Les prévisions saisonnières des précipitations et des caractéristiques agro-climatiques faites par la Direction générale de la météorologie nationale (DMN) annonçant que la saison d’hivernage 2024 au Niger allait s’installer avec un léger retard, une abondance des pluies avec risque d’inondation ont été confirmées. Déjà, une bonne partie des mois de juillet et août 2024 a été marquée dans le pays par d’abondantes et régulières précipitations qui durent souvent des heures. Cependant, les pluies attendues avec beaucoup d’espoir par les producteurs particulièrement, dont le sort y est lié, ont été hélas pour des milliers de personnes, sources de préoccupations. Pour cause, les précipitations ont causé des inondations avec d’énormes dégâts dans toutes les régions du Niger qui ont été à des degrés divers touchées, avec des pertes en vies humaines, des maisons effondrées, des champs de cultures dévastés, des routes endommagées, etc.
À la date du 7 Août 2024, il ressort de la situation rendue publique par la ministre de l’Action humanitaire et de la gestion des catastrophes, Mme Aissa Laouan Wandarama, que toutes les huit (8) régions du Niger sont affectées par les inondations. Ainsi, 692 quartiers ou villages dans 129 communes, réparties dans 46 départements du pays ont été touchés par les inondations avec 17 632 ménages sinistrés, soit 137 156 personnes, 14 045 maisons effondrées, 502 cases endommagées, 15 472 têtes de bétail décimées dont 13 981 petits ruminants et 297 gros ruminants. Et, on déplore malheureusement 94 pertes en vies humaines, dont 44 cas de noyade et 50 par effondrement des maisons.
Ce bilan s’est encore alourdi le 14 Août avec la mort par noyade dans un kori de 52 personnes, des passagers de deux véhicules de transport venant de Tahoua pour le marché hebdomadaire de Telemces dans le département de Tillia. Plusieurs autres personnes étaient également portées disparus le jour de la catastrophe, a ajouté le correspondant de l’ANP qui rapportait l’information.
La superficie des terres agricoles inondées est évaluée à 2763,072 hectares. Pour les producteurs dont les cultures ont été immergées, la récolte est fortement compromise. Quant aux infrastructures, 1 790 murs sont effondrés et 37 classes d’écoles endommagées. Des tronçons des routes ont été également endommagés entravant la circulation routière par endroit.
Sur l’ensemble du pays, ce bilan révèle que la région de Maradi compte 5 177 ménages sinistrés, totalisant 43 569 personnes avec 33 décès, dont 21 par effondrement et 12 par noyade. Au niveau de la région de Zinder il a été enregistré 3 372 ménages sinistrés, totalisant 26 561 personnes, 18 décès, dont 11 par effondrement et 7 par noyade ; 3 295 têtes de bétail. Dans la région de Diffa il y a eu 2 620 ménages sinistrés totalisant 20 529 personnes, dont 2 décès par effondrement et 1 171 têtes de bétail. Pour la région de Tillabéri le bilan est de 2 302 ménages sinistrés, totalisant 16 027 personnes, dont 1 décès par noyade. Concernant la région de Tahoua les inondations ont causé 2 107 ménages sinistrés totalisant 14 912 personnes, 22 décès, dont 7 par effondrement et 15 par noyade, 9 838 têtes de bétail. S’agissant de la région de Dosso ce sont 1 449 ménages sinistrés totalisant 11 313 personnes sinistrées, 05 décès, dont 01 par effondrement et 04 par noyade qui ont été notifiés. Dans la région de Niamey il a été dénombré 529 ménages sinistrés totalisant 3 637 personnes sinistrées, dont 04 décès par effondrement. Et la région d’Agadez compte 76 ménages sinistrés totalisant 608 personnes sinistrées, 09 décès, dont 04 par effondrement et 05 par noyade. Mais cette situation a évolué à la date du 13 Août portant le nombre des ménages sinistrés à 705 et 3 983 personnes au niveau de la région.
Les recommandations du Directeur général de la météorologie nationale lors de l’annonce en mai dernier des prévisions saisonnières des précipitations et des caractéristiques agro-climatiques, ont-elles permis d’atténuer les impacts négatifs des pluies abondantes ? En effet concernant les risques d’inondation, M. Katiellou Lawan Gaptia avait recommandé entre autres, pour les personnes concernées, la réhabilitation des habitations vulnérables ou de recourir aux abris temporaires plus résilients, d’éviter l’occupation anarchique des zones inondables et pour les autorités de curer les caniveaux, d’aménager les sites d’accueils des sinistrés, de disposer aussi des médicaments pour face éventuellement aux maladies hydriques comme le choléra et le paludisme.
Face à la situation d’urgence ainsi survenue, la ministre de l’Action humanitaire et de la gestion des catastrophes a rappelé ces recommandations et a mis en place une équipe pour coordonner la réponse aux inondations dans le pays. Des actions de distribution des vivres, de biens non-alimentaires et d’équipements pour les abris ont été annoncées. « En plus des vivres disponibilisés, le gouvernement a d’ores et déjà pris des dispositions nécessaires pour que toutes les personnes impactées par les inondations reçoivent l’assistance dont elles ont besoin », a assuré la ministre de l’Action humanitaire et de la gestion des catastrophes Mme Aissa Laouan Wandarama.
