Monsieur le ministre, nous sommes en pleine saison des pluies, quelles sont les dispositions qui ont été prises pour accompagner les producteurs au cours de cette campagne agricole ?
Comme vous le savez, l’évaluation de la campagne agricole 2023 a fait ressortir 5 343 villages ayant un déficit céréalier de plus de 50 %, totalisant une population de 7 133 606 habitants. Pour atténuer ce déficit, mon département ministériel a très tôt élaboré et mis en œuvre un plan de soutien aux producteurs afin d’améliorer leur résilience. Aussi, pour permettre aux producteurs de tirer profit de la campagne pluviale 2024, l’Etat a pris des dispositions. Ainsi, 2 170 tonnes de semences subventionnées à 100 % ont été acquises et mises en place au profit des producteurs ; 125 000 tonnes d’engrais minéraux contrôlés ont été mises au marché par les importateurs privés d’engrais ; 11 200 tonnes d’engrais minéraux ont été vendues à un prix subventionné aux producteurs vulnérables. Il y a aussi 86 126 litres de pesticides pour une capacité d’intervention de 115 829 ha qui ont été placés. 136 912 litres de pesticides sont en cours d’acquisition pour un objectif total de 300 000 ha. Par ailleurs 62 000 litres de pesticides pour un potentiel d’intervention de 62 000 ha ont été prépositionnés plus près des aires de reproduction estivale et de grégarisation du criquet pèlerin dans les régions de Tillaberi, Tahoua et Agadez. Enfin un dispositif de suivi des ouvrages et des aménagements hydro agricoles pendant la saison des pluies a été mis en place. Les dispositifs d’appui conseil aux producteurs ont été renforcés avec notamment la formation de 475 brigadiers phytosanitaires.
Vous avez effectué une tournée nationale à la rencontre des éleveurs pasteurs ; quelle est la situation du cheptel quand on sait que la campagne précédente a été également déficitaire en termes de fourrage ?
Effectivement, la campagne pastorale 2023-2024, tout comme la campagne agricole, n’a pas également répondu aux attentes des pasteurs et agropasteurs sur l’ensemble du territoire national. Il ressort un disponible fourrager réel, évalué à 15 937 201 tonnes de matière sèche (TMS) en 2023, pour un besoin estimé de 34 408 510 TMS, soit un déficit de 18 471 309 TMS (53,68 %). Ce déficit impacte directement près de 426 989 ménages pour une population de 2 701 377 éleveurs.
Sachant que la période de soudure est un moment difficile pour les animaux et leurs propriétaires, nous avons jugé utile d’aller à la rencontre des éleveurs, pour non seulement vivre de près les problèmes qu’ils rencontrent, mais surtout pour leur prodiguer des conseils afin de faire face aux effets induits. Sur le terrain, nous avons trouvé une situation du cheptel très critique similaire à celle des années 1974 et 2010. Aussi, la forte concentration des éleveurs au niveau des points d’eau d’abreuvement, l’interdiction de la transhumance transfrontalière par certains pays et l’inaccessibilité à certaines zones suite à l’insécurité ont aggravé la situation sur le terrain. En dépit de toutes ces contraintes, les éleveurs ont fait preuve de résilience répondant ainsi à l’appel du CNSP.
Dans la plupart des régions parcourues, les prix des animaux présentés sur les marchés ont drastiquement chuté. Quant aux cours des autres spéculations (céréales et des intrants zootechniques), ils sont en hausse. Sur le plan de la santé animale, la situation est calme, hormis quelques cas de maladies telluriques déclarées, promptement maîtrisées.
Quelles sont les mesures prises pour soutenir ces éleveurs et leur bétail à surmonter cette période de soudure ?
Durant cette période de soudure et surtout suite à l’important déficit fourrager enregistré, on assiste dans toutes les régions à la rareté des pâturages et aux déplacements intenses des animaux. Ce qui pèse beaucoup sur leur état nutritionnel qui se dégrade tous les jours, avec des signes d’épuisement général. Dans ce contexte, mon département ministériel poursuit les efforts d’accompagnement des éleveurs. Ainsi, 29 953 tonnes d’aliments pour bétail, composés essentiellement du son de blé, de la luzerne enrichie et des aliments composés ont été mises en place pour la vente à prix modéré et la distribution gratuite. 100 broyeurs de tige et autres résidus des cultures ont été mis en place et 515 bénéficiaires ont été formés sur la fabrication de Blocs Multi nutritionnels Densifiés (BMND). En outre, 56 points d’eau pastoraux dans les zones pourvues de pâturages ont été réhabilités ; 12 972 kml de bandes pare-feu ont été réalisés dans les zones pourvues de pâturage, en collaboration avec le ministère en charge de l’Environnement ; 1500 ha ont été aménagés dans le cadre de l’intensification des cultures fourragères. Sur le plan sanitaire, 600 000 doses de vaccins contre le Charbon bactéridien, 500 000 doses de vaccins contre la pasteurellose, 10 760 000 doses de vaccins contre la Peste des Petits Ruminants et 16 000 000 doses de vaccins contre la Péripneumonie Contagieuse Bovine sont disponibles. A cela, s’ajoute l’acquisition et la mise en place des complexes vitaminés et des antiparasitaires aux animaux fatigués pendant la période de la cure salée.
