Par son professionnel pour le moins exceptionnel dans un domaine où le genre est la chose la moins partagée, Mme Tinni Zeinabou Hassane a ouvert la voie à d’autres femmes dans le domaine technique. Technicienne en électricité, elle est la toute première femme et l’une des rares au Niger à enfourcher sa tenue et à grimper sur les pilonnes électriques. Au fil des ans et dans différentes zones du Niger, elle a exercé diverses fonctions notamment la mise en service et la maintenance des équipements électriques. Mme Tinni a servi dans presque toute la chaine technique au sein de la société nigérienne d’électricité (NIGELEC) : installation des compteurs, raccordement des fils, étalonnage, contrôle des compteurs, etc. Agée de 59 ans, Zeinabou Hassane est mariée, mère de cinq enfants, elle est actuellement en service à l’agence Nigelec de Koubia.
Son destin était tracé après l’obtention de son BEPC, elle fut orientée en tant que meilleure élève dans une école professionnelle, plus précisément le Centre des Métiers d’Eau et d’Electricité, aujourd’hui plus connu sous le nom Ecole de formation Boukari Kané. Après la formation, le premier Directeur Général de cette institution à l’époque, Boukary Kané a bien voulu que les deux filles qui étaient dans la promotion évoluer dans le domaine technique. La hiérarchie d’alors a estimé que la Nigelec doit s’employer à intégrer les femmes dans les métiers dits techniques pas parce que la loi l’impose, mais juste parce que ces dernières sont bien capables. Aussi, il était important d’arrêter les stéréotypes, les préjugés, et casser ainsi certaines barrières socio culturelles. Un message fort que le 1er directeur général de la NIGELEC voulait envoyer à toute la gent féminine. Une façon de valoriser la femme et développer ainsi le potentiel féminin dans la prise en charge des enjeux du pays.
Mme Tinni reconnaît que les conditions de travail de la femme électricienne ne sont pas du tout faciles mais à force de courage et de détermination, elle a fini par aimer et par s’imposer. Son nom était bien connu dans le milieu grâce à la qualité de son travail donnant ainsi raison à ses supérieurs hiérarchiques qui ont bien voulu lui confier ces travaux dans un environnement réservé exclusivement aux hommes. Cette Technicienne d’intervention réseaux électrique travaille en équipe sur le terrain quand elle réalise des travaux sur les réseaux électriques ou lors des activités avec la clientèle comme la mise en service des compteurs, la coupure d’électricité. Les inconvénients sont importants pour la femme avec notamment la non maîtrise des heures de travail souvent sur le terrain, des positions souvent inconfortables, etc.
Mme Tinni connaissait déjà ces petits inconforts depuis qu’elle était sur le banc de l’école. Ils se résumaient, à ce niveau, au port des habits réservés aux électriciens, une tenue bleue ( pantalon et chemise) avec des grosses chaussures portées indistinctement par les garçons et les filles. « Nous étions obligés de porter la tenue et les chaussures de sécurité pour aller à l’école et suivre les cours. Les enfants des maisons environnantes de l’école se moquaient de moi. Et, en classe les garçons ne nous respectaient guère. Bon gré, mal gré, nous avions, (les deux filles Biba et moi) tenues jusqu’à l’obtention de nos diplômes», se rappelle-t-elle.
En 1985, la jeune technicienne qu’elle était a commencé à travailler au district de Niamey. Mais sa vie de jeune fille n’a pas trop duré. Elle s’est mariée à un agent de la Nigelec qui, comme elle, connait bien ce travail. «C’est un électricien comme moi, donc je n’avais pas de difficultés à ce niveau. Nous avions été tous deux affectés à Agadez, où je faisais le montage sur les poteaux. En fin 1989, nous avions été affectés à Zinder. A ce niveau également, mon travail consistait aussi à monter sur les poteaux, à faire des branchements des fils électriques, à couper l’électricité au cas où l’abonné n’était pas en règle, à installer les compteurs. Je faisais aussi les contrôles des installations Nigelec, pour voir et détecter ceux qui fraudent», explique avec détail, Mme Tinni.
Difficultés professionnelles pendant sa carrière
C’est aussi à ce moment de sa carrière que cette technicienne a eu à faire face à des situations difficiles. «Quand nous étions affectés à Zinder, j’ai eu des problèmes avec des couacs par ci par là, et souvent même des menaces de mort. Heureusement que mes collègues hommes me soutenaient. Ils arrivaient tant bien que mal à gérer les situations difficiles. Parfois ce n’est pas du tout facile que l’abonné reconnait qu’il fraude et quand on lui brandit les preuves, il n’accepte pas et se met souvent dans tous ses états. Sans compter ceux qui cherchent à te corrompre pour ne pas avoir de problèmes avec la police. Nous savons tous que la fraude et la corruption sont des actes sévèrement condamnables», raconte-t-elle.
Voulant changer les mentalités sur les métiers dits des hommes, Mme Tinni se tuait à la tâche. Elle aimait particulièrement ce travail, la diversité des tâches, les interventions chez les clients souvent un peu agressifs afin d’apaiser les esprits et de ramener la sérénité. Elle sait se rendre utile quand il le faut. La mixité dans l’équipe la rendait particulièrement forte.
Abnégation et fierté d’accomplir un travail bien fait
Suffisamment courageuse pour ne pas se laisser intimider. Mme Tinni faisait tout pour cadrer les choses afin d’éviter tout débordement. C’est pourquoi, ses équipes se font souvent accompagner par un inspecteur de Police. Elle conduisait fièrement et en toute responsabilité une équipe composée de deux à trois personnes. Toujours en tenue bleue, chemise et pantalon elle faisait partie d’une équipe qui sortait chaque matin sur le terrain, souvent de 9h à 16 h. «Avec mes 1m,58, physiquement c’est souvent un peu plus compliqué pour moi que pour la majorité de mes collègues hommes», reconnaît-elle. Mais, déterminée, elle ne lâche rien, elle menait à bien les travaux qu’on lui confiait au niveau des chantiers. Elle était toujours disponible et volontaire partout quand il s’agissait de servir.
A titre d’exemple de ces tâches difficiles, Mme Tinni cite l’étalonnage, où elle portait sans broncher un appareil de 25 kilogrammes qui sert à vérifier si le compteur est défectueux ou pas. De 1996 jusqu’en 2003, elle faisait ce travail pénible à Niamey. Durant la majeure partie de sa carrière professionnelle, Mme Tinni a presque toujours exercé ‘’les métiers d’homme’’ : montage sur les poteaux, installation et vérification des compteurs, supervision des équipes sur le terrain, etc.
De son riche parcours professionnel, Mme Tinni a un seul conseil essentiel qu’elle tient à donner aux filles qui veulent embrasser cette carrière. «La clé du succès ce n’est pas juste la destination, mais le parcours et ce succès se mesure en fonction du nombre de fois qu’on s’est relevé et après être tombé. Il y’aura toujours des obstacles sur le chemin, il faut juste croire en soi, en ses capacités et surtout prendre les risques. C’est un métier difficile qui requiert le don de soi, de l’abnégation et surtout de la persévérance», dit-elle.
Aïssa Abdoulaye Alfary(onep)