire tout ce qui est en son pouvoir pour éviter la consommation de produits de qualité médiocre issus de la fraude, en favorisant les produits locaux pour participer au développement du pays.
Au-delà des conséquences économiques, la fraude des hydrocarbures est à l’origine de plusieurs drames. Cette fraude contribue également au développement des activités des groupes criminels. Récemment à Tahoua un étalage de vente du carburant fraudé a été percuté par une voiture qui roulait à vive allure provoquant ainsi des morts et des blessés graves. « Nous demandons à tous les collaborateurs de la SONIDEP au niveau régional, à la population et surtout aux revendeurs détaillants qui trouvent toujours un moyen de faire des spéculations d’arrêter ces pratiques. Nous devons prendre les mesures nécessaires pour empêcher le carburant de tomber entre les mains des terroristes, car ces derniers sont prêts à acheter le litre jusqu’à 2000 FCFA. Par amour pour notre patrie, il est crucial de ne pas compromettre la sécurité du pays pour des miettes », dit Mohamed un jeune qui est dans la vente du carburant fraudé.
Sévir avec des mesures implacables contre la fraude
La SONIDEP à travers les services compétents est active pour contrer la fraude de l’essence venant du Nigeria et de l’Algérie. L’administration des douanes est l’un des bras armés engagés dans la lutte contre la fraude. Pour atteindre les objectifs fixés et endiguer la fraude, des stratégies sont mises en place dont des actions de sensibilisation et la mise en œuvre d’une politique de services des Douanes de proximité. Le Colonel Hamani Oumarou, Directeur Régional des Douanes de Tahoua a noté que l’Institution a beaucoup évolué. Autrefois redoutée, elle est maintenant proche des usagers. Il a mentionné que les services douaniers sont en contact régulier avec les principaux acteurs économiques pour discuter des questions actuelles. Il a exprimé son regret concernant l’attitude actuelle de la population locale envers l’administration des douanes, la considérant comme une entité répressive, ce qui rend la tâche des agents sur le terrain très complexe.

Selon Colonel Hamani Oumarou cette fraude très répandue dans la région concerne particulièrement l’essence venant du Nigeria et le gasoil venant de l’Algérie. Il révèle que les acteurs principaux de cette fraude ne sont même pas des Nigériens. Les camions transportant des marchandises au Niger contribuent à ce phénomène. En ce qui concerne les mesures de répression, la région de Tahoua dispose de deux brigades d’intervention et de recherche notamment la brigade de Tahoua et celle de Madaoua. « Nous sommes principalement confrontés au défi du manque de personnel, car nos effectifs sont limités et éprouvent des difficultés à surveiller un grand nombre de sites et à lutter efficacement contre la fraude des hydrocarbures, etc. Il est crucial de noter que la lutte contre ce fléau et l’amélioration de la qualité du travail nécessitent d’importantes ressources humaines et matérielles », a-t-il expliqué.
Le Colonel Hamani Oumaroua a indiqué que ses services organisent souvent des réunions avec les partenaires pour les encourager à soutenir leur pays et à se tenir aux côtés des forces de l’ordre. Il a souligné que certains concitoyens voient les services douaniers comme répressifs et que, sur le terrain, parfois ce sont les villageois qui protègent les fraudeurs au lieu d’aider les forces de l’ordre à les localiser.
Colonel Hamani Oumarou affirme que cette fraude a des répercussions négatives à tous les niveaux, en commençant par la qualité médiocre du carburant qui affecte négativement les véhicules de ceux qui l’utilisent. De plus, cette fraude a un effet négatif sur l’économie du Niger. En utilisant ce carburant, les habitants s’exposent à plusieurs dangers, comme la perte de vies humaines. L’année dernière rappelle-t-il, deux véhicules ‘’hiace’’ remplis d’essence se sont percutés et ont pris feu, causant de nombreux dégâts humains et matériels. « C’est regrettable de constater que des jeunes nigériens s’adonnent à des pratiques malveillantes et non conformes. Ils devraient abandonner ces activités et chercher des emplois. Les mesures répressives et les sentences imposées aux individus coupables de fraude devraient être dissuasives, qu’il s’agisse de la confiscation de biens, d’amendes ou de peines d’emprisonnement, et sont toutes prévues par la loi », a-t-il indiqué.
Les statistiques du carburant saisies par les FDS sont assez parlantes. En janvier 2024, la brigade de recherche et d’intervention de Tahoua a confisqué et remis à la Sonidep 9050 litres d’essence et 5662 litres de gasoil. En février, 9364 litres d’essence ont été confisqués ainsi que 4071 litres de gasoil, et en mars, la brigade de Tahoua a saisi 3109 litres d’essence et 4764 litres de gasoil.
De janvier à décembre 2023, la brigade de Tahoua a confisqué 106 819 litres d’essence et 33 071 litres de gasoil, pour un total de 139 890 litres uniquement pour la ville de Tahoua. D’autres confiscations ont également eu lieu à Konni, Abalak et dans de nombreuses autres villes qui s’efforcent de lutter contre la fraude.
Abdoul-Aziz Ibrahi et Assad Hamadou (ONEP)