Monsieur le Directeur Général, quels sont les domaines prioritaires dans lesquels travaillent les chercheurs de l’INRAN ?
Les recherches menées par les chercheurs de l’INRAN portent prioritairement sur le développement des variétés productives peu sensibles aux changements climatiques aussi bien en ce qui concerne les cultures irriguées que pluviales, la mise au point de techniques de production performantes, l’intensification des productions animales, l’amélioration de la productivité des systèmes agro-sylvo-pastoraux par le biais de l’amplification des pratiques de gestion durable des terres, de la végétation et de l’eau et l’évaluation et le transfert des technologies prometteuses adaptées aux conditions des producteurs et des productrices. Tous les domaines en lien avec le développement agricole sont donc concernés.
Quels sont les résultats auxquels les chercheurs sont parvenus et sur quels terrains sont-ils expérimentés ?
Ils sont nombreux ces résultats. Au niveau de la production végétale des résultats intéressants ont été obtenus en matière de sélection variétale. Il faut, avant tout, noter que la sélection variétale prend en compte les conditions agroécologiques et pédologiques de toutes les régions. Les variétés proposées par l’INRAN concernent toutes les régions. Pour accompagner la sélection variétale il y a aussi d’autres activités menées et qui concernent les pratiques culturales notamment le choix des terrains des cultures, la préparation des sols, l’entretien des cultures, la transformation et la valorisation des produits.
Dans les détails, je peux dire que les chercheurs de l’INRAN ont mis au point des variétés de mil dont les cycles varient entre 65 et 100 jours avec des rendements potentiels de 1 à 3,5 t/ha, des variétés de sorgho avec des cycles qui varient entre 75-90 et 100 jours avec des rendements potentiels qui se situent entre 2 et 5 t/ha, des variétés de niébé avec des cycles qui varient entre 55 et 75 jours et des rendements potentiels qui se situent entre 2 et 3 t/ha. Les six dernières variétés de niébé homologuées ont un rendement potentiel moyen en grain de 1,5 t/ha et de fane qui se situe entre 3,3 et 4t/ha. Nous avons des variétés de maïs avec des cycles qui varient entre 80-90-95 jours avec des rendements potentiels qui se situent entre 2,5-6,5-8,7t/ha, des variétés d’arachide de 80 et 100 jours avec des rendements potentiels situés entre 1,7-2,5- et 3 t/ha et des teneurs en huile de 45 à 53%, des variétés de riz de 120-130-140 jours et des rendements potentiels qui se situent entre 6-8-10t/ha. Quatre variétés de blé ont été testées mais non encore homologuées ; elles ont des rendements potentiels qui varient entre 4 et 4,5 t/ha. Les chercheurs de l’INRAN ont travaillé sur l’adaptation de certaines variétés de pomme de terre au Niger et dont certaines ont déjà été homologuées et d’autres non. Celles qui ont été homologuées ont des cycles de 70-80 et 90 jours et des rendements potentiels de 25 à 35 t/ha. Sur la pomme de terre, nous sommes actuellement, avec l’appui financier de la FAO et technique de la Direction générale du génie rural, sur un projet de production de semence par vitro plants. Nous avons procédé à la caractérisation agro-physio-morphologique et moléculaire des 21 écotypes d’oignon du Niger dont certains présentent des taux de matière sèche très intéressants pour une transformation industrielle.
Dans le domaine de la protection des végétaux des résultats ont été obtenus. Nous avons, en effet, une connaissance fine de certaines maladies et autres nuisibles, qui créent des dommages sur nos cultures. Dans ce domaine, des études ont été menées sur les risques sanitaires liés à l’utilisation des pesticides en cultures maraîchères et des études de la nématofaune associée aux cultures maraîchères. Les résultats sont disponibles. Nous avons même créé au Centre Régional de Niamey une clinique des plantes et lutte contre les ennemis des cultures maraîchères.
