Utilisés depuis la nuit des temps, les instruments de musique traditionnels constituent des éléments importants du patrimoine culturel des peuples, de l’humanité.
Au Niger une gamme variée d’instruments de musique traditionnels existent et sont utilisés pour la production des sons, rythmes façonnant ou accompagnant la danse, les chansons dans les différentes régions du pays.
Au Centre de Formation et de Promotion Musicale où est logé le musée d’instruments de musique traditionnels, on retrouve des membraphones, des cordophones, des idiophones et des aérophones, dont le Goran tsaye, le Biram, le Tende et bien d’autres. Ces instruments sont d’une valeur culturelle inestimable. Ce patrimoine est cependant, peu connu du grand public.
Dans les bureaux du Centre de Formation et de la Promotion Musicale(CFPM) Elhadj Taya, on peut voir ces instruments couverts de poussière. En effet, depuis trois ans et demi leurs conditions de conservation laissent à désirer.
Parmi les instruments de musique traditionnel, les plus utilisés au Niger, on distingue des tambours à une membrane et ceux à deux membranes qui sont classés dans la famille des membranophones ; mais les tambours à une membrane sont plus variés et servent généralement lors des fêtes ou certaines cérémonies.
Les tambours sont différents par la matière, la construction, la forme, la taille de la caisse, les boîtes de fixation de la peau, la manière de les jouer par ceux qui sont admis à le faire, explique l’ingénieur des échanges interculturels, M. Garba Mahaman,.
Parmi les instruments de musique traditionnels déposés dans le musée figure «le Goran Tsayé’’ ou ‘’Kura’’, signifiant ‘’tambour debout’’ et ‘’hyène’’ en Français, fabriqué dans les années 1790, originaire du canton de Kantché (Zinder) et qu’on retrouve principalement chez les Daurawas. Cet instrument est classé parmi les membranophones. Sa partie inférieure est composée d’une calebasse sphérique recouverte entièrement de peau de chèvre avec toison et la partie supérieure est composée d’un tronc d’arbre taillé qui s’évase vers le haut, formant ainsi l’étranglement entre les deux parties. Ce qui donne à l’instrument la forme d’une poire. « Un trou est aménagé sur un coté de la caisse pour permettre d’introduire environ 5 litres d’huile d’arachide. Instrument de la cour, il est réservé pour les cérémonies comme les mariages, naissances, et d’autres réjouissances », a expliqué le Directeur du CFPM Elhadj Taya.
Parmi les instruments traditionnels rares, figure le Tendé qui est un tambour mortier à percussion membranaire en peau collée sur une caisse en bois et joué par les femmes Touaregs de la région d’Agadez plus précisément d’Ingall, d’Iferouāne et souvent Djerma dont celles de Filingué pour accompagner les chants et danses des jeunes garçons et des jeunes filles. Aussi, le Tendé est joué pour faire l’éloge du chameau qui danse lors des fêtes comme la Cure Salée ou le Festival de l’Aïr. Il est souvent utilisé avec la vièle monocorde ‘’Goguet’’, la calebasse pour les cérémonies rituelles de possession, et appelé en langue locale Humburu (Zarma), Tende (Tamashek) et Turmi (Haoussa).
« On note également le Biram, qui est un instrument de musique traditionnel en voie de disparition. Pourtant, cet instrument joue un rôle central dans la vie des populations Boudouma qui vivent au bord du Lac Tchad ou dans les villages de la région de Diffa. Feu Malam Maman Barka, artiste nigérien fut le dernier maître détenteur du mystère et du secret artistique qui entourent le Biram. Dans sa quête d’un nouvel apprenant, il avait eu à former des jeunes sur cet instrument avant son décès », a affirmé M. Mahaman Garba.
Le Biram a la forme d’une petite pirogue qui sert de caisse de résonance. Il est fermé par une peau de vache avec une longue manche sur laquelle sont attachées cinq (05) cordes en nylon. Selon certaines sources, c’est un instrument sacré, protégé par ‘’Karguila’’, l’esprit du Lac Tchad. Il est joué par un maître à des circonstances précises.
Oumarou Adamou Mai Douma est un joueur professionnel du Biram, il avait participé à l’enregistrement de l’album de Feu Maman Barka en voyageant à travers le monde entre 2008 et 2012. Ce professionnel a souligné aussi qu’un projet a été mis en place afin de sauvegarder ce patrimoine et de le revaloriser à travers des séances de formation aux jeunes. « Il est nécessaire et très important de reconnaître les valeurs de cet instrument afin de soutenir les efforts visant à préserver et transmettre cet héritage musical aux générations futures », dit-t-il.
Le musée d’instruments de musique traditionnels un cadre à réhabiliter
Initié en 1989 par feu Dr Maman Garba avec l’appui de l’UNESCO, le Centre de Formation et de Promotion Musicale (CFPM) El hadj Taya) regroupe en son sein des instruments musicaux traditionnels qui jadis faisaient la fierté et la singularité du peuple nigérien. En 2010 grâce à un financement de la coopération espagnole, le musée des instruments de musique traditionnels a vu le jour au sein de ce centre et a été mis en service en 2012. Derrière une telle initiative se trouve la volonté de conserver, pour l’histoire et pour les générations futures, tous les instruments musicaux traditionnels du Niger.
Construit avec de l’argile sur une superficie de 412 m², le musée des instruments de musique traditionnels est compartimenté en 4 pavillons dont le pavillon des instruments, le pavillon de la documentation, le pavillon audiovisuel et la salle de recherches. Malheureusement le bâtiment s’est effondré peu après sa construction suite aux intempéries.
Selon le responsable, pour conserver certains instruments vieux de plus de deux siècles, il est primordial de prendre des mesures de conservation notamment le contrôle de température. Selon le Directeur du CFPM, M. Mahaman Garba, ingénieur des échanges interculturels, une étude technique a démontré que l’argile a des vertus pour conserver les instruments de musique traditionnels.
Ainsi, pour la préservation de ce patrimoine culturel national inestimable, M. Mahaman Garba a pris l’initiative de déplacer l’ensemble de la collection du musée vers un endroit qu’il estime plus sécurisé. « Heureusement pour nous, je les ai récupérés très tôt et étonnement dans la semaine qui suivait, le bâtiment s’était effondré. Avant l’effondrement, j’avais fait le constat, et aussitôt j’avais alerté mes supérieurs. J’ai été moi-même plusieurs fois au ministère en charge de la Culture et j’ai écrit des notes plusieurs fois sans suite », a-t-il rappelé.
Outre sa fonction historique, ce musée est à but pédagogique et non lucratif ; il est ouvert aux chercheurs, aux étudiants et au public. Les instruments étaient exposés dans le pavillon permettant au public d’y accéder pour les visiter les sans y toucher. La documentation est disponible pour les chercheurs et elle est exploitable.
Rabiou Dogo Abdoul-Razak (ONEP)