Monsieur le Maire, présentez à nos lecteurs votre entité administrative, la commune rurale de Dirkou
Merci de me donner l’occasion heureuse de parler de notre commune. En effet, Dirkou est l’une des quatre communes du département de Bilma dans la région d’Agadez et dont la ville de Dirkou est le chef-lieu de la commune. Dirkou est située dans un espace géographique entièrement désertique qu’on appelle le Kawar qu’elle partage avec d’autres communes. Elle couvre une superficie de 11.090 km² et est limitée au Nord par la commune rurale du Djado, au sud par la commune urbaine de Bilma, à l’ouest par la commune rurale de Fachi et le département de Tchirozérine et à l’Est par la République du Tchad. La Commune Rurale de Dirkou compte un (1) canton constitué de onze (11) villages et quartiers et deux (2) hameaux. Au dernier recensement administratif réalisé en 2022, Dirkou compte une population d’environ 14.290 habitants répartis dans 2.742 ménages.
Vous avez récemment participé au Salon Professionnel 100% Made In Niger et au cours de votre intervention vous avez parlé de cette zone du Kawar comme l’une des plus méconnues par la population nigérienne, pourquoi un tel constat ?
Le constat est simple. Quand on parle du kawar, les gens pensent à Diffa ou même au Tchad ou à la Libye. Beaucoup de Nigériens maitrisent très peu la géographie et l’histoire du Niger en général et particulièrement celles des zones reculées telles que le kawar et l’Aïr. À l’école, on enseigne aux élèves beaucoup plus des choses ayant trait à l’international qu’à l’histoire ou la géographie nationale, le tourisme interne n’est pas développé étant entendu que le rêve de bons nombres de nigériens, c’est de passer leurs vacances à la côte, jamais à l’intérieur du pays pour découvrir leur propre terroir. C’est dire que les Nigériens n’ont aucune chance de connaitre certaines zones comme la nôtre. Et pourtant, il y a beaucoup à voir et à découvrir. C’est pour ces raisons que pour la 7ème édition du salon 100% Made In Niger, la promotrice a retenu le Kawar comme zone d’honneur. C’est une manière de donner l’opportunité au public de découvrir cette zone méconnue du nord-est nigérien qui couvre à elle seule 1/5 du territoire national et que la nature a doté d’énormes potentialités naturelles, historiques, socioculturelles. Vous avez sans doute suivi le panel organisé le 04 Octobre dernier, le Kawar a sa place réservée dans le 100% made in Niger.
Vous parliez tantôt de potentialités, voulez-vous partager ces potentialités économiques dont regorge cette partie du Niger avec nous ?
Oui, je confirme que nous avons d’énormes potentialités dans le Kawar. De ces potentialités économiques figurent en bonne place notamment la palmeraie. Nous avons en effet près de 300.000 pieds de palmiers dattiers. Nous avons les salines d’où on extrait du sel très prisé et historiquement connu très loin au sud depuis la nuit des temps. Nous avons aussi les sources d’eaux « natronnées » d’où on extrait du natron de qualité. Les produits comme les dattes, le sel et le natron que nous avons exposés au salon 100% Made In Niger constituent la base de l’économie locale. Je dis potentialités parce qu’on exploite assez ces ressources. À côté de ces potentialités, on relève aussi d’autres. C’est le cas du maraichage, de l’élevage et de l’orpaillage. D’autres potentialités qui font la merveille du kawar ne sont pas négligés. Le Kawar a la particularité d’être une zone d’oasis. C’est pour dire que nous avons des sources d’eau et de nombreuses espèces animales ; hélas en voie de disparition. Jusque-là, il n’est pas rare pour les voyageurs de croiser certaines de ces espèces rares en plein territoire que beaucoup croyaient pourtant hostile à la vie. Du point de vue du relief, il y a également des falaises, des belles dunes dE sable fin aux formes changeantes au gré du temps, les forts, les gravures rupestres, les vestiges d’anciennes villes qui constituent une richesse et un patrimoine matériel et immatériel inestimable. A cela s’ajoute la culture des populations autochtones de la zone marquée comme les fêtes de réjouissance, les cérémonies de mariage. Nous avons aussi de très bonnes spécialités culinaires et gastronomiques.
Quelles sont les matières premières extraites qui peuvent aujourd’hui servir de source alternative aux produits importés ?
