Dans cet entretien, Idi Sani Magagi, préfet de Tessaoua, explique l’importance des réalisations entrant dans le cadre de Tessaoua walkiya, un programme décentralisé de développement d’infrastructures que les autorités nigériennes ont mis en œuvre. Aussitôt terminé, ce programme (notamment l’aménagement des grandes mares et retenues d’eau de la ville) a permis de limiter considérablement l’impact des inondations de cette année. Le préfet de Tessaoua s’exprime aussi sur plusieurs questions d’intérêt pour sa région, en cette période de crise sanitaire et de fermeture de la frontière avec le Nigeria.
Monsieur le préfet, qu’est-ce qui fait la particularité de votre département en cette fin d’hivernage?
La production de cette année est meilleure par rapport à l’année dernière. Mais la grande particularité est qu’il a suffisamment plu et il y’a eu beaucoup d’inondations dans le département. On a enregistré 1.647 maisons effondrées, 15 maisons inondées, 20 cases endommagées, 1 classe moderne et 11 classes traditionnelles effondrées, 8 blessés légers et 1 enfant décédé. Au total, on comptabilise 12.557 personnes sinistrées. Dans la commune rurale de Tessaoua qui est la plus affectée par les inondations, 1.196 ménages ont été touchés.
Pour faire face à ces inondations, quelles sont les actions mises en œuvre par les autorités locales et est-ce qu’il y’a un appui des autorités aux niveaux régional et central?
Le Gouvernement a pris acte du rapport officiel que nous avons envoyé. D’ores et déjà, l’Etat a fait les premières aides. Il y’a aussi, dans la ville de Tessaoua, certains particuliers qui ont secouru les personnes sinistrées. Mais ça ne suffit pas parce qu’il faut de grands moyens. Avec un total de 12.557sinistrés, on est obligé d’attendre plus de l’Etat. J’ai transmis nos doléances par les voies officielles et c’est sûr qu’on aura une réponse assez positive dans ce domaine.
Sur le plan sécuritaire, les échos nous apprennent que Tessaoua a su bien gérer la situation. Quelle est la méthodologie adoptée par le département?
D’abord, on a initié deux équipes de patrouilles. Il y’a une équipe départementale composée de plusieurs véhicules qui sillonnent le département, avec une surveillance accrue dans la partie Nord. Il y’a aussi une patrouille transfrontalière qui sécurise la frontière. Tout cela se fait sous la coordination du préfet qui est le président du Conseil départemental de sécurité et les différents responsables des Forces de défense et de sécurité aussi. A la moindre alerte venant du terrain, j’instruis directement les responsables des FDS pour apporter la réponse adéquate à la menace potentielle.
Les chefs de cantons étaient suffisamment informés, les maires le sont aussi. Il y’a eu des missions que nous avons effectué au niveau des communes, avec le rassemblement de tous les chefs de village. Voilà les efforts conjugués qui font que, par la Grâce de Dieu et une bonne collaboration des gens sur le terrain, on a pu éviter les attaques qu’on voit ailleurs et juguler la menace sécuritaire.
A l’heure actuelle, le monde fait face à une crise qui met à rude épreuve la réponse sanitaire globale. Votre département, au vu de sa proximité avec le Nigeria, semblait être très exposé à la COVID-19. Qu’est-ce qui explique que la situation soit maitrisée ici?
La situation est maitrisée parce qu’on a des opérations de routine de vaccinations et de surveillance épidémiologique, en commun accord avec nos frontaliers. Pour nous par exemple, l’administration correspondante de l’autre côté de la frontière, c’est Mai Adoua. Il y’a des réunions communes pour élaborer les programmes sanitaires ensemble et on fait les évaluations ensemble. Les réunions se font par alternance au Nigeria et au Niger et regroupent les cadres du secteur de la santé des deux pays. Cette situation antérieure à la COVID-19 renforce la maitrise de l’aspect sanitaire au niveau de la frontière.
En plus de cela, on a assez de structures sanitaires à Tessaoua qui sont bien équipées, avec des équipes efficaces qui coordonnent la prévention. On ne laisse derrière aucun domaine car nous ne sommes plus les Commandants de cercle d’antan. On est les préfets du développement. On est là pour le développement de l’entité et donc, il faut que nous ayons des regards sur tous les aspects en matière de développement économique, social et culturel du département.
Il y’a quelques mois, le grand voisin a décidé unilatéralement de fermer sa frontière avec le Niger. Quelle est l’impact de cette fermeture sur votre département?