Dans la recherche sur les productions animales nos recherches ont abouti à des résultats surtout en ce qui concernent l’alimentation des gros et des petits ruminants. Des formules d’alimentation de la volaille ont été proposées. Il y a des résultats intéressants sur les cultures fourragères parmi lesquels nous pouvons citer le sorgho fourrager, certaines variétés de niébé, d’arachide, de mil, de maïs, différentes variétés de luzerne, la dolique, etc. Les études sur les parcours au Niger nous ont permis de recenser les espèces végétales appétées par les animaux et de les caractériser au point de vue organoleptique.
Toujours en production animale l’INRAN dispose de résultats sur l’amélioration génétique de certaines races ovines, notamment le Koudoum. Nous disposons aussi de connaissances approfondies sur les caractéristiques de certaines de nos races ovine et caprine à savoir les moutons Peulh blanc et Bicolore, le mouton Balami et la chèvre du Sahel.
En matière d’agroforesterie l’INRAN a proposé la régénération naturelle assistée, que vous retrouvez aujourd’hui partout au Niger et même dans la sous-région. Dans le même domaine, les chercheurs de l’INRAN ont proposé des espèces végétales qui sont adaptées pour faire les haies vives. Des résultats intéressants existent sur l’intégration agriculture-élevage et agroforesterie. Les études agro-pédologiques ont permis de proposer des formules efficientes de fertilisation pour plusieurs espèces végétales dans différentes zones agroécologiques.
Nous participons aux analyses des eaux et des sols ; études préalables aux aménagements hydro-agricoles. L’INRAN a contribué à l’élaboration de la carte de la fertilité des sols de la région de Dosso et des aménagements hydro-agricoles situés dans la vallée du fleuve Niger.
Dans le domaine de la transformation des produits des résultats intéressants sont disponibles. Les chercheurs ont réalisé la Caractérisation physico-chimique et technologique des variétés locales et améliorées de mil, de sorgho, de niébé et de l’arachide pour les produits de grande consommation, mis au point des procédés de transformation secondaire et contribué au développement d’équipements adaptés à la transformation des produits.
L’INRAN a mené des recherches pour une meilleure connaissance des systèmes de production ainsi que l’identification des contraintes et potentialités pour la mise au point et la dissémination des nouvelles technologies. Plusieurs évaluations des technologies ont donc été réalisées qui ont permis de mettre en évidence les niveaux et les contraintes d’adoption des technologies proposées. Avec les résultats de ces recherches, des efforts sont en train d’être mis en œuvre pour redynamiser notre Cellule Liaison, recherche, vulgarisation afin qu’elle soit plus efficace à travers le renforcement de la collaboration et de la communication avec les services et structures en charge du conseil et de la vulgarisation agricole. Le recours aux plates formes communales d’innovations fait partie des stratégies pour une adoption plus rapide des technologies.
Il faut aussi noter que l’INRAN compte 58 chercheurs. Ces thèses soutenues constituent une grande base de données de résultats et d’hypothèses de recherche futures. Les chercheurs et les ingénieurs de recherche de l’INRAN interviennent dans les formations diplômantes des universités aussi bien publiques que privées et également dans les instituts et écoles de formations agronomiques.
Il faut noter que les résultats sont le fruit de la collaboration entre l’INRAN et plusieurs partenaires ; de la recherche nationale et internationale, des services techniques de l’Etat, des ONG et des groupements de producteurs.
Les recherches sont conduites dans les cinq centres régionaux de recherche agronomique que compte l’INRAN à savoir Niamey, Kollo, Tahoua, Maradi et Zinder. Ces centres disposent de stations de recherche et des points d’appuis qui permettent de couvrir l’ensemble du territoire nigérien. De plus en plus, nos recherches sont menées en milieu paysan de façon participative avec les producteurs et leur organisation, les ONG et les services techniques d’encadrements.
Les chercheurs de l’INRAN travaillent aussi sur des méthodes viables de transformation et de conservation des aliments. Quels sont les progrès réalisés dans ce secteur ?
