Suite à la décision de la Cour de justice de l’UEMOA rejetant la demande de sursis de l’État du Niger, le ministre de la Justice et des droits de l’homme, Garde des sceaux, M. Alio Daouda a animé hier 19 novembre 2023, un point de presse à Niamey. Cette décision de la cour communautaire est consécutive à la saisie de la Cour de Justice de l’UEMOA par l’État du Niger à travers deux requêtes, dont l’une, aux fins d’appréciation de la légalité des sanctions imposées au Niger, et l’autre ayant pour objet le sursis à exécution des sanctions prises par la conférence des Chefs d’États et de gouvernement de l’UEMOA à Abuja. Au cours de ce point de presse, le ministre a battu en brèche les arguments avancés par la Cour de justice de l’Uemoa pour rejeter la demande de sursis, cela en violation de l’article 72. Selon les éclaircissements donnés par le ministre de la Justice et des droits de l’Homme, Garde des sceaux, le 16 novembre 2023, le président de la Cour de l’UEMOA statuant en la forme des référés, s’est déclaré compétent pour connaitre la demande de sursis à exécution et a déclaré recevable la requête aux fins de sursis à exécution introduite par l’État du Niger et sept autres.
En la forme, le ministre a expliqué qu’il est aisé de constater que le représentant de la Conférence des Chefs d’État qui est originaire du même pays hostile que le Président de la Cour (Sénégal) a régulièrement reçu notification, par les soins du greffier de la Cour, de la requête portant sursis à exécution déposée par l’État du Niger et sept autres au greffe de ladite Cour. Il a ainsi eu droit à une prorogation de délais pour déposer ses observations. Par contre, s’agissant du Niger et des autres parties demanderesses, la décision a été rendue alors qu’ils ignoraient jusqu’à la date d’audience à laquelle la Cour devait vider sa saisine. « À plus forte raison, elles n’ont pu prendre connaissance des observations de la partie défenderesse auxquelles elles étaient en droit de répliquer si elles l’estimaient nécessaire », a dénoncé le ministre.
Selon, le ministre de la Justice et des droits de l’homme, garde des sceaux, pour rejeter la demande de sursis, le juge communautaire a rappelé les dispositions pertinentes de l’article 72 du règlement de procédures de la Cour qui dispose « que toute demande de sursis à exécution d’un acte d’une institution n’est recevable que si le demandeur a attaqué cet acte devant la Cour » ; le même article dispose que la partie demanderesse spécifie l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elle conclut.
« Le juge des référés reproche à la requête de n’avoir pas donné satisfaction à cette dernière condition alors que lui-même écrit que, sur les conséquences irréparables, les demandeurs ont exposé le caractère fragile et vulnérable de l’économie nigérienne », a-t-il indiqué. Par ailleurs, ajoute M. Alio Daouda, le juge des référés, dans ses efforts d’une lecture erronée de l’article 72, semble exiger que la requête doit démontrer le caractère illégal des mesures prises contre le Niger, ajoutant ainsi une condition qui n’existe que dans son imagination pour satisfaire les injonctions à lui données.
Pour refuser l’évidence, a-t-il poursuivi, le juge communautaire a fait recours à une notion trouble, à savoir la mise en balance des intérêts ; que ce faisant, le juge communautaire s’est contredit lui-même parce que, dans un des considérants de sa décision, il a affirmé que « le caractère d’une demande de mesure provisoire doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite les mesures provisoires ». Une mise en balance d’une invention pour donner tort à l’État du Niger.
« Dans le cas d’espèce, en invoquant une remise en cause de l’ordre constitutionnel dans un État membre de l’UEMOA pour justifier les mesures attaquées, il en a apprécié la légalité et à part ce moyen, nécessairement préjugé au fond, que, ce faisant, il s’est une fois de plus contredit. S’il y a une règle d’or en matière de référé, c’est que les décisions rendues en cette matière ne doivent préjudicier aux fonds. Cependant, le Président de la Cour de Justice de l’UEMOA, malgré ses années d’expérience, semble l’ignorer », affirme le ministre.
Par cette décision, le juge communautaire nie à l’État du Niger tout droit de recours sur le motif fallacieux que les autorités de ce pays ont été à la source de la situation ainsi créée. « Une telle appréciation de la situation est dangereuse en ce qu’elle méconnait les dispositions de l’article 18 du Protocole additionnel N°1 qui prévoit que les recours formés devant la Cour de justice n’ont pas d’effet suspensif. Toutefois, la Cour peut ordonner le sursis à exécution des actes contestés devant elle ». En passant outre cette disposition, le juge communautaire ne laisse qu’un seul choix au Niger, celui de se plier aux injonctions des Chefs d’État. Une chose est sûre, cette décision ne laissera pas intact, aux yeux des Nigériens et des millions de citoyens de l’UEMOA, le crédit de cet organe communautaire. Le Niger avec ses pays amis se donnera les moyens d’aviser en temps opportun », a-t-il conclu.
Hamissou Yahaya (ONEP)