Cette fermeture nous a touché de plein fouet. Par exemple, au poste douanier de Korgom, rien ne passe. Les gens se débrouillent à moto mais ce n’est pas sur des motos qu’on peut amener des marchandises susceptibles d’être dédouanées et dont les recettes vont gonfler les caisses de l’Etat. C’est en réalité une façon de frauder et cela ne résout pas le problème de rareté des recettes au niveau des postes douaniers.
Cela a-t-il eu un impact sur le prix des denrées de première nécessité?
Dieu merci, on a ici un marché céréalier construit par le PRODAF. C’est un marché exploité par les deux parties, nigérienne et nigériane. Le marché de céréales permet de ravitailler les deux pays en fonction de la demande et de la production de part et d’autre de la frontière. Ce système a contribué à casser les prix sur le marché interne.
En plus de cela, les produits de première nécessité rentrent à Tessaoua à motos et sur des charrettes en empruntant plusieurs voies accessibles. Mais, c’est les autres produits commerciaux qui sont impactés par la fermeture de la frontière avec le Nigeria. La vente de ces produits est en forte baisse à cause de l’approvisionnement difficile, ce qui se répercute sur les prix.
Quelle est l’importance du trafic de carburant dans votre département?
Le trafic est même très dangereux, pour parler franchement avec vous, parce que le Grand Nord est ravitaillé par nous. A un moment, l’Etat s’est un peu ressaisi en effectuant des contrôles inopinés avec l’appui des Forces de défense et de sécurité. Au cours de ces opérations, on a saisi des milliers de bidons d’essence. Malheureusement, les fraudeurs ont fait de cette activité illégale leur profession et la pratique H24. Pour les contrer, il faut une action de longue haleine qui doit être permanente.
Pour vous dire la vérité, le carburant fraudé est un fléau pour Tessaoua, comme il l’est pour Gazaoua, Aguié et la ville de Maradi. L’Etat à travers ces démembrements fait de son mieux parce qu’il y’a des saisies, pas uniquement au niveau de la Douane, mais aussi au niveau des Forces de défense et de sécurité. Etant donné la difficulté d’être éternellement aux aguets des fraudeurs, on organise ces contrôles inopinés pour les dissuader, ou au moins les ralentir dans leur trafic. Ça nous permet aussi de diminuer un peu l’impact du fléau de la fraude de carburant dans notre département.
Tessaoua a bénéficié d’un programme de développement dénommé Tessaoua walkiya. Quelles sont les infrastructures réalisées et pour quelle utilisation sont-elles destinées?
Vous êtes ici dans walkiya, à l’intérieur même de la préfecture de Tessaoua. Les bureaux du préfet et du Secrétaire général, ainsi que leurs résidences respectives, sont des fruits du Programme walkiya. Tessaoua a aussi bénéficié de voiries urbaines et d’éclairage public qui ont métamorphosé la ville, ainsi que de l’aménagement de plusieurs retenues d’eau.
Avec les fortes pluies de cette année, s’il n’y a pas eu les travaux d’aménagement de certaines mares, la ville allait vivre une situation beaucoup plus désastreuse. Les travaux de Tessaoua walkiya ont permis de canaliser l’eau et de sécuriser quand même la population. C’est vraiment un impact positif sur ce plan. Je profite de cette occasion pour remercier SEM Issoufou Mahamadou, Président de la République. C’est comme s’il avait vu juste.
Au niveau culturel et sportif, quels sont les projets destinés aux jeunes afin de les occuper?
Au niveau culturel, vraiment, je ne pense pas. Il faut voir cela avec le maire. Par contre, pendant les vacances, les enfants se réunissent pour faire des tournois des grandes vacances qu’on appelle communément TGV. Personnellement, j’ai eu à mettre en jeu une coupe du préfet. Il y’a eu aussi la coupe du Directeur général de la banque de l’habitat, celle du Directeur général de Niger poste, etc. On les occupe comme ça, à travers les tournois des grandes vacances qu’ils organisent eux-mêmes. Nous les soutenons dans ce sens en apportant seulement de l’aide.
Votre mot de la fin?
L’année s’achève. On ne se plaint pas sur le niveau de production agricole. Mais ma doléance est que je souhaite auprès de l’Etat d’aider davantage les victimes des inondations. Le bilan est assez lourd. Nous insistons pour que l’Etat vienne en aide à ces vaillantes populations. Pour le reste, on est en train de gérer au niveau local.
Propos recueillis par Souleymane Yahaya (Envoyé Spécial)