Souley Moutari (ONEP)
Agadez : les autorités se mobilisent face à la situation
Cette année aussi, les fortes précipitations pluviométriques ont causé dans la région d’Agadez des dégâts dont des inondations qui ont affecté de nombreux ménages et personnes. Les conséquences ont également concerné plusieurs infrastructures publiques et le bétail. Le bilan global et provisoire enregistré fait état d’environs 705 ménages touchés, 3 983 personnes touchées avec malheureusement 9 décès.
Selon les données provisoires de la Direction Régionale de l’Action Humanitaire et de la Gestion des Catastrophes, au total, ce sont 6 communes des trois départements qui sont concernées par les dégâts causés, à savoir Ingall, Tchirozérine et Arlit. Ainsi, le bilan provisoire cumulé des dégâts occasionnés par les fortes précipitations et des tempêtes des vents enregistrés cette année, dans ces différentes localités, fait état de : 705 ménages sinistrés ; 3 983 personnes touchées ; 519 Maisons effondrées ; 455 murs effondrés ; 78 puits ensevelis ; 3 530 planches dans les périmètres irrigués détruites ; 2 personnes blessées ; 9 personnes décédées ; 39 motopompes endommagés ; 92 bouteilles de gaz de 12 kg emportées ; 2 489 petit ruminants tués ; 863 grands ruminants tués ; 4 écoles touchées ; 205 ha inondés.
Face à cette situation, les autorités régionales à travers les structures de prise en charge et d’accompagnement se sont mobilisées pour faire face à la situation mais aussi pour prévenir d’autres dégâts surtout dans les zones inondables qui sont à proximité des koris. Des messages sont diffusés en permanence sur tous les canaux de communication et d’information pour attirer l’attention des populations, sur les différents risques en cette période mais aussi pour les sensibiliser sur les mesures et dispositions à prendre en cas de danger. Les Forces de Défense et de Sécurité en général, particulièrement les agents de la protection civile de la région d’Agadez suivent en permanence la situation.
La Direction Régionale de l’Action Humanitaire et de la Gestion des Catastrophes ainsi que la Direction Régionale de la Protection Civile et les autres services compétents suivent l’évolution de cette situation avec la plus grande attention.
Ali Maman ONEP-Agadez
Maradi : les habitants, les pieds dans l’eau
Cette année, les pluies diluviennes ont causé des dégâts dans plusieurs régions de notre pays, tant sur les habitations que sur les infrastructures routières.
La région de Maradi n’a pas été épargnée par les dégâts causés par les pluies diluviennes tombées au Niger. À la date du 13 Août 2024, le bilan est la région a enregistré 46 décès dont 15 par noyade et 31 par effondrements d’habitations, 65 blessés, 7851 ménages sinistrés, 64 820 personnes touchées, 8. 836 maisons effondrées ainsi que 245 cases, la perte de nombreux animaux et des infrastructures routières endommagées.
Dans la Ville de Maradi, les quartiers les plus affectés sont Maradawa, Mazadajika et Zariya. Selon Monsieur Mamane Bachir Mamane, Directeur régional de l’Action Humanitaire et de la gestion des Catastrophes, ces quartiers enregistrent plus de dégâts du fait de la mauvaise qualité des matériaux de construction. « Aussi, on assiste à des occupations anarchiques des espaces et des zones inondables », a-t-il précisé. Dans ces mêmes quartiers il n’y a que peu de canaux d’évacuation des eaux et qui sont mal entretenus. Ce qui crée un débordement des eaux qui envahissent les habitations.
Au quartier Maradawa un habitant témoigne : « Ici nous sommes confrontés à des effondrements d’habitations pour plusieurs raisons. D’abord, les habitations sont en banco et datent de plusieurs décennies. Aussi, l’indiscipline de certains habitants les amène à obstruer les passages des eaux ou à déverser des objets qui entravent le ruissellement des eaux des pluies. Malgré les sensibilisations, le problème reste entier », s’est-il indigné. Il appelle l’autorité à prendre les mesures nécessaires pour au moins sécuriser les autres habitants.
Le problème est tout autre au quartier Ali Dan Sofo, un quartier moderne qui a vu le jour au début des années 2000. Les constructions sont en matériaux définitifs, mais les réseaux d’évacuation des eaux de pluie font défaut. « Comment peut-il en être autrement quand on sait que dans ce vaste quartier, aucune viabilisation n’a été faite avant les constructions et chacun construit comme il veut. On n’enregistre pas d’effondrement de maisons, mais ces dernières sont inondées d’eaux par manque de caniveaux et cela sur toute la saison des pluies », fait remarquer, Abdou Sani, un habitant. Même certaines voies pavées ne sont plus praticables car devenues de véritables marres en pleine ville.
