Monsieur Mamalo vous aviez géré pendant longtemps le secrétariat permanent national du Code rural rappelez à nos lecteurs, la mission ou le rôle de cet instrument dont le Niger s’est doté ?
Le Code Rural est un service public interministériel dont la mission principale est de servir de cadre juridique et institutionnel dédié à la préservation des ressources naturelles rurales renouvelables et leur gestion durable, l’accès équitable de tous les usagers auxdites ressources et la sécurisation de leurs droits, la prévention et la gestion des conflits fonciers et la contribution à l’aménagement du territoire. Un dispositif juridique constitué de l’ensemble des textes législatifs et règlementaires de portée nationale ou locale est progressivement mis en place depuis 1993 ainsi qu’une administration foncière spécialisée organisée autour de commissions foncières de village ou de tribu, de commissions foncières communales, de commissions foncières départementales ainsi que de secrétariats permanents régionaux constituent l’architecture pour la mise en œuvre du Code Rural au Niger. Au niveau national, cette architecture est pilotée par un Comité National du Code Rural composé d’une dizaine de ministres et une instance exécutive qu’est le Secrétariat Permanent National.
Quand on constate aujourd’hui la pression sur les ressources naturelles et certains actes consécutifs à la situation d’insécurité dans certaines zones rurales est-ce qu’on peut dire que le Code rural nigérien joue son rôle ?
En effet, la question foncière n’est pas une question banale pour les Nigériens, elle est même vitale en particulier pour les agriculteurs, les éleveurs, les pécheurs, les exploitants de bois qui vivent essentiellement des ressources naturelles. Elle touche donc la vie de chaque citoyen, de chaque famille, de chaque terroir, de chaque communauté d’où sa prédisposition aux risques de pression et d’insécurité.
Devant ces risques de plus en plus prégnants, le Code Rural joue son rôle régalien en tant qu’outil stratégique de mise en œuvre de la politique nationale en matière de gestion durable des terres et des ressources naturelles, de la prévention et de la gestion des conflits ainsi que du renforcement de la paix et de la cohésion sociale. Et c’est parce qu’il joue bien ce rôle que sa mise en œuvre rencontre l’adhésion totale des populations rurales et est cité en exemple non seulement à travers le continent africain, mais aussi à travers le monde entier. Le Secrétariat Permanent du Code Rural a été invité en Asie, en Amérique Latine, en Europe et dans les cinq régions du continent pour partager l’expérience du Niger, tout comme il a reçu des visiteurs de plusieurs parties du monde intéressées par l’expérience du Niger.
D’après votre expérience dans le domaine, pouvez-vous nous rappeler ce qui constitue un frein ou des pesanteurs à l’application effective des dispositions du Code rural au Niger ?
Dans un contexte où la terre et les ressources naturelles constituent l’enjeu du millénaire et que les convoitises fusent de partout, la pression foncière et son corollaire de marché sont devenus le serpent de mer qui déstabilisent les structures agraires familiales, corrompent les rapports sociaux entre les hommes, perturbent les liens entre l’homme et la nature. Il faudrait donc plus que de textes et des institutions, mais un accompagnement politique fort à la hauteur des enjeux.
Selon vous, qu’est ce qui est prévu par le code rural face à la problématique de l’accaparement des espaces pastoraux ?
L’accaparement des terres, c’est l’acte qui consiste à acquérir par des moyens de pression non conventionnelles des superficies de terres relativement importantes aux fins d’en contrôler exclusivement l’exploitation. Comme dans beaucoup de parties au monde, l’accaparement des terres agricoles continue de concerner autant les terres elles-mêmes, que toutes les ressources naturelles que la terre supporte, dont notamment la ressource en eau, considérée comme la ressource la plus stratégique au monde. Or, à quelques rares exceptions près, toutes les transactions foncières au Niger entrainent logiquement un accès à l’eau. Or, un nombre effrayant d’activités consommatrices d’eau sont aujourd’hui installées dans des zones de conflits liés à l’eau, notamment dans la zone pastorale, la zone des dallols, le long du fleuve Niger, du lac Tchad et de la komadougou.
Le phénomène d’accaparement des terres est un fléau qui menace les communautés rurales et leurs exploitations familiales, sa propension montre surtout la formidable résistance qui se développe pour s’opposer à ces transactions.
Un aspect positif est que le niveau de résistance et de mobilisation déclenché par ces transactions est radicalement différent de ce qu’il était il y a huit ans. Grâce au travail de sensibilisation du Code Rural, les populations sont mieux informées et passent à l’action comme jamais auparavant. On assiste à une farouche opposition à ces investissements de la part des communautés locales et des organisations de la société civile qui les soutiennent. Il existe de nombreuses coalitions et campagnes contre l’accaparement des terres aux niveaux local, national et régional. C’est le cas de la campagne « Sauvons les terres pastorales ». Dans bien des endroits, ces luttes convergent et réunissent des agriculteurs, des éleveurs, des pêcheurs, des populations autochtones et d’autres personnes.
En, mettant en œuvre des programmes de formation et d’information des populations, le Code Rural contribue à une mobilisation consciente des citoyens autour des thèmes de gouvernance locale qui assure une bonne mise en œuvre des politiques publiques.
Salima Hamadou Mounkaila (ONEP)