Le Centre Culturel Franco-Nigérien de Zinder a organisé le week-end dernier une Conférence dans le cadre de la célébration de la journée mondiale de l’abolition de la peine de mort. Cette rencontre a drainé un monde impressionnant d’étudiants, d’enseignants- chercheurs, de professeurs de Collèges et de leurs élèves et des chefs traditionnels. Elle a été conjointement animée par trois magistrats dont le Vice-président de la Cour d’Appel de Zinder, M. Abdoul Moumouni Hamidou, M. Harissou Moussa Boubacar, Secrétaire Général de la CNDH et M. Boubacar Madou Niandou, Conseiller à la Cour d’Appel de Zinder.
La Première Communication développée par le Vice –Président de la Cour d’Appel avait porté sur ‘’l’interdiction de la peine de mort comme norme internationale en matière de respect du droit à la vie’’.
A titre de rappel historique, il convient de relever que dès le XIXème siècle, de nombreux pays d’Amérique Latine avaient opté pour l’abolition de la peine de mort. C’est ainsi qu’en 1863, le Venezuela interdisait dans son droit interne la peine capitale. Il était d’ailleurs immédiatement suivi par la plupart des pays latino-américains.
Par ailleurs, le droit humanitaire a posé, sur le plan mondial, les premiers jalons de l’abolition de la peine capitale dès 1949. C’est ainsi que la Convention de Genève de 1949 relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre interdit d’appliquer la peine de mort aux mineurs de moins de vingt ans.
Pour le Conférencier Abdoul Moumouni Hamidou, les ’’ arguments généralement avancés pour justifier l’abolition de la peine de mort, reposent essentiellement sur des fondements juridiques liés à la sauvegarde des droits et libertés fondamentales de la personne humaine, auxquels s’ajoute un constat d’ordre criminologique.’’
Le premier argument invoqué contre la peine de mort est que cette dernière porte une atteinte grave au droit à la vie. Or ce droit est non seulement garanti par les Constitutions nationales (Article 12 de la Constitution nigérienne), mais aussi par les principaux instruments internationaux relatifs à la protection des droits (articles 3 de la D.UD.H) 6 du PIDCP, 4 de la CADHP, 5-1 de la CIDE, 5 de la CADBE). En effet, le droit à la vie est un droit universel, inconditionnel et imprescriptible.
Le deuxième argument juridique invoqué a-t-il dit est que la ‘’liberté inhérente à la nature humaine ne peut s’accommoder du pouvoir absolu, accordé à un être humain, de décider, de manière irrémédiable, du sort de son prochain, fut-il criminel.
A cet égard, l’abolition de la peine capitale constituerait un progrès considérable dans le sens de la consolidation des libertés et du progrès du droit’’.
Le troisième argument juridique qui est opposé à la peine de mort est qu’il s’agirait d’une peine cruelle, inhumaine et dégradante. Or ce type de peine est banni formellement par de nombreux instruments juridiques internationaux (articles 5 de la DUDH, 7 du PIDCP ; 5 de la CADHP, 37 –a de la CIDE, 17-2 de la CADBE).
Enfin, à ces différents arguments invoqués à titre de fondements juridiques, pouvant légitimement justifier l’abolition de la peine de mort, s’ajoute un constat d’ordre criminologique.
En effet, les défenseurs de la peine de mort mettent généralement en avant son soi-disant caractère dissuasif, qui serait de nature à faire baisser la grande criminalité.
Les études criminologiques n’ont pas établi, jusqu’ici, une quelconque corrélation entre l’évolution de la criminalité et la peine de mort.
La Chine et les Etats-Unis n’ont pas aboli la peine de mort. L’instrument juridique international interdit, somme toute, l’application de la peine de mort.
‘’La peine de mort est une sanction qui consiste à donner la mort à quelqu’un. Les fautes les plus graves pour lesquelles la peine de mort peut être prononcée par les juridictions lorsque les personnes sont reconnues coupables sont relatives aux crimes de guerre, au génocide, à l’atteinte à la sureté de l’Etat, au meurtre, au crime d’empoisonnement, au vol suivi de viol, au vol de bétail suivi de viol avec usage d’armes à feu au terrorisme, à l’assassinat, au crime de parricide ’’, a expliqué M. Niandou Boubacar Madou, Conseiller à la Cour d’Appel de Zinder.
La peine de mort a été pour la première fois appliquée au Niger en 1976 sous le régime militaire du Général Seyni Kountché où sept militaires ont été exécutés suite à une tentative du renversement du pouvoir.
Depuis 2013, au Niger, tout condamné à mort observe sa peine commuée ou remplacée par l’emprisonnement à vie ou une peine allant de 10 à 30 ans en bénéficiant de la grâce présidentielle.
Il ‘’ya des avancées et des obstacles qui sont dressés vers l’abolition de la peine de mort au Niger du fait de certains comportements,’’ a fait remarquer le magistrat Niandou Boubacar qui indique par ailleurs que la peine de mort est une négation du droit à la vie.
La Convention internationale sur les droits de l’enfant interdit l’application de la peine de mort chez les mineurs de moins de 18 ans et les femmes enceintes.
Le Niger, a-t-il rappelé a signé un certain nombre de conventions internationales notamment la Charte Africaine des Droits Humains sur l’inviolabilité de la personne humaine.
Le Secrétaire Général de la Commission Nationale des Droits Humains, M. Harissou Moussa Boubacar a entretenu les participants à la conférence sur le rôle et le fonctionnement de son institution qui a comme mission principale de veiller à la protection et la promotion des droits de l’Homme en général et des droits des couches vulnérables, notamment les femmes, les enfants, les personnes âgées et handicapées en particulier, sur l’ensemble du territoire national.
La CNDH est une Institution Constitutionnelle qui est chargée de veiller à l’effectivité des droits consacrés dans la Loi fondamentale et les instruments juridiques régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme. La CNDH, rappelle-t-on, a pour mission de recevoir les plaintes et de diligenter des enquêtes sur les cas de violations des droits humains. Elle dispose des pouvoirs d’investigations les plus étendus sur toutes les questions relevant des droits humains. A ce titre, elle reçoit les plaintes des victimes, de leurs ayants droits, des associations et organisations non gouvernementales des droits humains et de toute personnes physique ou morale intéressée, les dépositions des témoins et les déclarations des présumés auteurs. Les participants à la Conférence ont posé des questions d’éclaircissements se rapportant à la suppression et ou au maintien de la peine de mort(les avis sont partagés) ou bien encore, les auteurs de détournements des fonds au Ministère de la défense sont-ils passibles de la peine de mort après leur jugement. Le Vice –Président de la Cour d’Appel de Zinder estime que l’application de la peine de mort est suspendue au Niger car des mesures de grâce présidentielle sont accordées à l’endroit de cette catégorie de condamnés.
Sido YacoubaANP-ONEP Zinder