L’édition 2023-2024 de la grande campagne de vaccination a permis d’atteindre un taux de couverture vaccinale de 46,90 % pour les bovins, 66,20% pour les petits ruminants et 29,50% pour les camelins respectivement contre la Péripneumonie Contagieuse des Bovidés (PPCB), la Peste des Petits Ruminants (PPR) et la Pasteurellose Cameline.
L’autosuffisance alimentaire est une des priorités du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie. Quelles sont les dispositions prises pour atteindre cet objectif dans un délai raisonnable ?
Il faut rappeler que depuis l’avènement au pouvoir du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) le 26 juillet 2023, des sanctions injustes ont été prises à l’encontre de notre pays. Cela a eu pour conséquence majeure, l’indisponibilité des produits alimentaires de premières nécessités. Des nouvelles orientations sont dès lors définies dans le livre « Vision du Président du CNSP », mettant l’accent sur la nécessité de la prise en charge endogène du développement socioéconomique du pays.
Les interventions du Ministère de l’Agriculture et de l’Elevage portent les orientations du 3ème axe dudit programme intitulé « Développement de base de production pour la souveraineté économique » qui sont traduites dans la lettre de mission à nous assignée par le Chef de l’Etat. Pour atteindre l’objectif visé, les efforts ont concerné plusieurs effets sectoriels, notamment le développement des chaines de valeurs agropastorales dont les actions majeures retenues sont le développement des productions végétales et animales et la transformation des produits agropastoraux. C’est pourquoi, les efforts de mon département ministériel ont été orientés vers le développement des cultures irriguées, notamment la grande irrigation.
Conséquemment, mon département ministériel a élaboré et met en œuvre le Programme Grande Irrigation (PGI) qui a pour objectif de réduire de moitié les importations de riz au Niger d’ici 2027 principalement. C’est pourquoi il vise l’aménagement de 21 200 hectares supplémentaires de terres et la réhabilitation de 10 000 hectares d’aménagements hydro agricoles existants afin de porter au double les superficies totales des aménagements hydro agricoles (soit 39 700 ha).
Le PGI est financé par l’Etat à hauteur de 128 170 320 000 F CFA pour réaliser 8000 ha de nouveaux périmètres, 3700 ha de réhabilitation et les actions d’accompagnement, à travers le contrat plan pluri annuel entre l’Etat et l’Office National des Aménagements Hydro agricoles (ONAHA). Au titre de l’année 2024, il est prévu dans le cadre dudit contrat, la réalisation de 2000 ha de nouveaux aménagements dans 5 régions du pays ainsi que la réhabilitation dans toutes les régions de dix-neuf (19) autres aménagements hydro agricoles existants totalisant 2000 ha.
Le Programme a été lancé au niveau national le 20 mars 2024 à Niamey et les travaux de réhabilitation ont démarré sur 5 sites dans le cadre du contrat plan dont 4 périmètres irrigués publics totalisant une superficie de 548 ha dans les régions de Diffa (CDA et Lada), Zinder (Kassama), Maradi (Djambali) et Dosso (Sakondji et la digue Gaya – Dolé). Les travaux seront bientôt lancés sur les périmètres de Tiguirwit 1 et 2 (Agadez), Mouléla (Tahoua), Toula (Tillabéry) et Saguia amont (Niamey) totalisant une superficie de 560 ha.
Le financement du PGI est assuré par l’Etat, la Banque Mondiale, la Banque Africaine de Développement, la Banque Ouest Africaine de Développement, la Coopération Italienne, la Coopération Allemande, etc. Le budget indicatif prévu pour la mise en œuvre de ce programme est estimé à environ 520 milliards prenant en compte toutes les composantes.
Dans le cadre spécifique du Programme d’Appui aux Cultures Irriguées et à la Production Animale (PACIPA, financé par la Banque mondiale), il est prévu la réalisation de 5 600 ha de nouveaux aménagements hydro agricoles, la réhabilitation de 2600 ha (AHA) et 9 900 ha de petits périmètres irrigués dont 700 ha de fourrage.
Ainsi, la mise en œuvre de ces actions permettra d’atteindre l’autosuffisance alimentaire. Au-delà de l’autosuffisance alimentaire, nous nous sommes résolument engagés pour la conquête de la souveraineté alimentaire, cela sous-entend, entre autres, la mobilisation des ressources propres et conséquentes ; l’amélioration de l’accès au foncier ; le retour à la terre de la jeunesse et la promotion de l’industrie agroalimentaire.
Réalisé par Siradji Sanda (ONEP)