La musique a été autrefois un puissant moyen de transmission des valeurs traditionnelles en accompagnant les récits, les chansons, des événements. Les musiciens étaient considérés, respectés et bénéficiaient des avantages ou pris en charge surtout lors des cérémonies car leur musique galvanise et encourage l’assistance.
La présence des musiciens et chanteurs était indispensable lors des cérémonies, à tel point que celles-ci pouvaient être reportées en cas d’empêchement des artistes. De même, la musique était présente pour accompagner le dur labeur des artisans, encourager les paysans lors des récoltes, des cueillettes ou lorsqu’il y a une rencontre d’une grande importance, explique M. Chakarana Haya, président de l’Association des Artistes Musiciens et Chanteurs Traditionnels du Niger (AAMCTN).
Les musiciens ont de façon mémorable marqué la culture, nigérienne et célébré, les événements des grands souverains avec leurs instruments aux sons uniques. La musique nigérienne, riche et variée, s’est imposée au-delà de nos frontières. Leurs œuvres ravivent des souvenirs pour beaucoup de nigériens et ceux qui aiment la musique traditionnelle nigérienne. Ainsi, chaque région a son propre rythme et sa propre musique qui reflète son identité culturelle. Il s’agit du ‘’Bitti Haray’’ et ‘’Molo’’ pour la région de Tillabéri ; de ‘’Doundouha’’ et ‘’Douma’’ pour les régions de Tahoua, Maradi et Zinder ; de Tendé pour la région d’Agadez et ‘’Algaïta’’ de la région de Diffa. Il y a aussi des chanteurs traditionnels qui accompagnent leurs paroles avec des instruments de musique traditionnels qui apportent un ton particulier pour dire les louanges des hommes illustres qui ont marqué l’histoire. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, à l’exception des régions d’Agadez et Diffa qui continuent à garder jalousement leur genre musical, relate M. Chakarana. Avant, les musiciens observaient la société pour repérer les problèmes auxquels les gens sont confrontés, ils transmettent les messages à travers l’art à qui de droit. De nos jours, même les musiques qui étaient jouées pour distraire les chefs traditionnels et leurs familles, chanter leur gloire ne sont plus d’actualité, même eux qui sont censés valoriser cette tradition n’y accordent plus d’importance. Pourtant, la mémoire et le patrimoine sont très importants car, quel qu’en soit le niveau de ta modernité, il faut savoir d’où tu viens et où est-ce que tu vas. A cela s’ajoutent, l’avènement des orchestres et ‘’Dandali Soyayya’’ qui ont non seulement mis à mal nos cultures mais aussi et surtout mis en cause l’éducation de nos enfants, regrette le président de l’AAMCTN. « On va beau écouter la musique soit disant moderne, on ne va rien comprendre, aucun message important, aucun cri d’alarme, que des yoyos, des chansons qui n’ont ni tête ni pied », ajoute-t-il.
De nos jours, la grande partie de musiciens traditionnels éprouvent des difficultés à joindre les deux bouts. « Ils vont dans la plupart des cas jouer lors des cérémonies de mariages ou des baptêmes pour survivre. Ce mode de fonctionnement est en train de prendre de l’ampleur dans les grandes villes. C’est pourquoi les jeunes ne veulent ni apprendre à fabriquer ou à jouer des instruments anciens de musique comme le faisait leurs parents. Les héritiers ne veulent pas continuer l’œuvre de leurs parents car la musique ne nourrit plus son homme », déplore M. Chakarana Haya, président de l’Association des Artistes Musiciens et Chanteurs Traditionnels du Niger (AAMCTN).
Certes, les hommes de culture militent tant bien que mal pour redonner à ce domaine sa lettre de noblesse à travers notamment l’organisation de quelques festivals dédiés à la culture, mais le chemin est long. Les autorités d’antan ont prêté mains fortes à la culture à travers la collecte et l’exposition des instruments dans le musée et la création du Centre Culturel de Formation et de Promotion Musicale (CFPM) Elhaji Taya qui est une étape importante de conservation et de modernisation des savoirs traditionnels afin de donner de la valeur aux instruments ainsi qu’à ceux qui les jouent. Un instrument traditionnel est un vecteur spirituel par lequel transite l’antiquité avec le modernisme. « Nous demandons aux autorités de transition de penser aux musiciens traditionnels que nous sommes et de s’investir pleinement dans la revalorisation de notre identité culturelle », c’est le cri de cœur du président de l’Association des Artistes Musiciens et Chanteurs Traditionnels du Niger (AAMCTN), M. Chakarana Haya.
Aïchatou Hamma Wakasso (ONEP)