Rizière de Liboré du groupement Gakassiney
Dans la commune rurale de Liboré, située tout près de Niamey, les groupements d’intérêt économiques féminins représentent une forme de lutte contre la pauvreté. Ces femmes battantes et engagées dans la transformation radicale de leur situation précaire en véritables opportunités, se rassemblent pour partager leurs connaissances et renforcer leur autonomie socio-économique. Pour cela, elles mettent en commun leurs ressources, leurs idées et leurs expériences pour accroître leurs revenus. Ces groupements de femmes suscitent de l’espoir pour la commune.
Les groupements féminins sont devenus incontournables pour faire face aux défis de développement qui se posent aux femmes nigériennes en général. Cependant, les groupements de femmes en milieu rural doivent toujours surmonter de nombreuses difficultés pour voir le bout du tunnel pour celles qui y parviennent, comme l’ont l’expliqué les femmes de Liboré. Elles ont eu et ont accès à diverses formations dans le domaine de la transformation agro-alimentaire et la fabrication de certains produits. Elles se sont ainsi spécialisées dans la fabrication de certains mets tels que le « dégué » fait à base de mil ; la farine ainsi que des savons et d’autres produits.
Les groupements s’appuient également sur l’achat, le stockage et la vente de produits agricoles tels que le maïs, le manioc, le mil, le sorgho, l’arachide et le haricot. Grâce à la mise en commun des ressources et à une gestion communautaire efficace, ces femmes parviennent à subvenir à leurs besoins, à soutenir leurs familles et à réinvestir dans leurs activités.
Parmi ces diverses organisations, le groupement de Haoua Sounna se distingue. Connu sous le nom de «groupement Gakassiney », il rassemble 27 dynamiques femmes. Celles-ci s’efforcent d’apprendre, de mettre en œuvre leurs connaissances et de récolter les résultats de leur travail, que ce soit dans le maraîchage, la transformation agro-alimentaire ou toute autre activité nécessitant leur intervention. « Dans mon groupement, il y a l’union Alhamdoulilah. Nous nous entendons très bien, il n’y a pas de zizanie. Je m’assure que les gens soient au même pied d’égalité. Nous nous regroupons une fois dans la semaine pour le ‘’tasibanki ‘’ qui est une sorte de tontine qu’on a instaurée. Maintenant avec notre argent, nous achetons du mil, du maïs et du sorgho pour stocker jusqu’à un certain temps au cours duquel les aliments seront rares et on les revend pour avoir des bénéfices », a expliqué la présidente de l’Union Gakassiney Haoua Sounna.

Actuellement le Tiya (mesure locale) du mil se vend à 750f dans le village, mais au niveau du groupement il se vend à 600f. « Nous avons mis notre groupement en place grâce à l’appui d’une ONG qui nous a formées dans la transformation agroalimentaire notamment dans la fabrication du biscuit à base du sésame, du ‘’plumpy Nut’’, de la patte d’arachide (Tigadigué) et plein d’autres produits que nous revendons par la suite », a-t-elle dit.
Avec une force indéniable, une conviction profonde et un courage exemplaire, ces femmes intrépides voyagent d’un département à un autre pour enrichir leurs connaissances à travers des formations et des séances de sensibilisation. Elles se rendent dans des localités comme Say, Tamou, Kollo et d’autres endroits où elles apprennent la fabrication du savon, la production du miel, la transformation de la pomme de terre et la production d’huile et de pâte d’arachide.
Dans la commune de Liboré, elles ont aussi reçu des formations dans la transformation du mil en dégué et autres dérivés qu’elles revendent pour en tirer profit. « Nous ambitionnons, à l’occasion de la journée nationale de la femme qui sera célébrée le 13 mai, de montrer nos compétences et notre savoir-faire à travers l’exposition des produits transformés localement à Liboré. Les invités vont voir tout ce qu’on a appris et mis en pratique et profiter pour en acheter », a-t-elle ajouté.
Elles prennent aussi part à des concours organisés entre départements et groupements car, elles ont la confiance nécessaire pour triompher dans les épreuves. «Récemment j’ai participé à un concours organisé à Say Louga banda. Et j’ai gagné. J’ai reçu un prix de 300 000 FCFA que j’ai injecté dans le groupement pour remplir notre magasin de nouveau stock pour le grand plaisir des clients et pour la bonne marche de notre groupement», a mentionné la présidente du groupement.
«Nous sommes les piliers essentiels du développement de nos communes…»
Dans cette même commune, un autre groupement de femmes fait aussi parler de lui. Il s’agit en effet de l’Union Abori Tonkobangou, qui est d’ailleurs le tout premier groupement à se constituer à Liboré. Avec 24 ans d’existence, cette union a permis aux femmes de bénéficier largement de ses bienfaits grâce au rassemblement. La vice-présidente de l’Union Abori Tonkobangou, Haoua Sounna, a souligné que grâce à la mise en place de cette union, les femmes sont maintenant prises en compte dans les décisions ; leurs voix résonnent partout où leur aide est nécessaire. Que ce soit dans les quartiers ou à la mairie aucune décision n’est prise sans elles. « Nous sommes les piliers essentiels pour le développement socio-économique de nos communes et même du pays. Grâce à nos groupements, nous contributions beaucoup au développement local de notre commune », a fait savoir Haoua Sounna.