Belle question d’actualité. Je disais dans une interview que j’ai accordée à une chaine de la place, que le concept ou slogan « Labou Sanni no » sera au complet le jour où les produits du Kawar seront connus et consommés à Niamey. Le Niger importe toutes les céréales, on a du mal à se nourrir. Le projet Kandadji piétine encore, aucune perspective d’autosuffisance alimentaire, etc. Je dis que le kawar offre une alternative, si on le veut bien. Il dispose des vastes terres fertiles où l’eau se trouve à quelques mètres seulement. On pourrait produire toute sorte de spéculation comme le blé, le riz, l’orge, la luzerne pour l’alimentation du bétail, etc. Comme matières premières extraites, il y a le sel et le natron qui sont des produits utilisés dans les industries chimiques et dans l’alimentation humaine et animale bien sûr. Particulièrement, le sel est plus utilisé comme supplément alimentaire pour le bétail. L’État commande à l’extérieur pour plusieurs millions de tonnes chaque année alors que nous pourrons produire sur place. Nous avons demandé que ce fonds destiné à l’importation soit injecté au Kawar. S’agissant du natron ; beaucoup de femmes transformatrices qui produisent du savon par exemple ont déclaré qu’elles commandent à partir du Ghana ou du Nigéria. Avec le nouveau contexte, elles feront leurs commandes à partir du Kawar.
Parlez-nous des politiques mises en œuvre à votre niveau pour promouvoir cette richesse locale extraite par les habitants ?
Pour le sel et le natron, les propositions de solutions tendent vers la mise en place d’un système de warrantage. Il s’agit d’injecter un fonds conséquent pour acheter le produit à un bon prix tout en organisant les acteurs et en y renforçant leur capacité en matière de structuration et de gestion. Il s’agit de créer les conditions de rapprocher les consommateurs des producteurs en éliminant du circuit commercial, les usuriers et autres acteurs nocifs au développement des filières sel et natron. Il faut alors plus de communication à travers la participation à ce genre de rencontre, mais aussi organiser de voyages d’échange d’expériences et de contact entre producteurs et consommateurs. Sur ce plan, la commune voisine de Bilma est avancée. Elle dispose déjà de deux magasins de 200 tonnes chacun à Agadez et à Balleyara. Elle envisage d’en construire au centre et à l’Ouest du pays, notamment à Abalak, konni et Makalondi. À ce sujet, il est important de rappeler que le projet d’appui au développement économique du Kawar (PADEK) a financé une phase test du projet de warrantage. Pour les dattes, les maires du kawar se sont engagés à organiser chaque année au mois de juillet la foire de ‘’datte fraiche’. Les Nigériens vont découvrir la douceur et la saveur de la datte du Kawar 100% bio produite sans aucun grain d’engrais chimique. Les dattes étrangères pourront ainsi être concurrencées et remplacées progressivement. Un travail d’amélioration de la qualité de la datte est en cours. Les producteurs ont acquis 50 appareils pollinisateurs à travers le projet PADEK, des études en vue de moderniser la production, la transformation et l’emballage sont menées.
Toute commune à des défis majeurs auxquels elle est confrontée, donnez-nous des détails par rapport à ceux du Kawar ?
Le premier défi est de faire connaitre le kawar et sa richesse au reste du monde, donc il nous faut une communication forte et permanente sur le Kawar historique, le Kawar géographique, le Kawar culturel ainsi que les ressources naturelles et économiques. Le second défi est d’ordre économique. Nos dattes, sel et natron doivent être mieux vendus. L’État et les partenaires doivent s’y mettre davantage pour l’appui-conseil et l’accompagnement. Le troisième défi est d’ordre administratif et institutionnel. Notre position administrative de département rattaché à la région d’Agadez dont le chef-lieu est situé à 650 km est un obstacle à notre développement. On reste toujours isolé, toutes les missions des partenaires s’arrêtent à Agadez. La seule excuse pour ne pas s’y rendre est la distance. Toute analyse faite, le Kawar doit être la 8ᵉ région du Niger. Cette question sera un des sujets du dialogue initié par les autorités de la transition. Le quatrième défi, c’est de faciliter l’accès au kawar par le butinage au moins des 270 km de l’Air, de réduire la fracture numérique (accès 4G) mais surtout encourager le tourisme interne. Il est clair que la porte d’entrée du Kawar reste le tourisme. C’est pourquoi les documents de planification des collectivités (PDR et PDC) l’ont retenu comme une des majeures actions prioritaires.
Hamissou Yahaya (ONEP)