En football, il n’y a pas d’excuse, car ‘’le ballon est rond pour tout le monde’’. C’est pourquoi, la double défaite du Mena « version féminine » a suscité la colère et l’indignation auprès des amateurs du football au Niger. Cette attitude n’a rien d’étonnant quand on sait que depuis l’avènement du football féminin au Niger, l’équipe nationale a toujours enregistré des échecs à chaque sortie. La dernière sortie de cette équipe pour le deuxième tour des éliminatoires de la Coupe du Monde féminine U17 (zone Afrique) où le Niger a encaissé 22 buts en match aller et retour, reste encore au centre de l’actualité sportive.
Avant ce naufrage du Mena contre les Lioncelles de l’Atlas, les joueuses nigériennes avaient cette triste réputation d’encaisser des scores fleuves. Manque de vocation et/ou d’expérience ? Dans quelle condition les joueuses parviennent-elles à la sélection nationale ? N’est-t-il pas possible de repenser le football féminin au Niger qui peine à s’affirmer ?
Le score très large issu des deux derniers matchs ayant opposé le Niger et le Maroc le 5 et 9 février 2024 au stade municipal de Berkane a provoqué une vague d’irritation notamment sur les réseaux sociaux. Les critiques, les unes plus violentes que les autres, vont dans tous les sens. Certains supporters vont jusqu’à s’en prendre aux responsables de la FENIFOOT.
« Vous ne pouvez pas utiliser ces innocentes et humilier toute une nation. Comme ce sont les responsables de la FENIFOOT qui sont à l’origine de ces échecs, personne n’en parle. Les vrais leaders qualifient leurs pays. Mais ceux de notre FENIFOOT, tout ce qu’ils savent faire, c’est d’assister à des grands événements sportifs et prendre des photos avec les célébrités », déplore Hama Hassane Hamani, acteur du football tout en ajoutant que, depuis plus d’une décennie la fédération n’a enregistré aucune progression.
Parmi les citoyens, certains sont plus radicaux, car ils proposent de mettre un terme au football féminin au Niger. « On peut vraiment se passer de cette affaire de football féminin. On n’a même pas pu redresser pour les hommes on vient alourdir les défaites avec cette équipe féminine », ajoute-t-il.
Malgré ces critiques sévères, certains citoyens saluent le courage, la force, et l’engagement des joueuses nigériennes pour avoir au moins tenté des initiatives. « Il s’agit d’une première pour la majorité de nos joueuses face à une équipe marocaine composée de professionnelles. Certes le score est lourd mais, c’est un début pour ces jeunes filles footballeuses. Reste à tirer les enseignements et à relever le défi pour permettre à ces footballeuses de continuer l’aventure afin qu’elles deviennent des championnes », estime M. Ibrahim Abdou, journaliste et chroniqueur sportif, témoin mécontent des 22 buts à 0 au stade municipal de Berkane. Pour y arriver dit-il, « c’est une responsabilité partagée tant au niveau des parents, des supporteurs, mais aussi de la FENIFOOT et de ses partenaires pour créer toutes les conditions qui permettront à ces filles de jouir de ce droit, à l’instar des garçons. Nous devons être indulgents et patients envers ces filles ».
Selon Mme Moussa Amina, présidente de la Commission du Football féminin de la FENIFOOT, les responsables de la Commission Football féminin sont conscients des difficultés auxquelles la discipline est confrontée. Ainsi poursuit-elle, cette commission a véritablement commencé à fonctionner au Niger en 2018. La principale activité de la commission est de multiplier les initiatives afin d’alimenter les équipes nationales au niveau des différentes catégories. « Depuis 2018, nous essayons de mettre en place le sport féminin. Cette commission gère tout ce qui est développement du football féminin. Nous n’avons que le championnat malheureusement en ce qui concerne le football féminin. Mais la ligue de Niamey organise de temps en temps des tournois pour ces jeunes filles », explique-t-elle.
Sur la même lancée Mme Moussa Amina rejette l’anathème sur les clubs. « On constate une insuffisance de la notion et la pratique du football chez les filles que nous avons au niveau de l’équipe nationale. Normalement c’est un produit fini que les clubs doivent nous fournir. Il faut que les clubs se réorganisent et intensifient le travail. C’est un travail à plusieurs niveaux, les clubs doivent nous donner des filles talentueuses et nous au niveau national on doit peaufiner et renforcer leurs capacités à être aptes ».
Intégrer le foot dans les programmes d’EPS
Toutefois, pour pallier le problème, la commission de football féminin de la FENIFOOT envisage des initiatives. « Nous sommes en train de voir comment nous allons développer ce football. En ce sens justement nous avons programmé pour cette année, de doter 10 collèges de la capitale avec des ballons pour que ces écoles puissent amener les filles à pratiquer le football. Peut-être, nous allons avoir la possibilité d’identifier des jeunes filles qui vont aimer cette pratique et avoir des équipes et des clubs compétitifs », dit-t-elle.
