Au Niger, la loi autorise uniquement l’avortement induit pour sauver la vie de la femme ou pour préserver sa santé. Néanmoins, certaines femmes ont recours à l’avortement pour réguler leur fécondité. Aujourd’hui, plus de 9 avortements sur 10 sont non sécurisés. Les femmes non mariées et vivant en milieu rural risquent plus d’avoir un avortement non sécurisé. 62% des établissements de santé offrent des soins après avortement (SAA), et seulement 36% et 14% disposent de tous les éléments essentiels pour fournir des soins après avortement (SAA) de base et de qualité, respectivement.
Une enquête a été menée entre janvier et mai 2022 par Performance Monitoring for Action (PMA) en collaboration avec l’Institut National de la Statistique du Niger auprès de la population pour générer des estimations représentatives sur l’avortement induit au Niger. L’étude s’est basée sur les données représentatives des femmes en âge de procréer (15-49 ans) et les informations rapportées par les femmes sur leurs propres expériences de l’avortement et sur celles de leurs plus proches confidentes. L’enquête a montré que malgré les restrictions légales de l’avortement au Niger, il y a eu environ 5 avortements pour 1000 femmes de 15 à 49 ans en 2022, soit 27 504 avortements induits sur un an. Au total, l’étude PMA a trouvé environ 5,0 (intervalle de confiance [IC] de 95% ; 1,0-9,0) avortements induits pour 1000 femmes de 15-49 ans au Niger en 2022, soit 27 504 avortements induits sur un an. Les données de l’étude suggèrent que les avortements sont plus courants chez les adolescentes, les femmes avec un plus haut niveau d’études, et les femmes sans enfant. Toutefois, ces résultats pourraient sous-estimer l’ampleur de l’avortement au Niger.
Les raisons principales de l’avortement induit au Niger
Dans la même étude PMA, les raisons de l’avortement induit varient au cours de la vie d’une femme. Elles sont souvent liées à des problèmes relationnels (30%), au fait de ne pas être mariée (28%) et au désir ou besoin de préserver sa santé (21%). 30% des femmes ont indiqué avoir d’« autres » raisons qui les ont poussées à se faire avorter. Les parcours de soins de l’avortement impliquent presque systématiquement des méthodes non recommandées. Seulement 13% des femmes connaissent une méthode d’avortement sécurisé, à savoir l’avortement chirurgical (9%) et l’avortement médicamenteux (6%). Les femmes avec un niveau d’étude secondaire et les femmes vivant en milieu urbain ont plus de chances de connaître une méthode d’avortement sécurisé. Mais de manière générale, les femmes ont recours à des méthodes d’avortement non recommandées, y compris par l’usage de comprimés autres que ceux utilisés pour l’avortement médicamenteux et des moyens traditionnels. On estime à 17% le pourcentage des femmes essayant de mettre un terme à leurs grossesses de plusieurs façons différentes. Environ un tiers du nombre total des femmes se sont rendues dans des structures de santé publiques, tandis qu’un quart se sont tournées vers une pharmacie ou une officine. La proximité du lieu est la raison la plus courante du choix d’une source d’avortement en général selon la même source. Pour les établissements privés, la réputation (100%) est la raison la plus couramment citée, tandis que la commodité (39%) est le facteur de décision déterminant des femmes qui se sont rendues dans des structures publiques. Enfin, le coût (34%) est la raison la plus couramment citée par les femmes ayant eu recours à un moyen traditionnel ou un « autre » moyen de se faire avorter, poursuit l’étude.
92% des avortements sont non sécurisés au Niger
L’étude PMA a également relevé que plus de 9 avortements induits sur 10 sont non sécurisés (92%), c’est-à-dire qu’ils n’impliquent pas d’intervention chirurgicale de source clinique, ni de comprimés prescrits pour un avortement médicamenteux à aucun moment du parcours de soins. Selon la même source, plus de 4 femmes sur 10 (43%) ont rapporté avoir subi des complications potentiellement graves (fièvre, écoulements vaginaux ou complications nécessitant une intervention chirurgicale). Seulement 40% de celles ayant subi des complications potentiellement graves ont indiqué avoir obtenu des soins après avortement (SAA) auprès d’une structure de santé.
Accessibilité des Soins Après Avortement (SAA) du Niger
L’étude (PAMA) a également souligné qu’au Niger 47% des femmes vivent à moins de 5 kilomètres d’une structure de santé offrant des SAA, et 33% et 8% habitent à moins de 5 kilomètres d’une structure offrant tous les éléments des SAA de base et complets, respectivement. Les femmes avec un niveau d’études moins élevé, vivant dans un plus grand degré de pauvreté et en milieu rural ont moins de chances de vivre dans un rayon de 5 kilomètres d’une structure de santé remplissant l’un de ces critères, avec des inégalités plus marquées en termes de distance à parcourir pour se rendre dans une structure de santé remplissant tous les critères des SAA de base et complets. Ces disparités pourraient expliquer les résultats de recherche précédents qui montrent que les femmes plus pauvres et vivantes en milieu rural ont plus de chances de subir les impacts négatifs de l’avortement non sécurisé (Singh et al 2010). Ainsi, l’accès limité aux structures offrant des SAA pourrait exacerber les inégalités face aux lésions et décès liés à l’avortement non sécurisé au Niger. Des actions menées ensemble avec les partenaires peuvent réduire significativement l’ampleur des avortements non sécurisés, leurs complications associées, et les lésions et décès maternels liés à l’avortement non sécurisé qui ont lieu chaque année au Niger.
Par Yacine Hassane(onep)