Les jeux de hasard commencent à prendre une place énorme dans la vie des Nigériens. En effet, ils sont nombreux les parieurs qui accourent tous les jours auprès des kiosques de la Loterie Nationale du Niger pour parier et tenter de gagner le jackpot. Ces parieurs espèrent gagner et améliorer leur situation et modifier drastiquement leur style de vie. Zoom sur une pratique qui tend à devenir virale dans la société.
En cette fin de matinée du 5 novembre 2023, dans le quartier poudrière, sur l’axe menant de Zabarkan au lycée Kouara, l’ambiance est calme quoique d’habitude bondé de monde et de véhicules. La plupart des commerces ne sont pas ouverts, il y a de quoi, on est dimanche, jour de repos pour la plupart des Nigériens. Il est 11 heures et le thermomètre affiche 34°. De loin, on observe des va-et-vient de plusieurs personnes auprès d’un kiosque de la Loterie. En fait, ce sont des joueurs ou plutôt des parieurs. Tous sont venus tenter leur chance et manifestement il y a de quoi, la cagnotte du jour s’élève à 20.000.000 F CFA.
A Niamey, les kiosques de la Loterie sont présents partout, sur les grandes artères, au niveau des rondpoints et dans les quartiers de la capitale. Beaucoup de personnes s’adonnent à cette pratique en dépit de toute considération socioculturelle ou religieuse. Parmi les jeux qui ont la côte auprès des parieurs, il y a le PMU communément appelé « Kalé Kalé » et le jeu Loto qui est devenu en un rien de temps un véritable phénomène dans la société.
Selon M. Rabé Salissou, un habitué des lieux, âgé de 40 ans, « les difficiles conditions de vie » à Niamey l’ont rendu accro au jeu de hasard. « Je joue depuis plus de quinze ans, je suis gardien dans une école, je gagne 40.000 F CFA chaque mois et j’ai à ma charge deux (2) femmes et sept (7) enfants. Mon salaire ne me permet pas de vivre convenablement et je ne sais pas vers qui me tourner, je n’ai pas un autre choix que de jouer et espérer gagner. Je mise quotidiennement 1 000 F, ça m’arrive de fois de gagner », raconte-t-il.
Juste derrière ce parieur dans la file d’attente, se trouve un jeune homme qui attend impatiemment son tour. « je suis sans emploi, j’ai eu mon diplôme de Master en gestion de projet il y a quatre ans de cela. Je suis l’aîné de la famille et je n’arrive toujours pas à avoir un boulot. J’ai commencé à jouer ça fait bientôt 2 ans, je joue surtout au Loto, d’habitude ; je mise 800 F par jour mais aujourd’hui je vais jouer pour 2 000 F. J’ai déjà gagner 120 000 FCFA, ce qui m’a permis d’installer un petit commerce. J’espère gagner encore », confie-t-il, avec un air contrarié.
Soudain, une voiture s’arrête près du kiosque, un monsieur habillé en veste et bien parfumé sort du véhicule et se dirige aussitôt vers le point de vente. Quelques minutes après, il prend son ticket et sans perdre de temps s’en va.
Installé tout près du point de vente, un vendeur de café profite bien de tout cela. Beaucoup s’assoient sur ses bancs pour faire leurs derniers pronostics, d’autres prennent du café, des cigarettes ou du « pure water », une véritable aubaine pour lui. Cependant notre candide n’est pas complétement insensible à ce qui se passe autour de lui : « je mise 500 F chaque jour au jeu loto et c’est la gérante qui me choisit les numéros, j’ai plusieurs fois gagner 24 000 F », indique-t-il.
Quant à Rakia Idrissa, gérante du point de vente, elle se délecte de la boulimie des parieurs. « J’ai un chiffre d’affaires de plus de 600. 000 F par jour, plusieurs personnes viennent jouer. On y compte parmi eux des fonctionnaires, des commerçants, des intellectuels, des étudiants, des chômeurs, des jeunes, des femmes et même des mendiants, tant handicapés que ceux qui ne le sont pas. Il y’en a qui gagnent et d’autres qui perdent, c’est le principe du jeu qui est comme ça », confie-t-elle.
Pour ces joueurs, il ne s’agit plus de jouer de façon ludique mais plutôt avec conviction. La réussite sociale par le travail devenant plus aléatoire, les jeux de hasard représentent aujourd’hui, une possibilité d’élévation dans l’échelle sociale que le travail permet moins, dans un contexte où les diplômes ne sont pas nécessairement une condition de réussite sociale.
Ousmane Nazir (ONEP)