A l’instar de plusieurs pays musulmans, le Niger s’apprête à célébrer, dans quelques heures, l’Aïd El Fitr ou fête de Ramadan. Après un mois d’abstinence, de dévotion et d’adoration d’Allah pour les fidèles et en attendant d’observer l’apparition du croissant lunaire, les préparatifs vont bon train pour dire au revoir à ce mois béni. Parmi ces pratiques, pour préparer cette fête, la confection de nouveaux habits, le prélèvement et la distribution de la Zakat fitr, avant de se rendre à la mosquée ou à la place de la prière. L’aid El fitr est aussi l’occasion de partage et de solidarité avec le traditionnel ‘’Barka da salla’’ ou Keyessi (bonne fête), les visites aux parents et le partage de nourriture, avec la préparation du succulent et fameux plat de la fête. Pour cette dernière activité, les gallinacés (Poulets, pintades, dindons, canards, etc) occupent l’esprit des gens et sont donc à l’honneur. Ils seront, pour ainsi dire, durant cette journée de célébration, les rois de la fête.
Comme à l’accoutumée, l’approche d’une fête, au Niger, fait flamber les dépenses des ménages, qu’entraine la hausse subite des prix de divers produits de consommation. Outre les habits de fête, les chefs des familles doivent assurer le repas copieux, à base de volaille, surtout des pintades, très prisées pour la circonstance. Un véritable casse-tête. Ainsi, dans de nombreuses familles, c’est l’heure de la grande ‘‘débrouillardise » et d’endettement excessif pour certains. Du côté des commerçants, chacun essaie d’écouler ses marchandises en tentant de réaliser les meilleurs chiffres d’affaires. A quelques jours de cette fête, déjà, ce sont les va et vient dans les marchés. Qui pour acheter des condiments pour le repas de la fête, qui pour acheter des habits pour soi-même et/ou pour les enfants. Chacun veut manger un repas copieux et se vêtir de ses plus beaux habits pour le traditionnel »Barka da Sallah » ou »Keyessi » chez les parents, amis et connaissances. Mais, c’est surtout du côté des femmes que ça se bouscule beaucoup. Dans tous les marchés de la place et même dans les quartiers périphériques, on vend toutes sortes de produits. De la volaille (poulets, pintades surtout) en passant par le poisson et les légumes frais, les épices, etc. Sakina Habou, une ménagère rencontrée au marché de Haro Banda de Niamey, déclare avoir acheté déjà certains condiments pour la fête. ‘‘Comme j’ai une grande famille et la vie est chère, il faut si possible commencer tôt, car la veille de la fête, les marchandises coûteront encore plus cher. Malgré l’appel à la modération des autorités compétentes, les prix ont augmenté pour certaines marchandises. Certains vendeurs ont profité du Coronavirus pour rehausser encore plus les prix des produits et des aliments », se plaint-elle. Selon elle, les prix des marchandises varient selon leur provenance et les principaux marchés de la place. « En dépit de la levée de la mise en quarantaine décidée par le gouvernement, la majorité des produits de consommation courante connait toujours une hausse. Par exemple, au niveau du Nouveau marché, les prix du poulet varient de 1.800 à 3.000 FCFA, voire 4.000 FCFA, s’il est dodu. Quant à la pintade, qui est plus prisée en pareille circonstance, elle coûte de 3.500 à 5.000 FCFA. J’ai vu quelqu’un acheter une pintade à 6.500 FCFA, presque le prix d’un bouc », s’étonne Mme Hadiza Inouss, rencontrée au Nouveau marché de Niamey. Elle estime que pour cette fête de Ramadan, sachant que c’est la volaille qui est plus sollicitée, certains vendeurs véreux, loin de chercher la Baraka de ce mois béni, préfèrent faire abusivement monter les prix, pour des éphémères bénéfices », déplore Mme Inouss.
