Maladie chronique non-transmissible, le diabète est, de nos jours, la 5ème cause de morbidité et de mortalité dans le monde avec une progression fulgurante de cas au fil des années. L’OMS indique que le nombre de personnes atteintes de diabète est passé de 108 millions en 1980 à 422 millions en 2014. Pire, le diabète tue 6 à 7 millions de personnes chaque année. Selon l’enquête de l’OMS en 2021 menée au Niger, la prévalence du diabète est de 2,3 %, soit plus de 50 000 patients diabétiques dont bon nombre de ces potentiels patients ignore leur statut.
Au Niger, l’accès aux soins des malades du diabète reste de plus en plus difficile malgré les moyens mis par l’Etat à travers la création de certaines structures qui permettent de mener efficacement la lutte contre cette maladie notamment le Programme national de lutte contre les maladies non-transmissibles, le comité multifactoriel de lutte contre le diabète, etc.
Pour les professionnels de la santé, le diabète est une maladie chronique qui survient lorsque le pancréas ne produit pas assez d’insuline (hormone qui régule la concentration de sucre dans le sang) ou lorsque l’organisme n’est pas capable d’utiliser efficacement l’insuline qu’il produit à cet effet. Il en résulte une concentration accrue de glucose dans le sang appelée hyperglycémie. Est considérée comme diabétique, toute personne ayant une glycémie plasmatique à jeun supérieure ou égale à 1,26g/l de sang vérifiée à deux reprises ; et/ou glycémie supérieure ou égale à 2,0 g/l lorsque le sujet n’est pas à jeun.
Pour mieux comprendre cette pathologie, nous avons requis l’avis de l’expert, Pr. ag Mahamane Sani Mahamane Aminou, endocrinologue, diabétologue et nutritionniste, Chef de service d’Endocrinologie, Diabétologie et Nutrition à l’Hôpital Général de Référence de Niamey. D’après ce spécialiste, il existe quatre catégories de diabète. Il s’agit du diabète de type I, celui de type II, du diabète gestationnel et celui dit secondaire. Et chacune de ces catégories a une cause spécifique. Le diabète de type I, explique le professeur agrégé, survient chez les jeunes qui ont moins de 30 ans et il est lié l’auto-immunité. Ces patients ont des anticorps qui détruisent les cellules du pancréas qui, à un moment, entraînent une insuffisance de sécrétion de l’insuline dans l’organisme. Or, c’est elle qui est l’hormone qui permet d’utiliser le sucre dans l’organisme.
Le diabète de type II non insulino dépendant ou diabète de maturité, survient chez les personnes de plus de 40 ans. Sa cause principale est d’abord génétique donc liée à l’hérédité, puis le manque d’activité physique, l’obésité, les facteurs nutritionnels (alimentation très calorique surtout riche en sucre ou en matières grasses). La troisième catégorie de diabète appelée diabète gestationnel est celui qui survient chez les femmes enceintes. Il est lié aux modifications hormonales pendant la grossesse. La dernière catégorie ou diabète secondaire se manifeste lorsque le sujet souffre de maladies du pancréas, du foie, de maladies hormonales, génétiques ou la prise de certains médicaments (corticoïde orexigène susceptibles d’augmenter l’appétit).
80 % des cas de diabète diagnostiqués sont de type II.
A la question de savoir si l’on peut prévenir la maladie, le spécialiste répond par l’affirmative tout en nuançant que la prévention ne concerne que le diabète le plus fréquent, c’est-à-dire celui du type II, celui lié à notre alimentation, notre mode de vie. C’est un type de diabète à surveiller surtout si l’on sait qu’un membre de sa famille souffre de cette maladie. Aujourd’hui ce type de diabète représente près de 80 % de forme diagnostiquée. C’est pourtant la forme qu’on peut prévenir. C’est pourquoi Pr. Ag Mahamane Sani conseille aux individus potentiellement à risque de procéder à un contrôle de leur alimentation en mangeant des aliments moins caloriques, moins riches en sucre et en graisse. Il est aussi recommandé d’avoir une alimentation équilibrée, variée et riche en légumes et céréales avec modérément des fruits mais aussi de pratiquer une activité physique régulière comme la marche. « Pour le reste des diabètes, la prévention n’est pas garantie, car ils ne sont pas liés à notre mode de vie » a précisé l’endocrinologue.
