La carie dentaire constitue un défi majeur de santé publique au Niger. De plus en plus présente chez les Nigériens, cette pathologie est un véritable frein au bien-être des patients, rendant difficile le quotidien de ces derniers. Cette situation s’explique par le manque ou l’insuffisance des soins bucco-dentaires de la population. Selon une étude réalisée en 2021 par le laboratoire Health Sciences and Disease, 223 patients, soit 69,9 % ont présenté des plaques dentaires, 49 patients, soit 15,1 % développaient une gingivite. 201patients (63,6 %) avaient des lésions carieuses, 66 patients (20,68 %) avaient au moins une dent absente pour cause de carie dentaire et 52 patients (15,72 %) avaient des dents obturées. Cette étude a permis de dénombrer 578 dents cariées, 154 dents absentes, et 73 dents obturées soit un indice CAO de la population examinée égal à 2,52. Effectuer au moins une consultation par an chez le dentiste et avoir une bonne hygiène bucco-dentaire permettrait de prévenir les caries dentaires.
Maladie infectieuse non transmissible, la carie dentaire est causée par un déséquilibre au niveau de la cavité buccale lorsque les germes inoffensifs qui se trouvent dans la bouche deviennent dangereux et attaquent, la dent entrainant ainsi la destruction des tissus durs de celle-ci. Ces microbes déminéralisent l’émail et la dentine. Cette maladie évolue en centripète, c’est-à-dire, elle se développe de l’extérieur vers l’intérieur de la dent jusqu’à la pulpe, provoquant des douleurs et un abcès dentaire. Toutefois, l’on peut la prévenir grâce à une bonne hygiène alimentaire et buccale. Elle est aussi curable, voire évitable grâce à une prise en charge à temps.
D’après les explications de la chirurgienne-dentiste, Dr Goukoye Adiza Paraizo, promotrice du Cabinet dentaire du plateau, la carie est une maladie infectieuse de la dent qui est provoquée par des germes (microbes) qui, à l’origine, sont saprophytes, c’est-à-dire qu’ils rentrent même dans la composition des éléments de la bouche telle que la salive. En réalité, « ces germes ne sont pas pathogènes, ils sont non dangereux dans un premier temps pour la bouche. Mais, à l’occasion des déséquilibres au niveau de la cavité buccale, ces germes deviennent dangereux. C’est ainsi qu’ils développent des substances qui attaquent la dent entrainant la destruction des tissus durs, des tissus minéralisés de la dent à savoir l’émail, la dentine, le nerf qui est au centre, etc. De là, il va résulter une cavité, un trou dans la dent », a-t-elle précisé.
La carie est causée par les germes qui sont très nombreux dans la cavité buccale. « A la faveur d’un déséquilibre au niveau de la cavité buccale lié à l’hygiène alimentaire, ces germes acquièrent une certaine virulence pour devenir dangereux pour la dent. Ils se nourrissent généralement du sucre que nous consommons. Ils produisent des acides qui menaceront et attaqueront la dent. Ces germes sont généralement présents dans la plaque dentaire, une couche blanchâtre qui se dépose sur la dent. Cette plaque est collée à la surface dentaire. Lorsque ces germes sont nombreux dans cette plaque, ils attaquent la dent. En somme, une mauvaise hygiène bucco-dentaire et une mauvaise hygiène alimentaire peuvent être la cause de l’apparition de la carie dentaire », explique la chirurgienne dentiste.
Selon Dr Goukoye Adiza Paraizo, lorsque la plaque dentaire reste longtemps dans la cavité dentaire et qu’elle n’est pas détruite par le brossage, elle se transforme en tartre dentaire. « Ce tartre qui est collé à la dent et la gencive provoquera un problème, le parodonte, c’est la parodontopathie. Les caries dentaires et les parodontopathies constituent 80 % des maladies de la bouche », précise-t-elle.
Une maladie centripète
La dentiste explique que la maladie a une évolution centripète, elle évolue de la périphérie vers le centre. « Le but de ces germes (streptocoques et les staphylocoques), c’est d’atteindre la pulpe qui est le nerf, l’appareil vivant de la dent. Le premier élément du tissu qui est attaqué, c’est l’émail, elle est inerte, donc pas vascularisée, opaque et solide, elle forme la protection supérieure de la dent. Cette étape est asymptomatique (pas de douleur), c’est à peine qu’on arrive à déceler une cavité. Elle est appelée carie de l’émail. Si la maladie n’est pas prise en charge, elle évolue vers la dentine, deuxième couche du tissu dur minéralisé de la dent », a-t-elle précisé.
La chirurgienne dentiste a précisé que contrairement à l’émail, la dentine est vascularisée et innervée. D’après elle, lorsque la maladie atteint la dentine, les premiers symptômes apparaissent, notamment la sensation de chaux, de froid et de douleur. L’on parle de la carie de la dentine. « Si la maladie n’est pas prise en charge, elle évolue jusqu’au nerf qui est la pulpe dentaire, l’élément vascularisé et innervé de la dent. C’est celui-ci qui donne la vitalité à la dent. En ce moment, il y aura des très grosses douleurs, en particulier la douleur nocturne. C’est ce qu’on appelle la rage des dents. Cette progression de la maladie est appelée évolution centripète », a-t-elle ajouté.