Pour les sinistrés des zones inondées, plusieurs actions de l’Etat et ses partenaires sont en cours afin de leur venir en aide. Ainsi, dès les premières heures, l’Etat est venu au secours des premières victimes à travers cinq (5) opérations de distribution de vivres. Aussi, des partenaires tels que MSF, World Vision, Phrasea, le HCR sont à pied d’œuvre pour secourir les ménages dans les localités des communes touchées par les inondations.
Tiémogo Amadou, ONEP Maradi
Niamey : des sinistrés racontent leur calvaire
La journée du 3 août 2024 a été particulière cette année avec des précipitations, jamais enregistrées depuis le début de l’hivernage sur l’ensemble du pays. À Niamey, la pluie diluvienne a provoqué des dégâts dans les quartiers connus comme des zones inondables et même dans les quartiers habituellement épargnés par les inondations.
Dans le cinquième arrondissement, au quartier Saguia, plusieurs dizaines de personnes ont déménagé dans l’école primaire suite à l’effondrement de leurs habitations du fait des précipitations de la journée du 3 août. Ce lieu devenu un site de refuge pour les sinistrés, n’est pas épargné par les eaux de ruissellement. Le mur qui sert de clôture à cette école menace de s’effondrer à des endroits. Omar Djofo est un père de famille de quatre enfants obligé de s’abriter dans l’école à la demande des autorités coutumières et municipales après l’effondrement de sa maison en argile sous l’effet des précipitations. « Pendant qu’il pleuvait, j’étais sorti pour demander à mon frère de m’aider à faire une barricade pour dévier l’eau du ravin. Après, j’étais venu voir ce qui se passait derrière la maison et j’ai remarqué qu’elle commençait à s’effondrer. Nous avons immédiatement sorti les enfants qui étaient en train de dormir à l’intérieur. Quelques instants après, la maison s’est complètement effondrée», raconte-t-il. Depuis, le chef du quartier et le secrétaire général de la mairie lui ont proposé d’aller s’installer dans les classes de l’école Saguia.
Pour ce père de famille, la vie dans les classes n’est pas du tout idéale. «C’est dérangeant, ta propre maison, peu importe son état, est mieux que d’être sinistré. On fait juste avec, puisqu’on n’a pas d’autre choix. Allah, nous viendra en aide», se résigne Omar Djofo. « Si le gouvernement peut nous venir en aide, ça nous ferait plaisir. Il y a deux ans, nous avions été victimes des inondations », rappelle-t-il.
Hamadou Zika est un autre habitant de ce quartier dont la maison est entièrement détruite. De sa maison, il ne reste plus que deux côtés sur les quatre. « J’étais absent lors de cet incident, mais heureusement que les enfants ont été secourus. C’était survenu dès le début de la saison pluvieuse. Le chef du quartier nous a demandé de partir nous installer dans les classes en attendant la reprise des cours. Cela ne m’était jamais arrivé auparavant. Et actuellement, je n’ai aucun moyen pour reconstruire ma maison. On a vraiment besoin d’aide, quelle qu’en soit sa nature », indique-t-il.
Daouda Adamou témoigne concernant effondrement de la maison de sa mère Rakiya Hamidou qui est un peu âgée. «C’était la nuit du 03 août 2024, ce jour-là, il a beaucoup plu et les maisons en banco n’ont pas résisté dont celle de ma mère. Une partie est tombée et l’autre gravement fissurée. Il y a eu beaucoup de bagages endommagés. Heureusement, ma mère qui était à l’intérieur a pu s’en sortir saine et sauve et présentement, elle est dans l’une des classes de l’école du quartier ; moi et ma femme restons pour le moment dans notre maison qui résiste jusque-là », a expliqué ce père de famille.
De l’autre côté de la ville, dans le quatrième arrondissement, dans certains endroits du quartier Cité Olani, les habitants vivent un calvaire. Après la pluie, puisque les voies de passage manquent ou sont souvent fermées par les habitants, les eaux de ruissellement entrent dans les habitations, engendrant des inondations. Des jours durant, les chefs de familles ne savent plus où donner de la tête. Les motopompes sont utilisées pour drainer les eaux qui se déversent encore dans d’autres maisons par manque de voie d’évacuation, rendant ce cycle infernal interminable. « Depuis la pluie du 3 août, ma maison est remplie d’eau, jusqu’à la porte de la chambre. Malgré mes efforts pour drainer l’eau à trois reprises, le problème persiste. Les eaux qui sortent reviennent parce que toutes les voies sont bouchées de latérite. La nuit, le chant assourdissant des crapauds m’empêche de dormir. J’ai fait une digue de fortune avec des briques jusqu’à la porte de la chambre pour pouvoir me frayer un chemin. Désormais, je suis obligé de vivre ainsi en attendant que la saison pluvieuse passe », raconte cet habitant qui vit des jours difficiles.
Hamissou Yahaya (ONEP)