Multiples conséquences sur la santé
D’après le Professeur, le sucre est un produit nocif pour tous les vaisseaux sanguins. « Quand son taux est élevé dans le corps, il dégrade les vaisseaux sanguins des yeux, des reins, des nerfs, du cœur, des membres inférieurs », explique-t-il. Le sucre, soutient-il, est la cause des complications sur tous les organes. Le diabète peut donc entraîner des troubles de vision voire la cécité, une insuffisance rénale qui peut conduire à la dialyse, une insuffisance coronarienne, cardiaque, une hypertension artérielle. Au niveau des membres inférieurs, le sucre peut boucher les vaisseaux sanguins de ces membres pour donner ce qu’on appelle une ischémie ou diminution du flux sanguin. « La véritable complication du diabète est liée à une interruption de la circulation sanguine au niveau du pied entrainant une infection difficile à combattre par l’organisme. Cela peut mener jusqu’à l’amputation du membre », a-t-il prévenu.
Pour ce qui est des signes et des traitements, il faut souligner qu’on parle de diabète lorsque la glycémie est au-delà de 2 ou de 2,5g/l de sang. Il apparaît certains signes qui permettent aux médecins de détecter la maladie. C’est généralement la polyurie c’est-à-dire une émission d’urine massive pouvant atteindre 10 fois en une nuit ou dans la journée. Il y a aussi la polydipsie, une soif intense ressentie malgré la consommation d’eau. « Le patient se fait perdre de son eau, celui-ci boit fréquemment et ne peut pas s’en passer. Cela provoque un amaigrissement, une perte de poids, de la fatigue et la survenue des infections (des furoncles, panaris, génital, urinaire, de la peau, démangeaisons au niveau des pieds, les troubles visuels). Une analyse permet de confirmer la maladie. Lorsque le taux est supérieur à 1,26 g à jeun alors cette personne est déclarée diabétique », a expliqué Pr. Mahamane Sani Mahamane Aminou
Le diabétologue a prévenu qu’à l’heure actuelle, il n’y a pas de médicament qui permet de guérir du diabète qu’il soit moderne ou traditionnel. « Les médicaments permettent de diminuer le taux de sucre dans le sang. Mais, c’est une maladie dont on peut vivre longtemps avec si le patient respecte les consignes. Les médicaments modernes permettent de stabiliser le taux du sucre. Cela évitera au patient toute sorte de complications s’il prend régulièrement ses médicaments et consulte son médecin », a-t-il martelé.
Ce que doit faire une personne atteinte du diabète
Ce professionnel de santé conseille une alimentation équilibrée, la prise régulière des médicaments pour celui qui souffre déjà du diabète de type II, la prise de l’insuline pour celui qui souffre du diabète de type I, de manger des légumes et certaines céréales, de faire des activités physiques (marche, le foot, la natation de 30 à 45 mn par jour). « Si la glycémie persiste malgré le régime et l’activité physique, il faut prendre des antidiabétiques oraux. Enfin, il faut suivre une insulinothérapie », préconise Pr. Ag. Mahamane Sani Mahamane Aminou.
L’endocrinologue, diabétologue et nutritionniste a fait remarquer que les diabétiques sont souvent des personnes démunies qui vivent avec une maladie chronique dont les soins les dépouillent du peu qu’ils ont. Selon lui, il est souhaitable que l’Etat, vu le taux de plus en plus élevé des cas et le coût des soins, soutienne davantage la prise en charge des malades. Il estime que cela se fera en subventionnant les médicaments, l’accès aux hôpitaux, en réduisant le coût des examens complémentaires à l’instar des autres maladies comme le cancer ou le Sida. Connaissant bien les difficultés, Pr. Mahamane Sani Mahamane Aminou exhorte aussi l’Etat à faciliter les examens et à rendre disponibles les appareils d’autocontrôle glycémique. L’endocrinologue incite surtout la population à privilégier la détection des signes en se faisant dépister, une à deux fois par an, surtout les personnes qui ont franchi la trentaine car assure-t-il, « si la maladie est détectée tôt, elle sera mieux traitée ou prise en charge ».
Il faut noter que le 14 novembre de chaque année est instituée journée mondiale de diabète. Cette journée dédiée exclusivement au diabète est l’occasion pour rappeler les efforts accomplis et les défis à relever, surtout de sensibiliser les malades et les décideurs par rapport à la prise en charge de cette maladie, à faire des plaidoyers pour accentuer la prévention, la mobilisation des fonds pour le financement de la prise en charge et le diagnostic précoce. Cette année au Niger, la journée a été célébrée à travers une randonnée pédestre au centre de la FENIFOOT. La journée est placée sous le signe « l’accès aux soins du diabète ».
Mamane Abdoulaye (ONEP)