Dr Goukoye Adiza Paraizo previent que lorsque la dent n’est pas encore traitée, la carie évolue pour provoquer la nécrose, la mort de ce nerf ou putréfaction, puis l’apparition des gaz, ensuite l’apparition d’un accès qui va aller à l’extrémité de la racine de la dent. Une fois arrivé aux racines dentaires, ces germes vont se diffuser au niveau de la mâchoire, provoquant une tuméfaction, un enflamment dans la bouche avec évacuation des pus, ou l’apparition d’une fistule. Si les pus n’arrivent à s’évacuer, il y aura une tuméfaction ou gonflement au niveau de la bouche. L’on parle de complication des voisinages. La carie va, de complication en complication, évoluer dans les tissus de voisinage, provoquer les flegmons, c’est-à-dire les pus qui vont s’infiltrer, puis migrer au niveau des muscles. En ce moment, l’on va assister à plusieurs flegmons ou cellulite. Cette dernière va provoquer des problèmes mécaniques. La situation peut conduire à l’asphyxie, voire à la mort du patient. Une septicémie envahit l’organisme du patient et la mort suivra », a-t-elle expliqué.
Des mesures préventives
En face d’une cavité (trou), le dentiste pose le diagnostic. Il se pose entre autres questions : est-ce qu’on peut récupérer l’innervation de cette dent ? Est-ce que l’infection a atteint le nerf ou entrainé sa mort ? Est-ce qu’elle est allée plus loin ? Si la dent a atteint un stade irrécupérable son extraction est indiquée.
Dr Goukoye Adiza Paraizo a indiqué que la prévention se fait à plusieurs niveaux. Au niveau primaire, « c’est d’adopter des conditions qui font en sorte que la carie n’apparaisse pas dans la cavité buccale. En réalité, tout tourne au niveau de l’hygiène bucco-dentaire. Il faut avoir l’habitude de la bonne hygiène depuis l’enfance. Si l’on acquiert ces habitudes dès le bas-âge, l’on a beaucoup de chance d’éviter cette maladie », a-t-elle ajouté. C’est ainsi que la spécialiste dentaire recommande le brossage de la dent et des gencives, trois fois par jour (après le petit déjeuner, le déjeuner et le diner), d’utiliser une brosse souple, qu’il faut changer régulièrement chaque un à deux mois. « Il faut avoir une pâte dentifrice fluorée car, le fluor joue un rôle important dans la protection de la dent. Il favorise également la reminéralisation (la réparation) des tissues durs de la dent, notamment l’émail, la dentine, le céma qui font partie des parodontes. Je conseillerais l’utilisation du fil dentaire, un fil en soie, qu’il faudrait placer entre les dents pour déloger la plaque dentaire, les résidus alimentaires qui peuvent s’incruster entre les dents », a-t-elle conseillé.
La chirurgienne-dentiste recommande également à la population de consulter régulièrement un dentiste, deux visites par an, de faire l’examen du cadre de la bouche pour essayer de diagnostiquer certaines anomalies ou le début de la carie, d’avoir une hygiène buccale, un entretien de la cavité buccale car, le brossage seulement ne permet pas d’éliminer tous les déchets qui se déposent au niveau de la dent. Ceux qui sont dans la plaque, il faut détartrer la dent et avoir aussi une bonne hygiène alimentaire en évitant la consommation excessive de sucre, c’est un facteur qui favorise la carie.
Selon la dentiste, lorsqu’il y a l’apparition de la cavité au niveau de la dentine, le spécialiste va faire un traitement conservateur qui consiste à nettoyer la dent, faire une obturation permanente de la dent en tenant compte de la profondeur de la carie. S’agissant de certains patients qui consultent chez les tradipraticiens, elle a déclaré que cela est un souci que les professionnels de santé rencontrent au niveau des centres sanitaires. « Au niveau des tradipraticiens, ces patients ne sont pas pris en charge de manière scientifique. D’ailleurs, ces guérisseurs donnent une autre interprétation de la maladie en imaginant des causes infondées. Malheureusement, ces patients finissent à l’hôpital au stade terminal de la maladie. Ainsi, dans les meilleures des cas, il y aura l’extraction de la dent et aux pires des cas on aura des complications régionales avec une extension de l’infection dentaire. C’est pourquoi, nous invitons la population à se faire consulter dans les centres appropriés afin d’éviter ces complications », a-t-elle prévenu.
Dr Goukoye Adiza Paraizo souligne par ailleurs que les prothèses dentaires consistent à réhabiliter la cavité buccale en cas de perte de dents ou de leurs absences. « A la suite de l’extraction ou la chute de la dent, il y aura un déséquilibre au niveau de mastication. Le but de la prothèse, c’est de remplacer ces dents pour avoir un coefficient masticatoire acceptable. Avant de la poser, il faut réhabiliter la cavité buccale sans cela, il y aura un déséquilibre au niveau de la face. Ainsi, le patient ne pourra pas bien broyer les aliments. Cela peut entrainer des problèmes digestifs tels que l’indigestion et la constipation », a-t-il précisé.
Mamane Abdoulaye (ONEP)