La présidente de la Commission de Football féminin de la FENIFOOT propose également d’intégrer le foot dans les programmes d’Education Physique et Sportive (EPS) pour permettre aux jeunes filles de jouer au foot depuis l’école primaire et au collège. « Comme on fait d’éducation sportive on peut trouver un créneau pour faire du football en organisant des compétitions, etc. Il faut aussi sensibiliser la population sur cette pratique car nous sommes dans une société traditionnelle. Ce n’est pas facile de laisser une jeune fille jouer au foot. Aussi, ces équipes que nous rencontrons ont plus de 10 ans d’expériences. Le Maroc a commencé le football féminin depuis 2008. Ils ont des équipes en 1ère et 2ème division. Au lieu de nous aider à amener plus de fille à jouer, les gens nous critiquent. On ne peut pas nous comparer à ces nations », a notifié la présidente avant de préciser qu’au niveau de la FENIFOOT, le président Pélé est en train de voir comment amener la pratique du foot chez la jeune fille à la base. Car a-t-elle justifié, tant qu’il n’y a pas de compétition à la base il serait difficile d’évoluer dans le sens du développement du football féminin.
En effet, Niamey, la principale région qui alimente l’équipe nationale ne dispose pas assez de clubs de foot féminin. Le samedi 24 février 2024, nous nous sommes rendus au centre technique de la FENIFOOT où se tiennent les tournois du foot féminin entrant dans le cadre de la célébration de la Journée Internationale de la Femme (prévue le 8 mars) dont la phase finale de la compétition regroupera huit (8) clubs, notamment la GNN, Atcha, l’AS FAN, Korombé, Wad-Rak, Awaff s’affrontent en présence de Mme Garba Rahama, présidente du football féminin région de Niamey.
A ce niveau, il faut préciser que cette compétition concerne uniquement la région de Niamey. Elle est une occasion pour les sélectionneurs d’identifier les meilleures joueuses. Dans cette optique, M. Maïmoussa Maïna, entraîneur et sélectionneur régional du football féminin région de Niamey suit les matchs avec attention. « Notre mission est de mettre en place des équipes régionales de diverses catégories. Actuellement on est en train d’avoir une équipe dont les catégories ne sont pas divisées. Mais au fil du temps, on va essayer de mettre des catégories inférieures, notamment les U13, les U15, les U17 et les séniors pour apporter une solution à l’équipe nationale ».
« Je vous dis et répète, les 11-0 vont finir à partir de cette année »
L’objectif, a expliqué l’entraîneur, c’est de faire en sorte que l’équipe nationale arrive à avoir de bonnes compétitrices. « On n’a pas besoin d’aller ailleurs pour chercher des joueuses. L’année passée nous avons eu à organiser le championnat et nous avons pu détecter des joueuses talentueuses. Maintenant cette équipe est en place. Et il y a un tournoi en cours qui constitue une occasion pour nous de procéder à une sélection de qualité », affirme le sélectionneur.
Contrairement à ce que certains pensent, M. Maïmoussa Maïna constate une progression dans l’évolution du football féminin. « Moi je vois une progression, même si, par ailleurs, elle n’est pas satisfaisante. On a des joueuses qui peuvent faire mieux que ce qu’on a vu et on va se mettre à travailler pour rehausser le niveau pour que nos ambassadrices fassent des meilleures compétitions. Prochainement on va aller pour gagner nous aussi. Si vous partez à l’équipe nationale il y a jusqu’à trois niveaux. Alors, si vous avez ces catégories au niveau régional, ça va faciliter la sélection nationale et permettre d’avoir des équipes compétitives qui vont représenter le Niger valablement. On veut redynamiser l’équipe nationale afin de bien l’alimenter, car Niamey est l’ossature de l’équipe Nationale. On va encore travailler dans l’optique de permettre à l’équipe nationale d’évoluer et d’être l’équipe que tout le monde attend », affirme avec détermination et optimisme le sélectionneur.
M. Maïmoussa Maïna rejette toutes excuses pour justifier les défaites des joueuses nigériennes du football. Il accuse les clubs de ne pas fournir assez d’efforts en termes d’encadrement et de formation. Cela, en faisant référence à l’équipe de l’Afrique du Sud qui a participé à la CAN 2023-2024 de la Cote d’Ivoire, composée de 8 de ses joueurs qui jouaient dans le championnat de leur pays. Selon lui, les clubs ne travaillent pas. Tout le travail repose sur l’équipe nationale.
« C’est le football, on me dit qu’on a joué avec une équipe plus expérimentée que nous qui a des joueuses professionnelles… je dis non ! Dans les clubs, on ne travaille pas concrètement comme il se doit. S’il vous plaît essayons de travailler. Les filles doivent être mises dans les mêmes conditions de travail que les garçons. Si on veut réussir on doit travailler dans les clubs, cela va faciliter les activités au niveau régional et national. C’est une chaîne, un travail à plusieurs niveaux. Que les gens se tranquillisent on est là pour relever un défi afin d’amener le football féminin au haut niveau », a-t-il dit.
Les difficultés majeures relevées par les acteurs relativement au football féminin, notamment chez les seniors où le public attend un résultat positif, c’est la question des mariages. « On perd nos joueuses un peu plutôt. Dès qu’une fille se marie, c’est fini elle arrête de jouer au football ! C’est la situation de la plupart des joueuses en plein essor et qui commencent à briller », a reconnu le responsable d’un club de Niamey. Une problématique à prendre en compte pour mettre fin aux scores fleuves lors des championnats. N’est-t-il pas indispensable de renforcer les clubs et se focaliser sur les moins jeunes ?
Abdoul-Aziz Ibrahim (ONEP)