Mme Safi Abdou, membre de l’Union Abori Tonkobangou a pour sa part souligné que les femmes de liboré réunies en groupements ou en unions travaillent prodigieusement. Au cours de leur réunion hebdomadaire, chacune des membres doit verser une somme selon ses moyens pour prévenir d’éventuels problèmes financiers. Parallèlement, elles exercent d’autres métiers lucratifs notamment la fabrication du savon et autres. « Nous avons besoin d’aide pour développer nos groupements car, chaque groupement a ses agréments et ses statuts, ses objectifs et ses attentes. À Liboré, les femmes membres des groupements travaillent énormément. Donc, pour reconnaître nos efforts nous souhaitons vraiment de l’aide du gouvernement, des ONG et des bonnes volontés », a-t-elle dit avant de signaler que les petites activités génératrices de revenus qu’elles exercent soit en groupement ou en solo, apportent beaucoup en matière d’autonomisation ou d’émancipation.

«Ces activités nous permettent de mieux nous comprendre entre femmes. Ce qui fait que la cohésion sociale règne à Liboré », a mentionné avec fierté Mme Aissa Hammadou.
Le chemin de la réussite est, cependant, parsemé de défis. Si certaines femmes parviennent à avancer malgré les tempêtes, d’autres, en revanche, préfèrent renoncer et se détourner complètement. Assise sur sa terrasse, Mme Hadiza Abdou tamise soigneusement le son de riz pour séparer le bon du mauvais. Cette ancienne présidente de l’Union des femmes a partagé avec nous son expérience et comment certaines ont abandonné. « Notre union comprenait 47 personnes, nous avons affilié trois groupements pour former une union. Mais aujourd’hui, cette union ne marche plus. Nous nous acquittions de nos versements et nous collaborions ensemble pour nous entraider et subvenir à nos besoins. Mais peu à peu, les membres ont quitté le groupement parce qu’elles voyaient qu’elles ne gagnaient rien comme bénéfice. Alors, j’ai décidé de tout arrêter », a-t-elle narré avec tristesse et désespoir.
Une union qui a existé pendant plus de 20 ans a fermé ses portes parce qu’elle n’a jamais obtenu un financement pour motiver les membres et aller de l’avant. « Nous avons appris beaucoup de choses suite à des formations initiées par la mairie et nous avons même reçu des matériels que nous avons utilisé pour mettre en pratique la théorie. Mais dommage, rien n’a marché et les machines sont jusqu’à présent déposées », a-t-elle ajouté.

Selon les explications de Mme Hadiza Abdou, l’union a débuté ses travaux avec un prêt de 8.000 FCFA remboursables sur un ou deux mois. « Nous avons fait des actes de naissance, sommes parties à la mairie, nous avons été jusqu’à Gouzoubé mais en vain, nous n’avons rien eu. Nous n’avons eu le moindre appui, à plus forte raison essayer de faire de ça un travail » soupire-t-elle. « Ceux qui sont au-dessus de nous prenaient de l’argent et le gardaient pour eux-mêmes. Ils nous demandaient d’amener les papiers pour qu’ils nous remettent de l’argent en retour, mais ça n’a jamais été le cas. Il y avait eu des gens qui étaient allés jusqu’à emprunter de l’argent et prendre les papiers pour amener. Et à la fin, ils n’avaient rien eu en retour », a-t-elle déploré.
Fatiyatou Inoussa (ONEP), Envoyée spéciale
