La communauté islamique du Niger entame ce vendredi 29 avril, le dernier virage dans les préparatifs de la fête devant sanctionner la fin d’un mois lunaire de jeûne et de dévotion. Cette année, outre les alertes au virus de la grippe aviaire dans la région de Niamey et ses alentours, la situation d’insécurité qui sévit dans l’Ouest du pays, zone d’aviculture par excellence, rend difficile le renouvellement des stocks de volailles dans la capitale. Les prix explosent et des poulets de race se retrouvent sur les marchés de Niamey pour compenser la demande. Les poulets locaux se vendent entre 2.500 et 3.500F CFA. Les pintades valent en moyenne 4.000F et les poulets de la race maja sont cédés entre 4.750 et 5.000F CFA.
Lors de notre passage sur les différents marchés de Niamey, le mercredi 27 avril dans l’après-midi, les revendeurs de volailles se plaignent de la difficulté de renouveler leurs stocks. La cause principale qu’ils soulignent, est une raréfaction des sujets à la source. En ville où les propriétaires des fermes avicoles profitent de la fête de Ramadan pour reformer leurs poules pondeuses, la récente résurgence de la grippe aviaire à Niamey a conduit à l’abattage de dizaines de milliers de sujets. Ce qui a conduit à un manque important à compenser.
L’autre explication apportée par les revendeurs, cette année encore, est la persistance de la situation d’insécurité dans des villages de la région de Tillabéri, grand pourvoyeur de volailles pour la capitale. Beaucoup de paysans qi leurs vendaient des sujets pour investir dans leurs travaux champêtres, se sont débarrassés de leurs reproducteurs pour certains, et ont quitté leurs villages pour la plupart d’entre eux afin de ne pas être la cible de groupes armés non-étatiques. Les colleteurs de leur part, ne se rendent plus dans les villages reculés de la zone des trois (3) frontières.
Pour pallier ce manque et rendre disponible la volaille en cette veille de la plus importe fête pour la communauté musulmane du pays, indique M. Gado qui ne vend que de la pintade dans la zone du cimetière musulman de Yantala, lui et ses collègues se sont tournés vers les éleveurs burkinabés du village de Namano pour refaire leurs stocks. « Nous passons un simple coup de fil à nos contacts là-bas et ils se chargent de la collecte et de l’acheminement de notre commande jusqu’à Niamey. C’est une fois en possession de notre commande que nous réglons les frais», commente-t-il, visiblement content de ne plus être sur ces routes devenues dangereuses.
Juste à côté de son stand qui ressemble beaucoup plus à une mini-ferme avicole qu’a un espace de vente de volailles, se trouve M. Harouna Moussa, assis au milieu de plusieurs centaines de poulets maja. Actuellement, confie-t-il avec amertume, les affaires tournent à un véritable casse-tête pour lui et son patron, spécialisés dans la réforme des poules pondeuses des principales fermes de Niamey. Il fait savoir que les poules abattues étaient leur principale source de revenus même si, s’empresse-t-il d’ajouter, cette mesure protocolaire est nécessaire afin de circonscrire très rapidement la propagation de la grippe aviaire.
Pour maintenir une partie de son activité, Harouna Moussa, grâce à son carnet d’adresse, a commencé à acheminer des poules maja depuis des fermes situées dans le département de Say, région de Tillabéri. Cette variété hybride très prisée par les éleveurs et les consommateurs qui la découvrent, allie la résistance aux maladies et la saveur du poulet local à la croissance rapide des poulets de chairs. Elle se vend donc autour de 5.000F, très loin des 2.500F CFA que les clients payaient dans le temps pour se procurer des poules pondeuses reformées. « Il faut que nos clients comprennent que la cherté de la volaille cette année est due à la demande qui surpasse très largement l’offre. Même en brousse, la volaille se fait rare », se justifie M. Harouna Moussa.
Le surgelé régresse face à la viande locale, plus fraiche
Malgré la disponibilité de la volaille sur les différents marchés de la capitale et sur les grandes artères qui la traversent de part et d’autre, beaucoup de clients se tournent vers la viande de volaille conditionnée. La viande surgelée demeure abordable et se vend en moyenne à 2.000F CFA le kilogramme pour les parties de la volaille considérées comme nobles, à l’exception du blanc. Le poulet entier surgelé se vend aussi dans une fourchette de 1.750f à 2.750f CFA, en fonction de son poids.
Il est tout de même plausible, comme l’atteste la fréquentation des alimentations et des poissonneries, que les nigériens s’intéressent de plus belle à la viande locale conditionnée qui déboute ainsi la viande de volaille importée généralement d’Amérique latine dans des conteneurs frigorifiques. La prise de conscience de la population et sa migration massive vers les produits locaux ont été rendues possibles par plusieurs années de lutte et de sensibilisation par les femmes transformatrices du pays.
Pour commémorer la fête de Ramadan qui sanctionne la fin du mois de jeûne musulman, beaucoup de foyers se tournent vers la volaille conditionnée localement et vendue dans les 24h qui suivent son abattage. Dans la Poissonnerie du fleuve Niger, M. Halibou Soumana Ali, le jeune propriétaire, est stricte : qu’on soit reporter ou client, le terme de « surgelé » est banni sur ces installations. « Nous ne vendons pas des produits surgelés, dit-il, car toute notre production qui est basée sur la transformation des produits locaux, transite dans les réfrigérateurs avant d’être vendue au consommateur final dans les 24h. Ce qui permet de garantir la fraicheur des produits ».
Dans cette boutique dédiée à la valorisation des produits locaux, la pintade déplumée et conditionnée se vend entre 4.000 et 4.500F CFA. Le poulet de chair localement produit est affiché à 1.800F CFA l’unité, tandis que la cuisse de poulet et les ailes se vendent à 2.500F CFA le kilogramme. Le kilo de gésier et le blanc de poulet valent respectivement 2.250 et 4.250F CFA. Ici, les clients se bousculent pour placer leurs commandes pour la fête. « Nos clients sont essentiellement des personnes aisées qui n’ont pas besoin d’attendre le virement de leurs salaires pour se procurer à manger. Notre chiffre d’affaires a même triplé ces temps-ci », déclare M. Halibou Soumana Ali.
En plus de se tourner vers la consommation de la volaille locale, beaucoup de cadres de l’administration se sont rués sur le poisson, péché localement, pour servir aux parents, amis et connaissances, quelque chose de copieux et différent pendant le jour de la fête de Ramadan et les autres jours suivants. Ils n’hésitent pas à se procurer plusieurs kilos de Capitaine, vendu actuellement à 4.000F le kilo. Les deux autres produits les plus demandés dans cette catégorie, la carpe de fleuve et le machoiron, s’arrachent respectivement à 3.000 et 2.500F le kilogramme, explique le propriétaire de la Poissonnerie du fleuve Niger.
Les prix collectés sur les différents marchés de la capitale vont connaitre une inflation, prévient les vendeurs de volailles, surtout pendant les weekends où ils seront revus à la hausse. « Tout dépend des prix qui seront pratiqués par les collecteurs qui reviendront de Namano, au Burkina Faso », prévient M. Gado. Déjà, hier matin, la pintade a commencé à se vendre autour de 6.000F CFA chez les vendeurs de la place du petit marché de Niamey.
Par Souleymane Yahaya(onep)