Le vendredi 30 août 2024, en quelques heures, voire quelques minutes par endroit, les fortes pluies qui se sont abattues sur la région de Maradi ont laissé pleurs et désolations derrière elles. Plusieurs quartiers de la Ville de Maradi ont été en partie détruits avec des blocs entiers d’habitations ensevelis par du sable charrié par les eaux. Et des infrastructures sociales ont été sérieusement endommagées. Mais avec la prompte réaction des autorités régionales et d’autres bonnes volontés pour organiser les secours et déployer le mécanisme de soutien, la capitale économique du Niger montre les signes d’une résilience assumée.
Plusieurs jours après le sinistre, l’ampleur de la furie des eaux ayant laissé une empreinte indélébile est encore visible dans les quartiers traditionnels et certaines zones périphériques de la ville : des routes coupées, des caniveaux emportés ou ensevelis, des conduites d’eau potable endommagées ou dénudées, et aussi des perturbations dans la fourniture de l’électricité. Une semaine après les fortes pluies, on retrouve fréquemment des tricycles de transport urbain et des véhicules tombés en panne en plein milieu des marres qui se sont formées sur des routes bitumées, les artères de la ville au niveau des carrefours.
Les chiffres qui ne cessent d’évoluer donnent le tournis. A la date du 4 septembre 2024, M. Mamane Bachir, Directeur Régional de l’Action Humanitaire et de la Gestion des Catastrophes estime les dégâts à 25 660 ménages sinistrés, soit 206 096 personnes affectées et 25 767 maisons effondrées. Outre les infrastructures sociales et les personnes durement touchées, il révèle qu’à la même date 131,41 hectares de champs sont déclarés inondés sans oublier des pertes de bétail.
La soudaineté des pluies torrentielles du 30 août dernier, intervenues en pleine nuit, a mis à rude épreuve le dispositif de secours déployé par les services régionaux compétents. Mais, la sortie spontanée sur le terrain des autorités administratives et coutumières conduites par le gouverneur de la région a réveillé l’instinct de volontariat chez des centaines d’habitants qui se sont joints aux services de secours pour aider. « On a eu d’abord à secourir les victimes, le jour même des inondations. On a évacué beaucoup de familles sinistrées … Actuellement, nous sommes à la phase de la relocalisation de ces sinistrés », a fait savoir capitaine Ganda Abdoul Aziz, Commandant du Groupement Régional d’Incendie et de Sécurité et Commandant Régional de la Protection Civile.
Dans une école primaire du quartier Bagalam, un des quartiers les plus meurtris par les pluies torrentielles, plusieurs centaines de femmes et d’enfants s’affairent devant les classes et dans la cour de l’école. Abou Haladou est venue à notre rencontre, accompagnée de ses quatre enfants qui vivent désormais avec elle dans l’école. « Mon mari est décédé dans les inondations », dit-elle, la tristesse sur le visage avant de s’attarder sur la gêne qu’elle éprouve de partager une salle de classe avec une cinquantaine d’inconnus. Elle, insiste-t-elle, qui « a donné la vie 10 fois, avec 8 de ses enfants qui sont vivants ».
Des quartiers entiers défigurés
Le quartier de Soura Bildi, au cœur de la ville de Maradi, ressemble à une zone de guerre par endroits, une semaine après les inondations. Plusieurs routes construites lors de la fête tournante de l’indépendance que la région a accueillie en 2015, sont devenues impraticables à cause de l’apparition de cratères de plusieurs mètres de profondeur. Sous les fondations dénudées d’une maison en partie emportée par les eaux, des enfants jouent à escalader le cratère creusé dans le sable malgré les rappels à l’ordre des parents et des aînés du quartier.
A 200 mètres de là, Elhadj Chitou Oumarou monte la garde devant un tuyau de canalisation d’eau dénudé. Il essaye d’empêcher aux enfants du quartier de s’en approcher jusqu’à ce que le tuyau soit ré-enfoui sous terre par les services compétents de la Nigérienne Des Eaux. Ce conduit qui traverse la route, du moins ce qu’il en reste, sert à alimenter sa concession en eau potable. « Il y a 5 ans de cela, j’ai dû acheter de ma poche plusieurs mètres cubes de sable et de latérite pour remblayer ce site. Mais cette année, je ne dispose pas d’autant d’argent pour reprendre le remblai », se désole-t-il devant le petit groupe d’habitants qui s’est formé autour de lui pendant l’interview.
Même scène de désolation aux quartiers Bagalam et Zaria1 (à côté de la mosquée Tiana : des maisons effondrées, des routes détruites et des murs de clôture emportés. Dans le quartier Maza Da Jika, les eaux ont enterré des maisons entières sous une couche de sable. En amont de la partie sinistrée du quartier, maître Boubacar et ses voisins d’infortune ont réussi à piéger une quantité d’eau de ruissellement, créant ainsi une marre artificielle au-dessus de Maza Da Jika. Avec des sacs remplis de sable, ils arrivent à créer une cascade artificielle pour vider à un rythme contrôlé l’eau qui s’y trouve emprisonnée. Ce qui contribue à limiter la ‘’casse’’ dans le quartier.
