
Dr Jamila Soli
On estime en général qu’un adulte sur trois présente des symptômes liés à la maladie hémorroïdaire (wayno, ou dankanoma en langues nationales) au moins une fois au cours de la vie. Cette maladie touche aussi bien les femmes que les hommes. Cette maladie gênante pour le patient peut être très douloureuse avec le risque de s’amplifier au fil des mois si rien n’est fait pour la soigner.
Docteur Jamila Soli, spécialiste en Gastroentérologie à l’Hôpital Général de Référence de Niamey, définit les hémorroïdes comme des structures vasculaires de l’anus présentes chez les individus et cela dès la naissance. Elle explique que ce sont des éléments anatomiques normaux, présents sous la forme de petits lacs sanguins reliés à des vaisseaux artériels et veineux. Ils sont maintenus en place par du tissu conjonctif de soutien. Les hémorroïdes jouent un rôle dans la continence anale et notamment la continence fine (aux gaz et aux selles liquides). On distingue habituellement les hémorroïdes internes situées à l’intérieur de l’anus et les hémorroïdes externes situées autour de l’anus visibles uniquement en cas de complications.
Couramment appelée « hémorroïdes », la maladie hémorroïdaire est un gonflement et/ou une inflammation des hémorroïdes. Selon les explications de Dr Soli, c’est une maladie qui se manifeste par une gêne au niveau de l’anus, pouvant par moment devenir douloureuse, notamment lors ou après l’émission des selles, par des démangeaisons, une sensation de brûlure, des saignements, ou encore une boule (appelée prolapsus ou procidence) qui s’extériorise par l’anus. »
Cependant, prévient Dr Soli, « aucun de ces symptômes n’est strictement synonyme de maladie hémorroïdaire. Il est toujours utile de consulter un médecin qui posera un diagnostic après un examen approprié. »
Il reste que cette maladie peut entraîner des crises douloureuses lors de l’inflammation et la dilatation excessive des veines hémorroïdaires autour de l’anus. « La constipation en est la principale cause car elle entraîne des efforts de poussée répétés pour l’évacuation des selles, ou au contraire la diarrhée à répétition », ajoute le médecin.
Parmi les causes de la maladie hémorroïdaire, Dr Soli a classifié également l’obésité, le surpoids et le manque d’exercice qui constituent aussi des facteurs favorisants. On peut également noter parmi les facteurs de la maladie, la position assise prolongée ; la sédentarité et la grossesse. Elle indique qu’une alimentation pauvre en fibres et une hydratation insuffisante provoquent le durcissement des selles, et rendent leur évacuation problématique. Certains sports spécifiques comme le cyclisme, l’équitation ou encore l’haltérophile ont aussi été incriminés. « Le mode de vie et certaines habitudes alimentaires peuvent jouer un rôle dans la survenue des crises. Il s’agit des aliments épicés, le café, le thé et l’alcool », a-t-elle ajouté.
Selon la spécialiste de la maladie, les principales complications sont la thrombose hémorroïdaire, le saignement et le prolapsus. « La thrombose se définit par la formation d’un caillot de sang à l’intérieur des hémorroïdes. Elle peut être externe ou plus rarement interne et reste la seule complication possible des hémorroïdes externes. Les saignements sont habituellement indolores et surviennent lors de l’émission des selles. Le prolapsus hémorroïdaire, également appelé procidence, est une extériorisation intermittente ou permanente des hémorroïdes internes. »
Dr Jamila Soli indique que le traitement de la maladie hémorroïdaire se fait selon quatre modalités, en fonction de la gravité de la maladie, à savoir : les mesures d’hygiène de vie (bonne hydratation, une alimentation équilibrée riche en fibres et une activité physique régulière), les traitements médicamenteux (l’usage de médicaments par voie orale ou traitement local par crèmes/suppositoires), les traitements instrumentaux (photo coagulation infrarouge, ligature élastique) et la chirurgie.

On constate que de nombreuses personnes souffrent d’hémorroïdes mais peu en parlent ou se rendent dans les lieux de soins modernes. Soit parce que les hémorroïdes sont considérées comme une maladie gênante ou honteuse, soit parce que les malades préfèrent souvent se soigner par la médecine traditionnelle. A titre d’illustration, la spécialiste confie qu’à l’Hôpital Général de Référence (HGR) de Niamey la maladie hémorroïdaire représente 9% des consultations spécialisées en gastroentérologie sur le trimestre Avril-Juin 2024 (42 consultations pour maladie hémorroïdaire sur un total de 484 consultations). « Mais cette fréquence est très probablement sous-estimée car les malades consultent également dans d’autres services et en médecine générale », a-t-elle précisé.
La médecine traditionnelle constitue un recours important de la population (surtout de sa catégorie la plus pauvre). Madame Aichatou, praticienne de cette médecine, domiciliée au quartier Zongo explique que pour traiter la maladie hémorroïdaire, les tradipraticiens se servent de composants (feuilles, écorces, racines) de plusieurs plantes qu’ils préparent dans des marmites. Les patients consomment les décoctions ainsi préparées pendant des jours déterminés selon le degré de gravité de la maladie. Le dosage est d’un verre le matin et un autre le soir. « Nous associons ce traitement à l’huile de noix de palme que le patient doit passer sur l’anus à l’aide un coton tige et au bout du traitement (qui dure en général trois jours), la plupart des patients guérissent », a affirmé Mme Aichatou.
Madame Rabi, une patiente rencontrée chez la tradi-praticienne, souffre de la maladie hémorroïdaire. « Cela fait plusieurs mois que je souffre d’hémorroïdes, mais ce sont ces dernières semaines que je constate que la maladie s’aggrave, car j’ai commencé à voir des saignements quand je vais aux selles et à cela s’ajoute une douleur atroce au bas du dos. », explique la dame. M. Idrissa, un tailleur rencontré explique son quotidien avec les crises hémorroïdaires. « Au début je souffrais d’un mal de dos atroce et comme mon métier me pousse à rester dans une position assise presque toute la journée je me suis dit que c’est forcément ‘’wayno’’ provoqué par le fait d’être trop assis et j’ai commencé à prendre les wayno-touri ». « Après cela devenait inconfortable car maintenant j’ai mon derrière qui me démange et l’endroit s’irrite et c’est vraiment gênant de tenir ainsi. Je crois que même si cela me fait vraiment honte j’irai me faire consulter car je crains que ça ne s’aggrave », a-t-il indiqué.
On constate que de nombreuses personnes préfèrent se diriger vers la médecine traditionnelle qui ne demeure pas moins efficace, mais présente beaucoup de dérives car elle est peu contrôlée et réglementée. « Par exemple des pathologies plus graves telles que le cancer de l’anus ou du rectum peuvent être vues par des profanes comme une maladie hémorroïdaire », a ajouté Dr Soli. Ainsi, il est toujours conseillé de consulter un médecin car le traitement avec les plantes n’est pas forcément plus efficace. Seul un professionnel de la santé peut, après un examen approprié, évaluer et prescrire un traitement adapté pour le patient.
Il faut par ailleurs noter que la maladie hémorroïdaire comme toute maladie doit être prise en charge à temps afin d’éviter une quelconque complication.
Ramatoulaye A. Saibou (Stagiaire)