Disponibilité des produits, mais la cherté rebute
Même si pour des raisons de pandémie de Covid-19, Niamey, la capitale, a été mise en quarantaine pour plusieurs semaines, les produits alimentaires notamment la volaille, qui vient des villages environnants et même du Burkina Faso, n’ont pas manqué. Cependant, malgré la disponibilité, comme d’habitude en pareille période, les prix de cette volaille ont augmenté. Les consommateurs ne cachent pas leur inquiétude, convaincus que ces prix vont certainement continuer à grimper. Mais il n’y a pas que la volaille, la viande et le poisson sont aussi prisés. Selon les spécialités culinaires, le panier de la ménagère peut aussi comporter des légumes et la tomate fraîche très chère en cette période. Même si la production locale de l’oignon est suffisante pour satisfaire le besoin de la population, on remarque une hausse progressive des prix. La tasse coûte entre 1.300 et 1.500 FCFA. Les prix des légumes frais et des épices ont également augmenté, car importés des pays voisins (Burkina et Nigeria). Selon certains consommateurs, les tomates ne sont pas de même qualité. La production locale est plus chère que celle importée. Une tasse de tomate fraîche en provenance du Burkina coûte 1.850 FCFA tandis que celle produite localement s’achète à 2.250 FCFA au Grand Marché de Niamey. Le prix de la pomme de terre produite au Niger est aussi plus élevé que celui importé du Nigeria qui est fixé à 400 FCFA. Quant au piment frais, il varie entre 650 et 850 FCFA la mesure, pendant que le litre d’huile est fixé à 950 FCFA au Nouveau Marché. Selon Elhadji Aboubacar Sani, un marchand d’épices au marché de Koiratégui, ces derniers temps, il y a des prix qui ont augmenté et d’autres sont restés stables, à cause notamment de la situation de la pandémie, qui empêche beaucoup de mouvements. Selon lui, même les prix de la mesure de sel et de piment ont augmenté. La mesure de piment sec se vend à 2.600 FCFA. En attendant certainement la veille de la fête, ajoute-t-il, un kilo de viande avec os coûte 2.500 FCFA, sans os 3.000 FCFA, alors que un kilo de capitaine est vendu à 3.500 FCFA ; les autres espèces telles que les carpes à 2.000 FCFA et le menu fretin, toutes espèces confondues, par tas de 10 à 15 entre 700 à 1.250 FCFA. « Ceux qui n’ont pas le portefeuille bien garni se contenteront des ailerons de poulet ou de dindon importés dont le kilo varie entre 1.800 et 2.000 FCFA en fonction de la situation géographique du magasin où il est vendu », explique Sani, qui ajoute que les ménages moins nantis se rabattent sur le poisson de mer dont les prix du kilo sont accessibles à toutes les bourses. Ils varient entre 700 à 1.000 FCFA en fonction de la variété. Pour les conserves comme le petit pois, la tomate concentrée et les épices, les prix restent inchangés. Elles se négocient entre 1.000 à 3.000 FCFA la boîte, selon la qualité et le poids. La pomme de terre passe de 450 FCFA à 550 FCFA le kg. Mais c’est l’oignon qui coûte excessivement cher, la tasse vendue à 1.300 et 1.500 FCFA. Comme on le constate partout, les prix sont en hausse, pourtant, les commerçants avaient pris un engagement public, notamment avec les autorités, celui de garder le même niveau de prix jusqu’à la fin du mois de ramadan. Certains vendeurs jurent la main sur le cœur que la hausse est indépendante de leur volonté mais qu’il faut voir du côté des grossistes producteurs, qui contrôlent la chaine de commercialisation. Rencontrée au marché de Dar-Salam, Mme Daouda Aïchatou estime que les commerçants n’ont pas tenu parole. « Nous nous remettons au bon Dieu pour qu’il agrée nos prières» et « tout compte fait, leur cupidité ne va pas empêcher aux musulmans de fêter Inch’Allah », lance-t–elle, avant de démarrer en trombe sa voiture.
Mahamadou Diallo(onep)