Située dans l’extrême sud de la région de Dosso, dans une zone de trois frontières Niger-Bénin-Nigéria, la commune urbaine de Gaya compte une population de 63.815 habitants, repartie sur une superficie de 360 km2. Cette population est composée des Tchanga, des Songhaïs, des Gourmantchés, des Zarma, des Haoussa, des Peuhls et des Yorubas. Dans cet entretien, le nouveau maire de ladite commune, élu le 25 mai dernier, nous parle des défis et perspectives pour le développement communautaire de la ville transfrontalière.
Monsieur le maire, l’un des défis majeurs de nos collectivités est aujourd’hui, la problématique de la mobilisation de la recette fiscale. Quelle est la stratégie que vous mettez en œuvre pour la culture du civisme fiscal dans la commune de Gaya ?
Justement, la problématique de recouvrement se pose comme dans toutes les communes du pays, de manière générale. En ce qui concerne la taxe de voirie et la taxe municipale, le taux de recouvrement est globalement très faible. Et, maintenant, s’agissant de la stratégie que nous avons adoptée, nous avons pris des mesures énergiques pour retirer d’abord le carnet de taxe de marché des mains des anciens collecteurs pour le confier à des nouveaux collecteurs, avec le concours des FDS. Dieu merci, ces recettes de taxe de marché, qui sont les redevances locales qu’on perçoit sur les véhicules âgés, ont connu une évolution très importante. Elles se sont multipliées par 4 voire 5.
Avec cette évolution positive de la mobilisation des redevances locales, nous sommes en train de poser certaines actions, telles que la salubrité; l’évacuation des ordures ménagères et déchets plastiques qui jonchent les artères; la prise en charge de l’éclairage public; la réhabilitation de la morgue; l’extension du cimetière. Nous assurons le paiement régulier des salaires, malgré qu’on ait trouvé un certain volume d’arriérés de salaire. Cela fait aujourd’hui trois mois que nous sommes à la tête de cette commune, après avoir été élu le 25 mai dernier. Nous sommes aussi entrain de réhabiliter le parc de la mairie. Le tracteur et la benne qui sont restés plus de 2 ans immobiles, nous les avons réparés.
Nous posons des actions visibles et concrètes. Ce qui restaurera, progressivement, la confiance de la population et amènera petit à petit le changement de comportement des contribuables à s’acquitter des taxes de voirie et taxes municipales. C’est cela notre stratégie. Poser des actes visibles et concrets qui puissent amener la population à voir ce à quoi elle contribue. Nous faisons également de la sensibilisation. C’est une autre manière de faire mais pas plus convaincante que les actions. La sensibilisation dans le cadre de la mobilisation des recettes a montré aujourd’hui ses limites. Nous nous contentons plus à faire des réalisations visibles pour dire à la population voilà ce que nous faisons, où vont les ressources recouvrées.
Avec l’urbanisation, les échanges commerciaux et socio-culturels qui s’intensifient à Gaya, l’activité de taxi-motos communément appelés Kabou-Kabou se développe de plus en plus. Comment les acteurs sont-ils organisés ? Y’a-t-il une réglementation particulière? Et quel profit tire la commune urbaine de Gaya?
C’est un monde effectivement très mobile avec les Kabou-Kabou. Eh bien, ils rendent service à la population, puisque c’est à moindre frais. Ils desservent les quartiers de la ville et même jusqu’à certaines localités transfrontalières, notamment les communes de Kamba (Nigéria) et Malanville (Bénin). Ce sont des moyens d’intégration qui relient nos communes.
Ils sont très importants en nombre aussi. Dans la ville de Gaya, ils sont entre 5.000 et 6.000 taxi-motos. Et malheureusement, cela a d’autre part ses aspects négatifs. En effet, il y’a beaucoup d’accidents. Avec l’effervescence de cette activité, le taux d’accidents est en hausse dans la ville de Gaya. Vous l’avez certainement remarqué, les Kabou-Kabou filent à toute vitesse et souvent avec des chargements démesurés et débordés qui cachent à eux-mêmes leur visibilité. Ils font aussi ce qu’on appelle « super à 3 voire 4 », c’est-à-dire deux à trois personnes en plus du conducteur. Vous voyez que le risque d’accidents est très élevé.
Nous avons établi un programme de formation de ces taxi-motos, avec l’appui des services des transports et les agents de la protection civile. Ils sont majoritairement jeunes. Nous comptons les outiller pour qu’ils aient un minimum de maitrise du code de la route, et de secourisme d’urgence. Ils sont identifiés avec des numéros que nous leur attribuons. Ils portaient des gilets à un moment. Dans le cadre de la formation envisagée, nous allons revenir avec eux sur le port de cette tenue et la plaque d’immatriculation communale (numéro).
