Considéré dans la société nigérienne comme le garant du savoir et respecté comme tel, l’enseignant jouissait autrefois d’un énorme prestige, ce qui faisait toute la noblesse de ce métier. Cette place spéciale qu’occupaient les enseignants a décliné au fur et à mesure que les années passent, pour de multiples raisons. En effet, ces derniers temps, ces chargés d’éducation sont devenus la cible de leurs propres élèves, ceux-là même à qui ils consacrent leur temps et leur savoir. Une situation plus que préoccupante à laquelle il faut trouver urgemment des solutions durables. Dans cet entretien, M. Laouali Issoufou, Secrétaire général du Syndicat National des Enseignants du Niger (SNEN), évoque la question.
M. le SG, pas plus tard que le mois passé, un enseignant du CES Lazaret a été agressé et blessé gravement par son élève. Quelle est la réaction de votre syndicat face à cet acte ?
Effectivement les violences en milieu scolaire deviennent de plus en plus récurrentes et insaisissables. Pire, maintenant, ce sont des élèves qui s’attaquent froidement à leurs enseignants. C’est triste et c’est déplorable car l’enseignant est pour l’élève, le maitre et aussi le papa.
Qu’est-ce qui est la cause de ces violences exercées sur les enseignants ?
Les causes sont multiples et multiformes. On peut retenir entre autres les réseaux sociaux, l’abandon de nos valeurs et mœurs, la consommation des drogues, la pauvreté.
Comment en est-on arrivé à ce point quand on sait qu’au Niger l’enseignant jouissait d’un certain respect dans la société ?
Pendant le régime du Président Kountché, les enseignants bénéficiaient d’une grille salariale spéciale les mettant à l’abri des petits besoins car, il faut le dire clairement, dans la Fonction Publique nigérienne, en dehors de l’enseignant, tous les autres travailleurs ont ce que l’on appelle les à-côtés, c’est-à-dire les avantages liés à la fonction. Cependant, il y a eu la dévaluation de 100% du FCFA, la grille ordinaire adopté par le président Baaré, l’inflation galopante des produits de première nécessité, la contractualisation de l’éducation avec un pécule dérisoire, etc., certains enseignants sont obligés de faire des cours de renforcement à leurs propres élèves. A cela viennent se greffer le manque de formation des enseignants du secondaire, la perte de plus en plus criarde de nos mœurs et valeurs, le laisser-aller des parents et des autorités….
La mesure d’exclusion contre l’élève auteur de l’acte d’agression prise par le conseil d’établissement de l’école, est-elle appropriée selon vous ?
La sanction n’est pas à mon avis une bonne solution car, cet élève va atterrir dans un autre établissement et continuer ce qu’il a commencé. Il faut chercher la source du problème et agir en toute responsabilité.
M. le secrétaire général, nous avons souvenir d’une agression du même genre qui avait causé la mort d’un enseignant à l’intérieur du pays. Que préconisez-vous pour prévenir ces genres d’actes afin de protéger le corps professoral qui, désormais, fait face dans sa mission à de graves risques ?
Effectivement c’est déplorable ce qui s’était passé l’année dernière dans un établissement de Bouza ou un enseignant a été froidement poignardé par son propre élève pendant qu’il dispensait son cours. Pour éradiquer ce fléau, il faut agir très vite et sans complaisance. Les parents doivent prendre toute leur responsabilité dans l’éducation de leurs enfants, l’Etat doit adopter des textes conséquents en la matière pour réprimander ces actes de violences et mettre à l’abri les enseignants en mettant fin au système de la contractualisation, en révisant les conditions de vie et de travail des enseignants ; et les organisations syndicales d’enseignants doivent renforcer la sensibilisation des enseignants.
Réalisé par Hamissou Yahaya (ONEP)