
Le phénomène migratoire constitue aujourd’hui une préoccupation majeure au Niger. En effet, le Niger est l’un des pays les plus affectés par la migration du fait de l’afflux massif des réfugiés maliens et nigérians fuyant l’insécurité dans leurs pays respectifs, les retours forcés et les rapatriements en cascade des nigériens et d’autres ressortissants étrangers de la Côte d’ivoire, de la Libye, de l’Arabie Saoudite, de la République Centrafricaine et de l’Algérie. A cela s’ajoute la montée en puissance de la migration interne et circulaire. Selon une statistique disponibles à la date du 31 août 2018, on dénombre 149.471 déplacés internes, 25.799 demandeurs d’asile, 177.333 réfugiés, 14.546 retournés, 33.695 rapatriés (DGECM/R, OIM, HCR), ce qui traduit l’ampleur de ces types de flux migratoires au cours de ces dernières années.
Pays Sahélien totalement enclavé, le Niger est situé au carrefour du monde arabo-musulman et de l’Afrique subsaharienne, et couvre une superficie de 1 267000 km². Il partage une longue frontière de 5690 km avec sept pays voisins à savoir l’Algérie et la Libye au Nord, à l’Est le Tchad, le Nigéria et le Bénin au Sud, le Burkina Faso et le Mali à l’Ouest. Cinq (5) des sept (7) frontières sont caractérisées par une insécurité grandissante due aux activités des groupes terroristes, l’extrémisme violent, le banditisme et les crises politico-militaires.
Les manifestations du phénomène migratoire au Niger sont multidimensionnelles en ce qu’elles recouvrent toutes les facettes de la migration, à savoir : les migrations à l’intérieur des frontières nationales ; migrations de départ de nigériens vers les pays de la sous-région, vers les pays du Maghreb ou vers des pays au-delà des océans (pays d’Europe, d’Amérique ou d’Asie) ; les migrations de transit de ressortissants d’autres pays traversant le Niger pour d’autres destinations en quête de mieux-être ; les migrations de réfugiés fuyant l’insécurité dans les pays voisins et cherchant asile au Niger ; migrations de retour (retournés ou rapatriés) de nigériens en provenance de pays d’accueil.
Face à ces flux et reflux migratoires multiformes, le Gouvernement du Niger a élaboré avec l’accompagnement du Projet Appui-conseil en matière de Politique Migratoire (APM) de la GIZ depuis octobre 2017, une Politique Nationale de Migration dans un souci d’harmonisation et d’alignement sur les cadres nationaux de référence.
Il ressort que dans ce document, le Niger a fourni, d’importants efforts à divers niveaux dans la gestion des flux. Toutefois, cette gestion est limitée par certaines difficultés majeures liées au dispositif institutionnel (coordination et synergie), du cadre juridique en matière de gestion des flux, des capacités opérationnelles en matière de prise en charge des questions de migration et la non prise en compte de la migration interne et circulaire.
A cela s’ajoute, la signature en décembre 2018 d’un Pacte Mondial sur les migrations sûres, ordonnées et régulières, qui vise à réaliser la cible 10.7 du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Dans ledit programme les États membres se sont engagés à coopérer au plan international pour faciliter la migration et la mobilité de façon ordonnée, sécurisée, régulière et responsable. Il repose sur les buts et principes de la Charte des Nations Unies et sur la Déclaration universelle des droits de l’Homme, et présente un cadre de coopération non juridiquement contraignant. Le gouvernement a également adopté la Stratégie de Développement Durable et de Croissance Inclusive (SDDCI -Niger 2035), dont la vision est de faire du Niger « un pays moderne, paisible, prospère et fier de ses valeurs culturelles dans une Afrique unie et solidaire ».
Sur le plan politique et institutionnel : la question migratoire suscite depuis quelques années un intérêt particulier auprès des pouvoirs publics nigériens. Ce regain d’intérêt est marqué entre autres, par d’adoption de la stratégie nationale de lutte contre la migration irrégulière, l’élaboration du Programme pour la Prévention et la Lutte Contre la Migration Irrégulière, et la promulgation de la loi 2015-36 du 26 mai 2015 relative au trafic illicite de migrants. Les questions de migration ont été traitées de manière transversale et marginale dans le cadre d’autres stratégies et programmes sectoriels : agriculture, urbanisation, travaux publics, politique de population, politique des frontières, stratégie de sécurité intérieure etc. Selon les résultats d’une enquête réalisée par l’OIM, sur plus de 130.000 candidats répertoriés en 2016 on ne dénombre aucun nigérien. Suivant ce contexte le Niger est à certains égards, un pays de départ des migrants parmi lesquels on dénombre de plus en plus des femmes et des enfants.
Sur le plan socioéconomique et culturel : la situation du pays se caractérise par une croissance économique insuffisamment inclusive, porteuse de vulnérabilités et peu créatrice d’emploi. A cela s’ajoute une démographie galopante dans un contexte de rareté des ressources, une situation sanitaire et nutritionnelle encore précaire caractérisée par une recrudescence des maladies contagieuses.
Au plan culturel, la société nigérienne connaît des mutations rapides induisant des pertes de repères, des ruptures sociales, la multiplication des points de fractures et un profond déphasage entre d’une part, le rythme et les formes du changement et d’autre part, les coutumes, les habitudes et les routines de la plus grande partie de la population. C’est pourquoi, un vaste programme de modernisation sociale a été conçu en vue de promouvoir les valeurs au service de l’être humain, de la communauté et de la société de façon à se débarrasser des contres valeurs.
Sur le plan sécuritaire : le Niger fait face à d’importants défis caractérisés par des actions terroristes le long des frontières qu’il partage avec d’autres pays. Ces actions terroristes en causant la mort de nombreuses personnes, la destruction des propriétés et des infrastructures, la désorganisation de la production locale et le commerce, provoquent d’importants mouvements de personnes (réfugiés et déplacés). Ces faits prouvent l’existence d’une corrélation entre la migration, le trafic de produits illicites, le trafic des migrants et la traite des personnes.
Par Yacine Hassane(onep)