Est-ce qu’on leur exige le permis de conduire ?
Oui ! Vous savez, les motocycles sont catégorisés. Il y’a une catégorie à partir de laquelle le permis de conduire est exigé. Pour d’autres, la loi ne l’impose pas. Mais l’assurance et le dédouanement sont obligatoires pour toute catégorie. En ce qui concerne la mairie, nous leur imposons l’immatriculation communale et le port de gilet.
Monsieur le maire, la commune de Gaya est dans une zone de trois frontières, d’ailleurs très proche des communes frontalières du Bénin et du Nigéria. Quel est l’impact de cette position géographique sur la mise en œuvre de votre plan de développement communal ?
C’est une position sur trois frontières. Depuis 2018, il y’a eu une organisation qu’on appelle « Dendi Ganda ». C’est un cadre de concertation transfrontalier entre les communes sœurs voisines de la zone installé par les maires, à savoir Gaya, Malan-ville et Kamba. Ce cadre facilite la circulation des personnes et des biens entre nos communautés qui sont pratiquement les mêmes, du point de vue historique et socio-culturel. La frontière qui nous sépare n’est qu’imaginaire. « Dendi Ganda » envisage aussi de monter des projets structurants, pour aller vers des investissements qui puissent profiter aux populations. Nos infrastructures nous profitent mutuellement en réalité. Si vous prenez l’hôpital de Gaya, il est fréquenté par des habitants de Malanville et de Kamba. Vice-versa, aux niveaux de leurs centres sanitaires. Cette coopération transfrontalière est soutenue par la coopération suisse, à travers le Laboratoire Citoyenneté; la coopération allemande via GIZ et d’autres partenaires.
Gaya est réputée pour sa richesse culturelle qui constitue d’ailleurs un réservoir national, et qui faisait la fierté du pays. Aujourd’hui, la création artistique est en baisse, le répertoire reste celui des années 80. Quelle est la place de la culture aujourd’hui dans votre Plan de Développement Communal ?
Il faudrait organiser des rencontres culturelles périodiques, comme le Festival de la Semaine culturelle du Dendi dont la première édition vient de s’achever, pour revaloriser ce patrimoine. Que cette culture ne disparaisse pas ! Je salue au passage les ressortissants de Gaya pour la belle initiative. Cela a été un grand succès. Durant les trois jours (du 3 au 5 septembre dernier), il y’a eu des manifestions culturelles qui nous ont plongées dans la nostalgie des bons vieux temps des traditions ancestrales du Dendi, dans sa diversité.
La Maison des jeunes et de la culture (MJC) de Gaya, dont la gestion relève de vos responsabilités, est dans un état de délabrement avancé : qu’est-ce qui est envisagé par la municipalité de la ville de Gaya pour redorer le blason de ce temple de la culture ?
Effectivement, l’entretien des infrastructures culturelles incombe aux collectivités, en réservant dans leur budget une rubrique en bonne et due forme. Il se trouve que des ressources qu’ils génèrent à partir des manifestations culturelles qu’ils accueillent, rien ne parvient aux caisses de la collectivité. Nous venons de nous installer à l’issue des récentes élections et nous avons la volonté de prendre à bras le corps la question. Nous sommes témoin de cet état dans lequel se trouve la MJC. Nous l’avons visitée, nous avons vu. Plaise à Dieu, dans le budget 2022, la préoccupation sera prise en compte.
Il y’a quelques années, l’Etat a transféré un certain nombre de compétences aux collectivités territoriales, notamment dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’hydraulique et de l’environnement. Comment assumez-vous ces responsabilités ?
C’est une question d’actualité: un transfert de compétences concomitamment avec des ressources. Alors, nous avons suivi, lors du mandat des maires de l’année 2010 à 2021, des formations sur le transfert des compétences, surtout en ce qui concerne le domaine de l’éducation. Il faut saluer les autorités du ministère de l’éducation d’antan, qui ont organisé beaucoup de rencontres pour que ce transfert puisse se concrétiser sans grande difficulté. Les autres ministères concernés en ont fait aussi mais pas autant.
Mais sur le terrain, dans cette nouvelle donne, la collaboration est à féliciter. Avec tous les acteurs de l’éducation, les échanges sont permanents. Les communes appuient l’éducation de base dans la construction des salles de cours, dans le financement des journées pédagogiques, dans l’acheminement des fournitures scolaires du chef-lieu de la région à la commune.
Réalisée par Hassane Daouda et Ismaël Chékaré, Envoyés Spéciaux(onep)