Les chercheurs de l’INRAN travaillant dans la transformation et la conservation des aliments mènent des activités qui se concentrent sur la recherche et au développement des procédés en vue d’optimiser, de diversifier et d’innover la transformation alimentaire des ressources agro-pastorales. Ils aident à la conception et l’ingénierie projet, procédé de production, technologies alimentaires, de conditionnement des produits et tests de qualité et de marketing des produits. Ils accompagnent, soutiennent et incubent les jeunes et femmes entrepreneurs des zones urbaines et rurales à travers des centres d’incubation mis en place à travers le pays en vue de les aider à co-créer des produits locaux innovants. Ils travaillent aussi à la caractérisation physico-chimique des produits Agro-Sylvo-Pastoraux et Halieutiques, au contrôle de qualité des denrées alimentaires et, également, à la formation et l’encadrement des étudiants, techniciens, transformateurs et transformatrices.
Depuis l’avènement du CNSP, le Niger fait de l’autosuffisance alimentaire un pilier important de la lutte pour la souveraineté. Quel peut être le rôle de l’INRAN dans l’atteinte de cet objectif ?
Dans la recherche de la souveraineté alimentaire, l’INRAN peut jouer un rôle clé par la mise à disposition des espèces et variétés adaptées à chaque zone, accompagnées de technologies qui permettent à ce matériel d’exprimer au mieux son potentiel génétique.
L’INRAN peut également assurer le renforcement des capacités des différents acteurs dans le domaine agropastoral au niveau des différents maillons des chaînes de valeur et peut aussi accompagner dans la protection des végétaux et dans la politique de l’irrigation lancée par les autorités.
Dans ce domaine spécifique de l’irrigation, l’INRAN peut contribuer dans les études pédologiques, agronomiques et d’adoption, la mise à disposition des variétés adaptées et performantes de différentes espèces en cultures irriguées, dans le renforcement des capacités des organisations de producteurs et de agents des services d’encadrement dans les différents maillons des chaînes de valeur.
Le personnel et les moyens mis à votre disposition sont-ils suffisants pour participer pleinement à l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire du Niger, notamment en ce qui concerne le riz ? Quelles sont vos attentes à ce sujet ?
Les activités de recherche sur le riz sont mises en œuvre à l’INRAN par des chercheurs, ingénieurs de recherche, et techniciens. Ils sont appuyés par le personnel administratif. On note six chercheurs, trois ingénieurs de recherche de différentes spécialités, une technicienne. A ce personnel, il faut ajouter les enseignants-chercheurs dans les universités en particulier celle de Tillabéri, les agents de l’Office national des aménagements hydro-agricoles (ONAHA) et les agents des services décentralisés du de la Direction générale de l’Agriculture (DGA). Des collaborations existent aussi avec d’autres chercheurs qui sont dans les institutions sous régionales notamment le Centre du riz pour l’Afrique (AfricaRice), le CORAF regroupant les systèmes nationaux de recherche agricole, l’Observatoire du Sahara et du Sahel. Même si nous avons encore besoin de jeunes chercheurs au niveau national pour prendre le relais des anciens ; proches de la retraite, les ressources humaines auxquelles l’INRAN peut faire recours sont suffisantes pour mener les recherches sur le riz.
Concernant les moyens financiers, à part la subvention d’équilibre octroyée par l’Etat, la recherche rizicole bénéficie de l’apport financier d’autres institutions. On peut citer le Programme Régional de Développement des Chaînes de Valeurs du Riz : Composante Niger financé par la Banque Islamique de Développement (BID), le Fonds d’adaptation, les projets de développement au Niger. Bientôt, cette recherche bénéficiera des apports financiers du Projet d’Appui à la Recherche Agronomique au Niger pour la Transformation de l’Agriculture (PARAN/TA) qui vient d’être validé en 2024.
Nous attendons le début de la mise en œuvre du PARAN/TA car il s’agit d’un projet complet, né de la volonté des plus Hautes autorités du Niger et qui va financer les activités de recherche proprement dites mais, investira, aussi, dans les infrastructures et équipements de recherche et pour la recherche, les formations professionnelles et diplômantes et appuiera également et surtout le transfert des technologies disponibles au niveau des institutions en charge de la recherche nationale.
Interview réalisée par Souleymane Yahaya (ONEP)