Des actions pour soutenir les personnes sinistrées
Le directeur régional de l’action humanitaire et de la gestion des catastrophes s’est dit entièrement satisfait des dispositions qui sont en train d’être prises dans le cadre de la prise en charge des personnes sinistrées de Maradi, notamment par l’Etat « qui n’a pas ménagé ses efforts pour vraiment soutenir ces victimes des inondations et aussi les partenaires qui ont répondu à l’appel des autorités pour accompagner la politique de l’Etat dans la gestion de la situation ». Dès les premières heures, les autorités ont porté assistance aux personnes sinistrées à travers des opérations d’évacuations, de distribution de kits alimentaires et non-alimentaires, des propositions des lieux d’hébergement et la prise en charge médicale gratuite dans les centres de santé publics pour l’ensemble des victimes.
Pour le capitaine Ganda Abdoul Aziz, c’est surtout la promptitude de la réaction des autorités aux niveaux national et régional qui a permis de surmonter certaines difficultés. « Avec la volonté des hautes autorités, avec le gouvernement du CNSP qui nous ont dotés en tentes, vivres et bien d’autres articles, il y a aussi les autorités locales de la région de Maradi qui sont en train d’œuvrer pour un peu accompagner le gouvernement dans ses activités d’appui aux sinistrés », souligne-t-il.
Sur le site du centre de transit de la direction régionale de la protection de l’enfant, les volontaires s’affairent à dresser des tentes fournies par l’Etat pour accueillir les sinistrés qui sont provisoirement logés dans des écoles de la ville. Côte à côte, des sapeurs-pompiers, des militaires et des volontaires de la Croix Rouge travaillent dans une ambiance bon-enfant. Le site dispose déjà du minimum requis pour son fonctionnement. Dans une seconde phase, laisse entendre Capitaine Ganda Abdoul Aziz, d’autres sites déjà identifiés pourront accueillir plus de personnes sinistrées au besoin.
La mobilisation populaire et le rôle de l’OPVN dans la gestion des stocks
Après le 30 août, les leaders religieux et les religieux ont multiplié les prières et invocations en faveur de la quiétude sociale et la résilience de la région et du pays. Ils ont également appelé les plus aisés à soutenir les personnes affligées par ces inondations sans précédent. Suite à cet appel, de nombreuses personnes ainsi que des sociétés ont mobilisé des ressources pour soutenir le plan de riposte mis en place.
Elhadj Amadou Komma Bagobiri, l’un des premiers natifs de la région à avoir apporté sa contribution, demande à ceux qui peuvent contribuer de se mobiliser davantage. « Les gens doivent sortir et apporter leurs dons car, les victimes des inondations sont dans le besoin. Peu importe ce que tu peux contribuer, ce n’est pas petit. Aussi, ce n’est pas seulement avec de l’argent que les gens peuvent contribuer. Les dons en nature sont également appréciés par les victimes », précise-t-il.
La mobilisation populaire, couplée à la politique de gestion des crises initiées par les autorités, ont permis à l’Office National des Produits Vivriers du Niger (OPVN) de jouer un rôle central dans la gestion de la crise. Aussitôt les dons privés officiellement réceptionnés, les articles en nature sont envoyés provisoirement dans les magasins de l’OPVN pour y être stockés. Ce qui permet de faciliter le contrôle sur les distributions de l’aide, en plus de l’important tonnage de céréales mis à la disposition des personnes sinistrées par l’Etat.
L’agence régionale de l’OPVN de Maradi est ainsi transformée en un véritable quartier général de centralisation des stocks destinés à la gestion de la crise des inondations. Le samedi 7 septembre 2024 à 10h, M. Aboubacar Yamba a déjà passé plusieurs heures au bureau pour mettre à jour les inventaires des stocks, avant de tenir une séance de travail rapide avec le directeur régional de l’action humanitaire et de la gestion des catastrophes. Des camions de l’OPVN et des arrondissements communaux chargent des sacs de céréales, conformément aux orientations données par le CNSP pour que les victimes puissent être soulagées rapidement d’une partie de leurs fardeaux, en attendant qu’elles soient regroupées sur le site d’hébergement retenu.
Alors que le ciel se couvre chaque jour de nuages menaçants, les autorités régionales rappellent à la population les règles de sécurité à suivre. « Notre cri d’alarme, c’est de dire à ces gens de quitter les zones inondables et aussi, en fonction l’état de sa maison, de juger utile de ne pas y rester pendant des périodes où il pleut ; et également on essaye, à travers des messages qu’on envoie par le réseau mobile, de donner des consignes à la population. Les respecter peut sauver des vies et diminuer le nombre de cas de désastres et de sinistres comme on l’a vécu », insiste le capitaine Ganda Abdoul Aziz, Commandant du Groupement Régional d’incendie et de Sécurité et Commandant Régional de la Protection Civile à Maradi.
Souleymane Yahaya (ONEP), Envoyé Spécial